La campagne électorale est maintenant lancée à plein régime, ce qui permet d’intéresser le bon peuple français avec des sujets palpitants comme la colonisation algérienne, les tractations mélenchono-hamonesques et le grand orchestre d’instruments à vent d’Emmanuel Macron. Et heureusement que ces clowns sont là : sans eux, on prendrait conscience qu’il y a quelque chose de pourri dans la République du Bisounoursland.
Pourtant, tout le monde sait qu’en France, grâce à l’énergique pacification de la société entreprise depuis plus de 40 ans, la plupart des problèmes ont été réglés et que, d’années en années, la condition du peuple s’est franchement améliorée : sécurité fiscale puis sécurité financière ont permis à toutes les classes sociales de marcher main dans la main, jusqu’au moment où la sécurité physique fut totale et parfaite.
Pas étonnant, dès lors, qu’à chaque période électorale, les sujets économiques passent très loin au second plan. Pas étonnant que la sécurité des citoyens ne concentre guère d’attention tant le pays est un havre de paix. Comme globalement, tout va plutôt bien, il ne reste plus dans les agendas des journalistes, des chroniqueurs politiques et des politiciens que des questions périphériques sur les petits ajustements qu’on peut encore faire à la magnifique machine huilée qu’est devenue la France, tant et si bien qu’on en est à réfléchir sur la distribution universelle et généreuse des dividendes d’une richesse revenue en fanfare, la sortie de l’euro tant notre économie, solide, garantirait une monnaie en béton armé, ou d’autres mesures frappées au coin du bon sens.
En tout cas, c’est la seule explication valable qui me vient à l’esprit quand je vois avec quelle légèreté sont traitées les fusillades régulières qui ont lieu un peu partout dans le pays, et à Marseille en particulier.
Comment ? Vous n’avez pas remarqué ?
Pourtant, quelques titres ont parsemé la presse furtivement, entre deux saillies vagues de politiciens en campagne, et il ne faisait aucun doute qu’une fois encore, le pays et l’arrière-pays s’illustraient autrement que par « vivrensemble » et distribution de câlins.
C’est ainsi que vendredi, on apprenait la mort d’un individu suite à une fusillade. Les circonstances de cette fusillade sont suffisamment « croquignolesques » pour qu’on y consacre quelques mots : deux véhicules, dont une grosse cylindrée, se sont mis à poursuivre une Twingo noire à près de 150 km/h sur l’A55, obligeant les autres automobilistes à s’écarter et à ralentir. Quelques minutes plus tard, après avoir terrorisé plusieurs automobilistes et leurs familles sur leur passage, deux des trois véhicules se retrouveront sur le toit, le conducteur de la Twingo sera abattu puis carbonisé par les occupants du troisième véhicule qui prendront la fuite.
Pour le préfet des Bouches-Du-Rhône qui ne manque manifestement ni d’aplomb ni d’inventivité, tout ceci se résume à – je cite – un bête « homicide par règlement de comptes », le règlement de compte devenant de nos jours un objet vraiment très contondant.
Notez que tout ceci se passe à Marseille en 2017 et pas à Chicago en 1930, et notez qu’une telle série aux États-Unis nous aurait valu d’improbables commentaires des foutriquets habituels sur le port d’arme, la mentalité foncièrement différente des Américains et sur la nécessité évidente de bien encadrer la possession d’armes à feu (parsemé d’un petit « ouf, en France, ce n’est pas comme ça »). Mieux encore, certains, naïfs ou idiots, pourront insister sur le caractère exceptionnel de ce genre de faits divers.
Ils ont, bien évidemment, tort.
En fait, l’aspect exceptionnel ici est dans le faible nombre de victimes et c’est à peu près tout. Les fusillades, dans ce pays, sont devenues en réalité assez régulières. Un petit coup d’œil aux nouvelles locales permet de bien comprendre l’importance du phénomène : Bobigny compte ces derniers jours trois blessés dont un grave à cause d’une fusillade, Aix, Gignac et Marseille complètent la série hebdomadaire. La semaine précédente, Allauch et Marseille encore une fois trouvaient une place dans la même rubrique.
Je pourrais aussi, pour l’amusement, ressortir un précédent billet de 2015 dans lequel je faisais état d’une semaine presque banale en Bisounoursie socialiste où, sur sept jours, on trouvait cinq fusillades à différents endroits, fusillades initiées et terminées par la faune locale et jamais par la police qui, comme la cavalerie, arrive toujours après les faits.
De façon très concrète, très claire, la France est devenue une terre de fusillades et on ne doit l’absence de réaction à cette réalité tangible qu’à la cécité commode d’une part des grands médias et à l’envie de ne surtout pas voir cette réalité dérangeante par une proportion majoritaire des politiciens et, il faut bien le dire, des citoyens pour qui fusillade est seulement synonyme d’Amérique. De ce point de vue, la propagande par action ou, comme ici, par omission, fonctionne assez bien.
Il n’en reste pas moins que le pays est, au moins localement, en proie à de véritables guérillas de gangs mafieux que ne semblent arrêter ni la police, ni la gendarmerie, ni la justice ni la kyrielle de politiciens bigarrés qu’on nous offre d’un plateau télé à l’autre.
De façon tout à fait symptomatique et parfaitement en lien avec cette ambiance catastrophique qui règne sur certains pans entiers du territoire français, on assiste aussi à une violence récurrente et systématique lors de manifestations. Les dernières en date, prenant plus ou moins prétexte des violences policières subies par Théo, se soldent par plus d’une douzaine d’arrestations suite à des exactions qu’absolument rien ne justifie, de la même façon qu’absolument rien ne justifie d’aller brûler les voitures personnelles de policiers qui n’ont rien à voir avec l’affaire (cinq jusqu’à présent).
Interrogés ou titillés par ces événements, il va de soi que nos politiciens ont réagi avec la présence d’esprit et la lucidité qu’on retrouve facilement chez certains petits primates lorsqu’il s’agit d’attraper des fruits goûtus tout en se grattant une couille : Marine Le Pen juge nécessaire d’interdire les manifestations (si les gens sont violents, interdisons les gens), François Fillon remet sur la table l’idée d’une majorité pénale à 16 ans, quant au clown qui sévit encore comme président et à son factotum en plastique qui lui sert de ministre de l’Intérieur, ils n’ont rien trouvé de mieux qu’à se taper une petite opération de communication personnelle aussi putassière qu’hypocrite.
Autrement dit, soit les politiciens n’ont rien à dire sur ce qui ressemble à un mode de vie très alternatif dans le pays et qui échappe de plus en plus à toute forme d’autorité, soit ils s’expriment sur le sujet et enfilent avec application des bêtises périplaquistes en lieu et place d’un traitement de fond, durable.
Les principes, les lois, la volonté des citoyen excédés par un laxisme multi-décennal, les moyens techniques, financiers et humains, tout existe déjà pour revenir à une situation normale d’un pays dit civilisé, d’état de droit et de respect de la personne. Malheureusement, une frange de la population, la presse et l’intelligentsia politique n’ont toujours pas compris.
À mon avis, dans un proche avenir, elles peuvent se préparer à quelques surprises.
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