Riverdale est une nouvelle série diffusée depuis la fin janvier sur les ondes de The CW aux États-Unis et KTLA au Canada. Le titre fait référence à la célèbre ville illustrée dans les Archie Comics qui diverti des millions de lecteurs depuis 1939. Nous retrouvons donc toute la bande incluant Archie Andrews (K.J. Apa), Betty Cooper (Lili Reinhart), Veronica Lodge (Camila Mendes), Jughead Jones (Cole Sprouse) et Reggie Mantle (Ross Butler). Entre triangles amoureux, disputes et le quotidien lycéen, c’est la mort de Jason Blossom (Trevor Stines), le frère jumeau de Cheryl (Madelaine Petsch) qui vient ébranler la petite communauté, d’autant plus qu’il s’agit d’un meurtre et que le tueur est toujours en liberté. Pour une fois que le célèbre producteur exécutif Greg Berlanti laisse de côté ses consensuels superhéros, l’adaptation de Riverdale nous semblait aussi inusitée qu’audacieuse. Après avoir visionné le pilote, on pourrait affirmer que c’est mission accomplie. Par contre, à mesure que les épisodes s’enchaînent, notre intérêt décroit autant pour l’ensemble des personnages qui nous déçoivent que pour l’intrigue principale qui est abordée avec le mauvais ton.
Des milkshakes et un cadavre
Au départ, on nous laisse croire que Jason se serait noyé, bien qu’on n’ait pas encore retrouvé son cadavre. En tous les cas, il y a au moins un témoin oculaire qui se trouvait à proximité du drame : Archie en personne qui aurait entendu un coup de feu cette journée-là. Dans un premier temps, il hésite à aller voir la police puisqu’il était en compagnie de Miss Grundy (Sarah Habel), son professeur de musique avec qui il a eu une aventure l’été précédent. Entretemps, l’enquête évolue et le cadavre de Jason est retrouvé… transpercé d’une balle dans le front. De plus, d’après l’autopsie, le jeune homme serait mort une semaine après sa disparition; de quoi amplifier le brouillard déjà omniprésent sur cette affaire.
À la première impression, le caractère et le physique des personnages sont assez constants avec les bandes dessinées. Seule l’histoire de Veronica diffère puisqu’elle et sa mère Hermione (Marisol Nichols) viennent tout juste de quitter la Grosse Pomme pour s’installer dans leur ville d’enfance. C’est que son mari a été arrêté il y a peu pour fraude. Elle et Betty deviennent rapidement copines, et ce, bien qu’elles soient toutes deux attirées par Archie. Ce dernier rêve d’une carrière de musicien et tout son temps passé (caché) avec Grundy semble avoir eu raison de son amitié avec Jughead, lequel investigue secrètement sur le meurtre pour le compte du journal écolier.
En entrevue, Berlanti expliquait ainsi son objectif quant à Riverdale : « What was interesting to us was how much can we bring it into a new generation. » Dans le même article, on apprend que le public cible à la télévision de The CW est âgé de 43 ans tandis que l’audience de son rattrapage web est de 20 ans plus jeune. Justement, au point de vue de la mise en scène, la série se situe habilement entre deux âges. D’une part, on a le rendez-vous habituel dans un Diner style années 50 avec le jukebox et les milkshakes, d’autre part, on traite de sujets plus actuels comme l’intimidation via les réseaux sociaux. Aux pages colorées de la bande dessinée, le Riverdale automnal dans lequel les protagonistes évoluent est sombre : à la limite du glauque.
Pourtant, après trois épisodes, les intrigues s’essoufflent rapidement et notre intérêt descend en flèche. C’est d’abord l’enquête qui piétine et qui ne nous offre que peu de rebondissements : on ne sait que peu de choses concernant la victime et aucun indice ne pointe vers un suspect en particulier. À la fin du deuxième épisode, la police entre dans une salle de classe et on a Cheryl qui se lève et affirme : « I’m guilty ». Au début de la diffusion suivante, elle précise : To clarify, I didn’t mean I was guilty of killing Jason. (…) But I am guilty of lying about what happened on July 4th.» L’art d’amoindrir un cliffhanger… En s’orientant davantage dans une trame à la Pretty Little Liars, on laisse en quelque sorte tomber une génération fidèle aux comics réputés d’abord et avant tout pour leur légèreté. Les deux tons n’étaient pourtant pas irréconciliables : c’est tout simplement d’un Mark Cherry à la barre de Riverdale dont la production aurait eu besoin. En effet, le créateur de Devious Maids et Desperate Housewife maîtrisait à la fois humour et suspens avec une formule qu’il arrivait à renouveler chaque nouvelle saison.
Excellent casting, mauvais rôles
On est littéralement rivé à notre écran dans les premières minutes de la nouveauté de The CW alors qu’un à un, les personnages nous sont présentés. Physiquement, on a rien à redire et on apprécie l’ajout de « couleur » au casting. Par exemple, Mr Weatherbee (Peter James Bryant), Pop (Alvin Sanders) et tout le groupe de Josie & the Pussycats sont joués par des Noirs, tandis que c’est un asiatique qui incarne le personnage de Reggie. Encore une fois, passé la première impression, la majorité d’entre eux nous déçoit sur le long terme. Cheryl a tout de la garce de service alors que Kevin (Casey Cott), l’ami gay de Betty n’ouvre la bouche que pour parler de vêtements ou de garçons avec qui il aimerait coucher. Veronica n’a pas assez de mordant, se révèle trop consensuelle, tandis que Jughead se limite au rôle de narrateur/enquêteur plus ou moins convaincant. La grande déception vient du personnage d’Archie. Dans la bande dessinée, il était indécis, gaffeur, rigolo, populaire et surtout très attachant. Ici, il est constamment maussade et n’a aucun ami à qui il se confie si bien qu’on n’apprend que très peu à le connaître. Toutes les intrigues autour de son désir de devenir musicien nous indiffèrent et parmi toutes les filles qui lui courent après, avait-on vraiment besoin d’ajouter un professeur à sa liste de conquêtes ?
Seule Betty se révèle pour le moment conforme à nos attentes. D’une personnalité adorable et réservée, on l’a modernisée adéquatement. En effet, celle qui a des résultats scolaires indéniables et qui s’implique dans toutes sortes d’activités est en revanche sujette à la dépression. Et c’est sans compter sa mère, la vampirique Alice (Mädchen Amick) qui lui met une pression énorme sur les épaules depuis que sa fille aînée, Polly est traitée dans un centre (on ne sait trop pourquoi pour le moment).
À trop s’éloigner du schéma original, Riverdale s’est peut-être aussi privée d’un meilleur auditoire. En effet, le premier épisode a attiré 1,34 million de téléspectateurs en direct avec un taux très moyen de 0,51 chez les 18-49 ans… plus ou moins le même obtenu par les dernières nouveautés de la chaîne depuis l’automne (No Tomorrow & Frequency) et qui devraient d’ailleurs passer à la trappe sous peu. Au moins, Riverdale fait preuve de stabilité puisqu’après trois épisodes, la moyenne de l’auditoire est de 1,24 (taux de 0,47).