Historiquement, la relation avec les institutions financières repose pour une large part sur la domiciliation d'un salaire fixe. Encore régulièrement exigée pour l'ouverture d'un compte courant, cette condition devient (presque) impérative pour espérer obtenir un crédit immobilier. Le niveau de rémunération de l'emprunteur est alors le critère principal utilisé pour fixer le montant maximal du prêt et plafonner sa capacité de remboursement. Conséquence, une personne sans revenu stable est (plus ou moins) exclue.
Si les occurrences de ce genre étaient jusqu'à récemment, sinon rares, du moins cantonnées à quelques cas relativement bien maîtrisés (professions libérales, artisans, CDD…), elle deviennent maintenant beaucoup plus fréquentes et, surtout, correspondent à des situations extrêmement diverses, entre le chauffeur Uber et le fondateur de startup, par exemple. De plus en plus de personnes étant concernées, les banques n'ont d'autre choix que d'adapter leurs offres à ces clients qu'elles considèrent atypiques.
C'est donc ce que tente de faire, plutôt timidement pour l'instant, Barclays au Royaume-Uni, en abordant une frange spécifique de population : les entrepreneurs de secteurs de forte croissance. Concrètement, sa nouvelle offre de crédit hypothécaire prend en compte, au-delà des salaires (peu représentatifs de leur situation globale), les revenus de leurs investissements et ceux qu'ils tirent de leur propre entreprise, intégrant ainsi dans l'évaluation de leur capacité d'emprunt des sources de profits plus incertaines.
Bien sûr, on est encore très loin, ici, de l'inclusion financière des modèles d'emploi alternatifs, d'autant que l'initiative émane de la banque privée de Barclays et qu'elle ne s'adresse donc qu'à des clients préalablement identifiés comme possédant un patrimoine. Ce choix présente cependant l'avantage de permettre un « filtrage » manuel et individualisé (car ciblant un faible nombre de bénéficiaires potentiels), grâce auquel une démarche expérimentale est probablement plus simple à mettre en œuvre.
Rapidement, les banques devront apprendre à gérer des populations aux profils variés, pour lesquelles leurs vieux standards sont inapplicables. Pour ce faire, il leur faut identifier les tendances émergentes de l'emploi et réfléchir aux critères spécifiques à chacune d'elles, qui leur fourniront la mesure de risques dont elles ont besoin pour remplir leur rôle tout en continuant à respecter leurs normes de sécurité. À défaut, de nouveaux acteurs arrivant sur le marché avec des solutions de niche capteront les opportunités…