"Québec aura son cimetière musulman" a claironné Régis Labeaume.
Puis, on a parlé de Lévis comme lieu potentiellement choisi.
Vous voyez la peau de banane que je vois?...
Oh! je serai tout en présomptions dans cette chronique, mais je connais mes anciennes régions. Le 418, j'y ai passé 16 ans. Les phrases qui commencent par "je suis pas raciste, mais..." j'en ai entendues des dizaines et des dizaines. J'en ai surement dit quelques unes moi-même, ado.
Quand l'affreuse tuerie à eu lieue à Ste-Foy dans la Grande Mosquée, on a vu des splendides moments de communion. Réelles et senties. "Il serait temps qu'on s'aime ben ben fort, maintenant" indiquait une pancarte. Ça m'a ému presqu'aux larmes. Une pancarte signée d'un gars de Montréal, toutefois. Mais les gens de Québec ont eu de très beaux gestes spontanés. Et de très belles paroles d'inclusions.
On ne le dit pas assez souvent, on se penche même beaucoup beaucoup plus souvent sur le contraire, les médias ont fait un travail fort efficace sur le sujet. Ils ont davantage mis l'accent sur ce qui pouvait être encore beau dans toute cette horreur. Ce qui pouvait unir et non diviser.
On a par contre aussi retenu beaucoup des commentaires hautement déplacés sur les réseaux prétendus sociaux. On a même fait des arrestations et servi des avertissements. On a serré la vis à certains autres tireurs fous. Du tweet ceux-là. Des impulsifs du raisonnement malhabile, de la haine volubile et du like parfaitement débile. Ils ne venaient pas tous de Québec.
Mais est-ce que mon ancien 418 est aussi ouvert qu'il le prétend?
Laissez-moi vous parler de 1985. J'y avais l'âge de ma fille présentement et y étais en secondaire II dans une école privée aussi. Dans toute l'école secondaire, j'ai revérifié dans l'album de photos (il y en avait un par année regroupant les 5 niveaux) pour ne pas vous dire n'importe quoi, il y avait 4 élèves à la peau noire et 6 aux traits asiatiques. Pas plus de 10 d'origine arabe. Tout niveau confondu. C'étaient les enfants des premiers arrivants de certains pays qui n'avaient pas eu l'habitude de choisir le Québec comme terre d'adoption. Ils étaient peu. Des 4 étudiants à la peau noire, 2 étaient de notre niveau scolaire. L'un d'eux s'appelait Denis et la famille était originaire des Îles Maurice. Pour le différencier d'un autre Denis, on prenait un vilain raccourci en disant "le noir" quand on parlait de celui-ci, sans sa présence. Ce qu'il était assez peu, étant plus brun/basané que noir. Plus souvent on disait "boulette" qui était une variation de son nom de famille, et une forme péjorative pour le discriminer, car il était assez bouboule.
Bien que personnellement sa nationalité n'ai jamais eu d'impact sur ma manière de le traiter, j'ai été injuste avec lui et presque toujours dans le rôle de l'intimidateur. Par excès de testostérone et parce que j'étais un âne. Jamais je n'ai fait preuve de racisme à son égard, mais jamais je n'ai été tellement sympathique avec lui non plus. On se croiserait aujourd'hui qu'il y aurait malaise. L'autre élève à la peau noire était moins près de nous et on en parlait comme du seul noir (il avait la peau plus foncée que Boulette et les deux filles des autres années avaient la peau aussi plus claire) de la région, de nos âges.
Tout ça pour vous dire que vivre avec des gens d'origine étrangère était rare et plutôt nouveau pour nous. Les "ethnies" pour nous, c'était à Montréal. Et encore de nos jours, je retrouve des traces de ce fil de pensée quand je retourne dans le 418. À l'école secondaire de ma fille, du 450, dans son seul groupe d'amies proches de secondaire II, sur 6, il y a une haïtienne, une grecque et une polonaise/arabe. Ce qui ajoute du poids sous le parapluie de leurs raisonnements. Qui a donc du vrai. Mais on ne le voit plus. Il faut y penser. c'est pas anormal. Il y a nettement plus de gens d'origine étrangère à Montréal qu'à Québec.
Mais il y en a beaucoup beaucoup plus à Québec que lorsque j'y ai grandi.
La ville de Québec est dans l'adolescence du "vivre ensemble" avec des gens d'ethnies multiples.
Je ne suis pas en train de dire que le 418 est raciste. Il ne l'est pas plus que les autres régions.
Je dis simplement que ce sera facile de ne pas faire preuve de racisme, mais de ne pas être sympathique à certaines idées non plus.
Comme celle d'un cimetière dans sa région.
Mais je vois une peau de banane qui serait peut-être un nid de poule ailleurs. Plus facile à contourner.
On marchera sur des oeufs dans ce dossier pour ne pas froisser personne, mais il sera intéressant de suivre le pouls des gens de Lévis. J'ai tout de suite pensé au syndrome N.I.M.B.Y. quand j'ai entendu la nouvelle. Not In My Back Yard. Pas dans ma cour.
Voilà la peau de banane dont je vous parlais plus haut.
Une de mes soeurs et toute sa famille y habitent et ils ont déjà entendu dans la bouche de leurs voisins des:
"Là, ils vont toute vouloir venir habiter à Lévis, pis nos filles vont jouer avec des amies qui seront un jour voilées? No way!"
Mais tout ça n'est que présomptions, je le répète. Peut-être aussi que tout ira bien.
Il y a 420 musulmans sur la Rive-Sud de Québec, quelques 7000 sur l'autre rive.