Un titre en forme d'hommage littéraire...
A propos du titre de mon recueil de nouvelles, j'ai beaucoup hésité et le livre en a eu plusieurs : "La Mort n'est certainement la fin de rien", "Un temps pour renaître", "La Nuit est vivante"... avant que je ne me décide pour "La Nuit s'évapore".Je trouve que c'est le titre le plus adapté, parce qu'il s'accorde parfaitement à "l'esprit" de chaque nouvelle. Toutes mettent en valeur ce moment où la lumière l'emporte sur l'obscurité dans une vie, même lorsque les histoires peuvent se clore sur une note aigre-douce comme celle de "Léda et le Cygne parisien" ou encore "Quand Apophis mua dans un commissariat".
J'ai aussi croisé deux titres de mes livres préférés : l'un des romans qui m'a bouleversée quand j'avais 15 ans, La Fin de la nuit, de François Mauriac et L'éléphant s'évapore de Haruki Murakami, l'un des rares auteurs dont j'ai lu l'intégralité de l'oeuvre, par passion.
Le roman de Mauriac, je l'avais lu du soir au matin, une nuit, quand je logeais en pensionnat à Paris, en pleine semaine scolaire. J'en garde un souvenir absolument illuminé : c'est le récit d'une passion impossible et d'un renoncement qui mène l'un des personnages vers la vie et l'autre vers la rédemption tandis que la mort approche.
Ma découverte de l’œuvre de Haruki Murakami ne s'est pas faite avec le recueil de nouvelles L'éléphant s'évapore, mais je souhaitais surtout rendre hommage à ses écrits en général, car nombreux sont ses livres qui m'ont marquée. Murakami sait parler des profondeurs insoupçonnées de la psychologie humaine, et partir d'une situation réelle pour mieux nous entraîner dans des labyrinthes fantastiques, dont les héros ressortent souvent meilleurs et grandis.
Comme chez ces deux auteurs, mes récits ne relatent pas forcément de grands changements : certains de mes personnages changent de métier, trouvent leur vocation ou leur âme soeur, mais d'autres traversent plutôt un changement lent, progressif. Cela concerne parfois une partie de leur vie seulement. Et d'autres n'ont pas encore trouvé la bonne décision à prendre.
Mais toutes mes nouvelles montrent des personnages qui ne désespèrent pas et qui cherchent à rester les acteurs de leur vie.
Enfin le verbe même "s'évaporer" évoque pour moi l'essai de ce critique si poétique, Jean-Pierre Richard, dont l'essai Poésie et profondeur fait partie de mes préférences. Il repère notamment dans l'oeuvre de mon poète favori, Verlaine, cette récurrence de termes renvoyant à l'évanescence, ce qui s'échappe, se dissipe comme un parfum, et plus précisément le besoin de saisir cet instant unique où une forme est encore présente mais sur le point de disparaître. C'est exactement ce que j'ai recherché dans ce titre et dans mes nouvelles : le point de bascule, quand un sentiment de mélancolie ou une blessure sont au bord de s'évanouir pour laisser la place à un renouveau.
Renverser Les Métamorphoses d'Ovide
Un autre auteur joue un rôle au sein même du recueil et détermine les titres de chaque nouvelles, c'est Ovide pour ses Métamorphoses. Dans son prologue, Ovide annonce qu'il racontera l'histoire de corps qui changent en une forme nouvelle. J'ai voulu prendre son contre-pied : racontant des histoires de personnes qui changent en une forme meilleure.La transformation touche plus précisément leur psychologie, leur manière de voir le monde aussi, plutôt que leur physique, et c'est toujours pour aller vers un vivre-mieux.
Tous les titres de mes nouvelles font alors référence à des mythes, que je connais bien, car j'ai déjà publié deux essais sur la mythologie chez Albin Michel et Payot, et puis par ces références, je souhaitais donner une dimension universelle à mes récits.
Je raconte ainsi des métamorphoses positives comme de nouveaux mythes contemporains : quand un personnage se métamorphose dans la mythologie, c'est souvent parce qu'il est puni ou maudit ; pas dans mes histoires !