Réalisé par Martin Scorsese, 3 ans après l’excellent Le Loup de Wall Street, Silence est une adaptation du roman de Shūsaku Endō, déjà porté à l’écran en 1971 par Masahiro Shinoda. Bientôt 30 ans après La Dernière Tentation du Christ, le cinéaste américain se replonge donc dans un questionnement autour de la foi, dans un long-métrage qui tranche avec ses dernières productions mais qui conserve son soin habituel.
Terriblement éprouvant, le film est un véritable périple intérieur qui interroge la nature même de la foi – ou plus généralement de la croyance – et notre perception de celle-ci, en la confrontant aux horreurs humaines les plus extrêmes. A travers l’histoire de ces deux prêtres, Scorsese met à l’épreuve nos convictions et nos choix de vie, dépassant ainsi largement le seul cadre de la religion. Dans une ambiance aussi lente que pesante, il superpose aux oppressions physiques des souffrances spirituelles, multipliant les plans lourds de sens pendant plus de 2h30. Difficile du coup de ne pas voir dans le parcours du duo religieux un voyage métaphysique tourmenté dans lequel la découverte d’un territoire inconnu renvoie inexorablement à une dimension plus psychologique, remplie d’incertitudes. Une approche exigeante qui se fait, d’une certaine façon, le reflet de notre propre société, sans cesse malmené par des croyances manquant cruellement d’ouverture. A ce titre, le dénouement final tout en tolérance est non seulement d’une formidable pertinence, mais également d’une grande sagesse.
Si la lenteur du projet, ainsi que sa durée conséquente, risquent de dérouter les spectateurs en manque d’action, force est tout de même de constater qu’elles relèvent d’un choix narratif tout à fait cohérent afin de nous plonger durablement dans l’expédition des personnages, et de nous amener, comme eux, à nous questionner sur le sens de nos convictions. Certes, le style est parfois un peu assommant, mais pas pour autant dénué d’intérêt dans l’optique d’afficher une certaine gravité dans le propos. De plus, malgré une réalisation de Scorsese plus sobre qu’à l’accoutumée (et c’est peu de le dire), celle-ci s’avère particulièrement soignée, offrant notamment des images d’une beauté renversante. Au-delà du travail admirable de Rodrigo Prieto sur la photographie, c’est surtout le cadrage et la composition des plans qui séduisent ici par leur ingéniosité. Enfin, le casting s’inscrit dans cette logique en livrant une partition sans la moindre fausse note, dont on retiendra principalement la performance remarquable d’Andrew Garfield. Quelques mois après Tu ne tueras point, l’acteur enchaîne une deuxième interprétation magistrale dans la peau d’un prêtre dont la dévotion n’a d’égal que la dignité.Pour conclure, avec Silence, Martin Scorsese signe donc une œuvre aussi exigeante que passionnante. Exigeante car son rythme lent, son atmosphère pesante et la complexité de son propos la rendent difficilement accessible. Mais passionnante car lorsqu’on s’y abandonne, elle offre une réflexion extrêmement intelligente autour d’un sujet qui résonne malheureusement encore aujourd’hui. Un film éprouvant mais fascinant !