Lors d’un affût, le secret est de garder en permanence tous ses sens en éveil pour ne pas manquer l’arrivée (parfois furtive) d’un habitant de la forêt. L’histoire de cette matinée hivernale sur les hauteurs du Val-de-Travers débute par un fin craquement de branche venu de l’orée du bois. Les yeux prennent rapidement le relais. Je scrute longuement la lisière sans rien voir hormis quelques geais des chênes qui virevoltent en rompant le silence glacé par quelques croassements rauques. Au second craquement, je devine les bois de velours d’un brocard qui remuent au loin. Un monticule entrave malheureusement la vue depuis le poste d’affût. Il faut être patient et espérer que le chevreuil choisira de s’approcher. Le vent est bon et le camouflage me semble efficace. Je croise les doigts en espérant rapporter une image aujourd’hui…
Lors d’une sortie photographique hivernale, les règles du jeu son claires: pas question de tenter une approche téméraire qui pourrait créer la panique chez l’animal et lui faire perdre une énergie précieuse dont il aura besoin pour espérer voir le printemps. Il faut arriver sur place bien avant la faune, privilégier un affût discret et repartir sans se faire remarquer.
Une heure s’écoule sans que rien ne bouge dans la forêt. Le froid tout d’abord revigorant commence à s’infiltrer à travers la grosse veste d’hiver. Un second craquement de branche, tout proche cette fois ci, me fait lever les yeux. Le chevreuil est là, à une petite vingtaine de mètres en face de l’objectif. Il hésite, regarde en arrière puis s’avance pile là où j’espérais. Je réalise quelques images. Il ne réagit pas aux déclenchements bien étouffés par la housse anti-bruits qui entoure le boitier.
A ma grande surprise, un second brocard aux bois ramifiés magnifiques vient rejoindre son congénère. Les deux cervidés broutent paisiblement durant de longues minutes, puis s’allongent pour s’offrir une sieste ensoleillée. Je déclenche avec parcimonie pour ne pas me faire remarquer. L’instant de grâce dure deux bonnes heures avant que les chevreuils décident de poursuivre leur quête de nourriture plus loin dans la forêt. Une fois la place dégagée, j’attend encore quinze minute pour m’éclipser sur la pointe des pieds.
Val-de-Travers, le 19 février 2017