La deuxième édition de Scènes du Sud au Carré d’Art à Nîmes (jusqu’au 21 septembre) est consacrée à la Méditerranée orientale, des Balkans au Proche-Orient. Cette zone est pleine de richesses, de potentiel, et les artistes présents le montrent bien, attentifs qu’ils sont à la réalité, aux fractures de la région.
Plusieurs ont déjà été mentionnés ici, le travail de Walid Raad (Atlas Group) sur l’archive et la mémoire face aux ‘désastres surpassants’ tels les guerres du Liban, la fausse réalité du camp d’entraînement de l’IDF représentant un village palestinien, sur une photo de Yaron Leshem, ou la vidéo ‘Ikea’ de Guy Ben-Ner.
De Yael Bartana, magnifique interprète des tensions israéliennes, une très belle vidéo, A Declaration, filmée sur le rocher d’Andromède face à Jaffa : un rameur (est-il juif ? est-il arabe ?) y remplace l’étoile de David par un olivier. Au delà des symboles substitués, évoquant la paix, ou le retour, ou la restitution des terres occupées, c’est un film formellement très réussi : effets romantiques de lumière, ralentis dramatiques, esthétique de l’effort héroïque. Une des pièces les plus fortes de l’exposition est une vidéo de la Palestinienne Jumana Emil Abboud, qui s’efforce patiemment de faire rentrer les graines d’une grenade dans le fruit décortiqué, en vain, bien sûr, et le jus rouge comme du sang s’écoule et la tache : c’est l’impossibilité du retour, la stérilité des efforts de réparation ou de restitution, mais elle essaie encore et toujours, obsessionnellement, ne perdant pas espoir (Pomegranate). La Bosniaque Danika Dakic présente une installation mesmérisante (Surround) où, allongés sur un lit circulaire, nous regardons au plafond un écran tournant en rond : sept personnes nues, agenouillées, vues d’en haut, lisent, psalmodient, récitent des extraits de leur livre sacré. Il y a là l’humanité entière, hommes et femmes, noirs, blancs, jaunes, et toutes les religions : chrétien, musulman, juif, hindou, taoïste, bouddhiste et confucianiste. Les voix tournent d’un haut-parleur à l’autre. A la fin, tous se retirent en rampant; ne restent plus que les livres, somme des croyances de l’humanité. Le spectateur est entré dans le rituel, il a vécu un moment de sacré universel. Enfin l’artiste turque Hale Tenger présente Decent Deatwatch, une installation-morgue de bocaux sur des étagères évoquant la guerre en Bosnie, hommage aux réfugiés, et surtout Beirut, une vidéo de l’Hôtel Saint-Georges, hôtel mythique devant lequel Hariri fut assassiné. Dans cette zone interdite, elle a filmé la façade de l’hôtel avec ses fenêtres ouvertes où le vent agite les rideaux, parfois doucement, parfois violemment, voilages soudain déchaînés dans une explosion de lumière et de bourrasque, puis apaisés, à l’image de la région, peut-être, un jour.Photos de l’auteur, excepté Dakic, provenant de son site.