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Stooges forever

Par Balndorn

Stooges forever
Quand Jim Osterberg, alias Iggy Pop, raconte à Jim Jarmusch les différentes manières qu’il avait de réveiller Scott et Ron Asheton à 12h30, une petite séquence d’animation comique surgit au beau milieu de l’interview.  
Non pas que Gimme Danger, le dernier documentaire de Jarmusch sur les Stooges, soit une fiction ; mais pour adhérer à l’esprit du groupe le plus foutraque qui soit, il faut bien exprimer visuellement en quoi le monde est à leurs yeux source d’un spectacle de l’excès.


Documenter la fiction   
Le générique annonçait déjà un film haut en couleurs : dans une graphie imitée des albums des Stooges, les noms de Jim Osterberg, Scott et Ron Asheton, James Williamson, Dave Alexander et Steve MacKay crèvent l’écran. Autant de noms mythiques dans l’histoire du rock crédités comme des stars du cinéma.  
Le ton est donné d’emblée : Gimme Danger ne sera pas un portrait intimiste d’un groupe tapageur. Jarmusch, qui n’apparaît jamais à l’écran et qui cède volontairement la parole à Iggy Pop après une très brève introduction, laisse avec grand plaisir le soin de raconter l’épopée des Stooges par les Stooges.
La tâche du documentariste ? Remettre au centre de l’écran le feu de la passion qui anime les mots des interviewés. Rarement critique, le montage se permet d’amplifier, voire de dépasser les propos des musiciens. Lorsque Iggy se plaît à raconter ses expériences sous psychotrope, l’image se déforme, comme si elle-même passait sous l’influence de la drogue, qui n’est peut-être rien d’autre que le verbiage bouffonesque du leader du groupe ; mais lorsque ce dernier se souvient d’un clown excentrique qui l’amusait particulièrement à la télé lors de son enfance, Jarmusch place discrètement en surimpression des images d’archives le corps d’Iggy dansant, en plein délire.   
Stooges will never die   
Si le récit commence en 1973, date à laquelle le groupe se dissout peu à peu dans les méandres de la drogue, de la provocation et d’une réputation sulfureuse, c’est pour mieux relancer le mythe rock & roll. De son enfance jusqu’aujourd’hui, une même fureur de vivre, incontrôlable et indépendante de toute étiquette musicale, culturelle et politique, habite les corps des Stooges. Ceux-ci ont beau avoir vieilli, et beaucoup d’entre eux parti en fumée, on s’extasie de voir encore un Iggy Pop sexagénaire se trémousser sur scène « comme font les babouins et les macaques avant de passer à l’attaque ».  
La force de Gimme Danger, c’est de ne pas céder à la nostalgie. De ne pas figer les Stooges dans un passé mythique et inaltérable. De ne pas leur barrer l’horizon. Ron et Scott Asheton et Steve Mackay ont beau être morts, respectivement en 2009, 2014 et 2015, leurs interviews se mêlent avec une élégante fluidité aux propos d’Iggy et James Williamson, à côté duquel ils apparaissent à l’écran. Passé et présent se rencontrent dans une transe qui se poursuivra bien au-delà de leur propre mort, à l’image de cette jeune fille, à la moue fière et provocante, qui frappe un tambour sur lequel résonnent ces mots : « Stooges forever ».

   Stooges forever

Gimme Danger, de Jim Jarmusch, 2017
Maxime

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