On présente souvent Christophe Jacrot comme le photographe des intempéries.
Face à la vitrine de la galerie de l’Europe, avec laquelle il collabore depuis 2008, nous rencontrons les éléments. Une montagne imposante et des plans multiples saisis par le photographe, ancien réalisateur de courts-métrages. Nous restons un moment à l’extérieur, contemplant la plaine vide, immaculée, et ce rideau subtil de flocons qui brouille un peu la vue.
S’éloignant du monde du cinéma pour des raisons financières, Christophe Jacrot entreprend un projet artistique sur le thèmes des variations climatiques, et en particulier sur la pluie et la neige. Il commence à Paris, ce qui lui permet de présenter ici même une très belle série, intitulée “Paris sous la pluie”.
Il sillonne ensuite les pays du Nord, et glane sur sa route, des images de New York, de Chicago, mais aussi de Hong Kong, de l’Inde ou de Macao
La pluie devient, dans son objectif, un médium qui floute les contours, qui fond les couleurs comme dans une aquarelle. Les trottoirs mouillés deviennent le reflet des néons et des enseignes multicolores. L’eau qui ruisselle sur la route, qui perle sur les vitres, ou qui ressemble à un filtre sur l’image, révèle des scènes de vie aux quatre coins du monde.
Attentif aux prévisions météorologiques, il cherche les conditions idéales pour son travail. Il déclare alors : “Longtemps un peu abstrait, le réchauffement climatique devient d’année en année de plus en plus palpable pour chacun d’entre nous. Voilà ainsi trois ans que je désespère de ne plus pouvoir faire des images d’hiver en Europe !
En quête d’un monde à la fois peuplé et enneigé, j’ai trouvé l’Islande qui, grâce à une « anomalie froide » du nord de l’Atlantique, a connu ces deux dernières années un hiver… qui ressemble à l’hiver. Ce pays m’a permis de m’évader des mégapoles que j’ai tant arpentées, et de redécouvrir les grands espaces.”
Nous voilà donc en Islande. Mais ses espaces désormais explorés, saisis dans les objectifs et diffusés sur les réseaux sociaux, blogs ou magazines, ne sont plus très secrets. Si l’on reconnait la plage de Vik ici, les blocs de glace échoués sur la plage sous le glacier au Sud de l’île, les images de Christophe Jacrot semblent complètement renouvelées par le prisme des conditions climatiques. Loin des univers urbains, son terrain d’expression de prédilection, il propose une approche plus radicale de cet environnement. Ici dans un hiver rigoureux, il saisit le contraste de la présence humaine face aux humeurs de la nature, un “désert habité”.
Ici il joue sur le contraste des étendue et des couleurs. L’habitat tranche sur les étendues monochromes. Le rouge rencontre le blanc de la neige. Plus loin, la plage de Vik se dessine derrière le voile des flocons, en bokeh, inversant la composition habituelle (normalement ce sont les lumières d’arrière plan qui sont floues).
Il y a quelques visiteurs dans la galerie, eux aussi ont entrepris le voyage et la promenade, chanceux de pouvoir contempler ces grands tirages. Il réside dans ces images une beauté indéniable qui laisse tous les visiteurs unanimes. Leurs préférences varient, certains sont subjugués par cette confrontation pure aux éléments, d’autres sont émus par l’intensité du rapport des hommes à la nature, dans ces conditions extrêmes.
Snjór, Christophe JacrotDu 1er décembre 2016 au 14 janvier 2017 (exposition terminée)Galerie de l’Europe55 rue de Seine75006 Pariswww.christophejacrot.com