Klô Pelgag : « Je fais la musique que je suis »

Publié le 15 février 2017 par Swann
INTERVIEW - Rencontre avec la géniale Québécoise Klô Pelgag, dans le cadre de la sortie française de son deuxième album, L'Étoile thoracique.

Le rendez-vous est donné aux fameux Studios Ferber. Je t'avoue que personnellement, je n'en avais jamais entendu parler. C'est en partie là que la Révélation de l'année 2014 de l'ADISQ a travaillé sur son deuxième album, attendue de pied ferme par son public, et par les médias qui s'étaient montrés très élogieux à propos de L'Alchimie des monstres.
Ça fait un bout(te) qu'on suit la carrière Klô Pelgag, et on était donc ravi de pouvoir la rencontrer, sur les canapés cosy de son label français, un peu fatiguée par un après-midi de promo intensive. Je suis la dernière. Après moi, Chloé et son équipe s'en iront dîner. Dehors, il fait noir, c'est parti.

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Tu as travaillé avec ton frère pour L'Étoile thoracique. J'ai une grande sœur et je sais que je ne pourrai pas travailler avec elle. Comment as-tu fait ? C'est plus libre, plus facile ou plus contraignant ?
C'est très difficile ! Car c'est sûr qu'on a des désaccords. Quand tu as des désaccords avec ton frère par exemple, c'est plus rude, c'est des affrontements. C'est plus compliqué de faire attention les uns aux autres comme on le ferait avec les gens qu'on connaît moins.

Si vous vous dîtes les choses très franchement ça ne permet pas justement d'avancer plus vite ?
Ouais mais en même temps des fois on se blesse... Le fait qu'on se connaisse tellement ça permet qu'il sache ce que je ne veux pas pour une chanson qu'il va arranger. Je lui fais énormément confiance et je l'admire beaucoup. C'est un mélange de plein d'émotions. Au final on est super fiers car c'est un projet qu'on partage. C'est des rêves qu'on caressait ensemble qui se réalisent, comme enregistrer avec un orchestre !

Je ne considère pas que mes paroles sont loufoques. C'est mon langage à moi.

Tu as une certaine originalité dans l'écriture, on a déjà dû t'en parler. Un peu comme si tu étais la fille de Boris Vian et de Chantal Goya. Tu as des paroles à première vue loufoques, mais est-ce que ce n'est pas justement pour pousser les gens à passer au-delà de cette première lecture ?
C'est drôle parce que je ne considère par que mes paroles sont loufoques. Elles sont tellement calculées, intenses, elles sont très directes avec le cœur, c'est mon langage à moi ! Et moi, je me reconnais dans la poésie. Donc si tu lis un recueil de poésie de Claude Gauvreau par exemple, et que tu es quelqu'un que la poésie ne touche pas, tu vas le brûler ! Mais pas pour quelqu'un de sensible aux images comme moi - je suis sensible à la beauté quand je regarde des choses, je suis sensible aux images constituées en mots. J'ai toujours été touchée par la poésie et l'art visuel, donc ça se retrouve dans mon écriture. C'est une écriture qui n'est peut-être pas habituelle en musique, mais elle existe. Ce n'est pas parce que ce n'est pas la parole du quotidien qu'elle n'est pas réelle. Ça me fait un peu rire que ça soit perçu comme bizarre parfois...

Si une personne qui ne te connaît pas tombe sur une de tes chansons à la radio, il peut se dire que tu ne parles pas (directement) des sujets banals auxquels on est habitué.
Ça dépend de la chanson non ? J'ai repensé à ça l'autre fois : si on prend la chanson " Incendie ", c'est clair que c'est une chanson d'amour, c'est quand même très réaliste. Si on prend " Insomnie ", c'est une chanson qui parle d'insomnie, ça le dit dans le refrain. Dans " Samedi soir à la violence " il y a plus d'images, mais je pense que c'est quand même clair que ça parle d'oubli, d'Alzheimer, d'une relation entre un père et sa fille, ou quelque chose comme ça...

J'écris vraiment comme ça, je n'ai pas travaillé mon écriture pour affirmer une différence.

Je suis pas mal autodidacte dans tout [...] ça donne un côté plus spontané et intuitif à mon écriture.

Tu uses pas mal des dissonances dans ta musique. Ce ne sont pas des sonorités habituelles pour beaucoup d'auditeurs. Il y a aussi un côté très orchestre symphonique avec des instruments originaux (toute une tripotée de claviers-percussions), ta voix est très limpide parfois avec un côté lyrique sur les onomatopées... tu as un background de musique classique ?
Non...

D'où ça te vient toute cette profusion ?
(en chuchotant) Je ne sais pas... Je suis pas mal autodidacte dans tout. J'ai appris à communiquer avec mes musiciens avec la base du langage musical, mais je ne suis pas capable de lire ni d'écrire la musique par exemple. Je ne peux pas mettre de nom sur un accord, sur des rythmes... Ça complique les choses, mais à la fois ça donne un côté plus spontané et intuitif à mon écriture, parce que je ne me pose pas de questions sur ce qui se fait, ou ce qui ne se fait pas. Il y a plein de questions techniques dont je ne me soucie pas.
Pour ma voix, j'ai commencé à chanter car j'avais écrit des chansons. Ce n'était pas magnifique. Après ma voix s'est développée toute seule avec le temps... J'ai quand même une attirance pour faire de mes mélodies un défi : j'ai envie de faire les mélodies que je veux. Au départ ce ne sont pas des mélodies faciles, comme pour mes parties de piano, parfois il y en a que je ne suis pas capable de faire tout de suite. Mais je l'apprends, et mon jeu s'améliore au fur et à mesure que j'écris des chansons. C'est un work in progress tout le temps !

Tu peux nous parler un peu de tes visuels, qui sont très soignés, très beaux ? J'ai lu que tu avais, pour ton deuxième album bossé avec un bédéiste français, d'où te viennent toutes ces idées graphiques qui contribuent à nourrir ton univers musical ?
Le visuel de l'album c'est bien Ludovic Debeurme (illustrateur et auteur chez Cornélius notamment ndlr) qui s'en est chargé. Je l'ai rencontré à Paris, il m'a donné deux de ses bds, Un père vertueux et Trois fils, et j'ai eu un immense coup de cœur, c'est vraiment fou. J'ai adoré ça ! Je lui ai demandé si ça lui dirait de faire le visuel de mon album et une petite bd pour le livret... Je lui ai laissé le champ libre pour faire ce qu'il voulait. Je trouve ça intéressant de communier deux impressions ensemble, qui se percutent et qui donnent quelque chose d'autre. C'est comme pour le clip, tu travailles avec un réalisateur qui lui aussi a sa propre idée...

Tu n'as jamais eu peur que ça ne te plaise pas ?
Si c'est sûr ! C'est tellement important... C'est arrivé qu'une fois je fasse un clip en France, et ce clip n'est jamais sorti. Ce n'est pas idéal de refuser avec tout le budget en jeu... mais faut être en accord, car ça reste quand même longtemps après. Ça fait partie de ton identité.

Je suis peut-être différente mais je ne suis pas extraterrestre.

Merci à Klo et à Xavier.

Propos recueillis par Emma Shindo (Paris, 7 février 2017)

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