À l'instar des autres initiatives du genre, de la vénérable livre de Brixton au Coopek français que j'ai découvert plus récemment, celle de Liverpool porte l'ambition de promouvoir une économie de proximité, en instaurant une monnaie n'ayant cours que dans un périmètre restreint. À l'ère « digitale », celle-ci prend naturellement la forme d'un porte-monnaie mobile, offrant une palette de services étendue, du paiement en boutique aux échanges d'argent entre particuliers, en passant par un annuaire des commerçants.
Peut-être faut-il préciser à ce stade que la livre de Liverpool n'est pas réellement une nouvelle monnaie : en pratique elle n'est qu'une incarnation « digitale » de la livre sterling et ce n'est que par sa « mue » dans une application mobile qu'elle devient locale. Est-il utile d'ajouter qu'elle s'inscrit dans le cadre réglementaire britannique ? Elle fait également partie de la guilde des devises indépendantes, qui rassemble les acteurs du pays et vise à développer la notoriété de leur action auprès de la population.
Dans ses fondations, la livre de Liverpool constitue le premier déploiement opérationnel de la solution d'une startup israélienne, Colu. Et celle-ci présente donc la particularité de reposer sur une infrastructure de « pièces teintées » (« colored coins », dont les fondateurs de la société font partie des concepteurs originels), permettant d'utiliser la blockchain du bitcoin pour la gestion de différents types d'actifs. Ce choix original offre ainsi tous les avantages d'un socle technique existant, robuste et éprouvé.
Le premier de ceux-là se situe au niveau des coûts, non seulement par la mise en œuvre d'un écosystème financier nativement numérique mais également par l'élimination d'intermédiaires, tels que les banques, dans l'exécution des transactions. Conséquence directe, les paiements et autres transferts réalisés avec la livre de Liverpool sont entièrement gratuits. Seul un abonnement mensuel fixe de 25 livres est facturé aux commerçants participants (qui n'ont besoin que d'un smartphone pour l'encaissement).
Sans s'attarder sur la robustesse et la sécurité intrinsèques d'une blockchain publique, Colu met en avant un argument plus inattendu pour vanter les mérites de son application : l'immutabilité et la transparence du livre de comptes qu'elle gère de la sorte pour le compte de ses utilisateurs en font un atout vis-à-vis du régulateur, notamment en matière de lutte contre le blanchiment et autres fraudes…
En marge des invraisemblables délires qu'engendre la technologie de la blockchain (je pense, par exemple, au pur fantasme des dizaines de milliards qu'elle serait censée faire économiser aux banques), il est rassurant de voir encore émerger des solutions pragmatiques, basées sur des fondations solides (celles du bitcoin, notamment), mises au service de cas d'usage concrets, immédiats et porteurs de valeur effective…