Les événements qui se déroulent à AL Hoceima depuis quelques semaines ne nous font-ils pas l'effet de déjà vu, déjà entendu, déjà vécu, déjà oublié et puis soudain remémoré.
Si on reprend la chronologie des événements, on peut se poser des questions auxquelles personne se semble être en mesure, ou plus exactement ne semble vouloir apporter une réponse satisfaisante.
Certains veulent en chercher la cause dans l'histoire, en remontant à Abdeklkrim KHATTABI, à son soulèvement contre la domination espagnole, à sa guerre héroïque contre les armées coalisées français et espagnoles.
Mais en même temps, ils veulent oublier tout cela et ne retenir que les rancœurs ultérieures et les frictions personnelles entre des égos surdimensionnés des uns et des autres. D'un coté, le jeune grand combattant Abdelkirm Khattabi et le vieil exilé du Caire devenu un amer opposant. De l'autre coté, un jeune prince pétri d'ambition et imbu d'autocratisme préparerant sa succession à un roi sage et plein d'humanité.
Cela se passait il y a bientôt 60 ans! Beaucoup de rifains n'ont de cette période qu'une relation orale, tronquée, biaisée, exagérée ou tempérée, selon les sources, où les fantasmes se mêlent souvent à la vérité, où les chimères l'emportent parfois sur la réalité, mais où les blessures sont soigneusement entretenues et même parfois douloureusement réouvertures.
D'autres se prétendant héritiers d'une culture rifaine ancestrale tentent de trouver la racine profonde du mal dans l'anéantissement voulu de la civilisation ancienne locale et dans le délitement organisé de l'anthropologie du peuple amazigh..
Soit ! Mais ils oublient que les peuples, tous les peuples du monde, constituent des mélanges patiemment travaillés dans le creuset de la vie de tous les jours, dans le meilleurs des cas par des mariages, dans d'autres cas plus dramatiques par des invasions, des immigrations, et le souvent par les hasards de la vie!
Combien de rifains sont-ils les descendants directs d'un hypothétique ancestral amazigh, qui en serait le père unique? Ibn Badis était-il riffain ou arabe? Khattabi n'a jamais prôné l'usage écrit de l'amazigh et il maniait l'arabe avec talent!
Bien sûr, les habitants d'Al Hoceima parlent encore - et heureusement d'ailleurs - le rifain : mais la langue (pour ma part, je ne dirais= pas le dialecte) parlée aujourd'hui est en fait un mélange d'arabe et d'espagnol bien loin du rifain original. Une toute petite enquête linguistique permettrait de mettre en lumière ce phénomène, très normal dans l'évolution d'une langue non écrite.
D'aucuns enfin ont trouvé l'occasion inespérée de rallumer le feu de la discorde dans la mort tragique de Mouhcine FIKIR : cette mort atroce est inacceptable, intolérable et les responsables, tous les responsables doivent rendre à la justice des comptes au sujet de ce drame affreux.
Mais cet événement - dont je réitère le caractère absolument tragique - ne doit pas être détourné et instrumentalisé : feu Mouhcine FIKIR n'a rien de comparable avec le jeune vendeur ambulant tunisien Mohamed BOUAZIZI, immolé par le feu à Sidi Bouzid. Le tunisien n'avait que sa charrette de légumes et le marocain était un mareyeur prospère, qui se fournissait dns des conditions pour le moins troubles en poissons de qualité destinés à des clients partout dans le nord du pays.
Mouhcine FIKRI est mort d'une mort atroce dont il faut élucider les causes et punir les coupables mais il n'est en rien le symbole pur et immaculé et de la HOGRA.
Enfin, quelques exaltés veulent complètement travestir la réalité en exigeant "la non-militarisation du Rif" : jamais au Maroc, une ville ou une province n'a été "militarisée et le pouvoir n'a aucune raison ni surtout aucune intention de militariser le Rif?
Pourquoi le ferait-il ? La sécurité intérieure du pays est-elle en danger pour qu'une telle mesure soit prise? Sérieusement, peut-on envisager qu'une bande de jeunes qui manifestent pacifiquement nécessite "la militarisation d'une ville" ? Même au moment les plus intenses des manifestations provoquées par l'éphémère Mouvement du 20 février, le pouvoir n'a pas eu recours, ni surtout besoiN, de militariser la moindre partie du territoire : les forces de police traditionnelle ont suffi à contrôler la situation. A aucun moment, il n'a été fait appel à des militaires. Pour en serait-il autrement face à quelques dizaines ou de centaines de manifestants rifains?
Mais ce slogan porte bien, surtout à l'étranger, surtout quand il est véhiculé par les journaux espagnols ou hollandais, surtout quand il est repris par des associations droit-de-lhommiste toujours promptes à prendre le contre-pied du pouvoir en place.
En fait, les observateurs oublient certains éléments de cette situation, trouble et troublante à la fois, trouble parce qu'on n'en connait pas les véritables leviers et les vraies raisons, troublante parce qu'elle risque d'entraîner le pays vers les rivages dangereux du séparatisme alors que la nation a plus que jamais besoin de cohésion et d'unité.
Souvenons-nous, le 17 octobre 2015, il y a quand m^me plus de DEUX ANS, était lancé en grande pompe et sous la présidence effective du souverain un programme ambitieux "AL HOCEIMA, VILLE PHARE DE LA MEDITERANEE" destiné à promouvoir "l e développement des milieux rural et urbain de la province"!
Quid de ce programme à ce jour ? Voilà une vraie question qui exige une vraie réponse !
Quid des promesses formulées par le président de la Région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, enfant du Rif et porte-drapeau de la régionalisation avancée? Voilà une autre question qui reste sans réponse et il est normal que la population d'Al Hoceima s'interroge à ce sujet, au lieu de se braquer sur la ridicule idée de la "militarisation du Rif"!
Pour terminer ma réflexion, je crois qu'il est absolument nécessaire de bien connaitre les acteurs et les "héros" de ce mouvement qui secoue la ville d'Al Hoceima.
Qui est Nasser FARZAZY, ce personnage surgi de nulle part, sorti comme par magie du chapeau d'un prestidigitateur et lancé sur les places et les rues d'Al Hoceima pour parler face aux caméras et aux micros au nom de la population?
Quel est son parcours politique ? Quel est son cursus dans l'enseignement qui lui permet de manier avec cette parfaite aisance l'arabe classique qui serait, par ailleurs et selon lui, la langue du pouvoir oppresseur? Où donc a-t-il appris à organiser des manifestations, à en choisir le timing, à les contrôler, à les canaliser, à les attiser, à les filmer et à en diffuser les images sur les réseaux sociaux et auprès des médias étrangers.
Tout cela nécessite une technique et un savoir-faire qui rappellent les méthodes du mouvement serbe OTROP,reprises par les instigateurs du "printemps arabe".
On peut se poser la même question au sujet d'un nouvel intervenant sur le scène hoceimi, qui veut lui aussi se faire une place au soleil du mouvement rifain :un certain Nasser LARI ! Qui est-il ? D'où vient-il? Que veut-il?
Et pour clore définitivement ce tour d'horizon de la situation à Al Hocaima, il n'est pas sans intérêt de s'interroger sur le rôle joué par certains secteurs de la vie politique locale : on a vu l'ancienne députée PJDiste Souad CHIKHI prendre fait et cause pour les manifestants. Ensuite, le mouvement islamiste radical ADL WA ISSHAN, bientôt suivi des autres islamistes du minuscule parti de la Renaissance et de la Vertu ont rejoint les gauchistes de NAHJ DEMOCRATI pour participer à la protestation.
Cette succession de ralliements improbables nous rappelle ce qui s'est produit en 2011 quand on a vu le PJD soutenir, mais sans grande conviction, le M20F et où les gauchistes du PSU ont fait cause commune avec les islamistes de Adl Wa Ihsane!
L'histoire politique et contestataire du Maroc se répète au risque de bégayer car les protagonistes ne veulent pas tenir compte des changements que la véritable histoire impose.P.S. 1 : Il ne sera pas dit que j'ai oublié le rôle du gouvernement dans toute cette histoire : a-t-il fait son travail? A-t-il tenu ses promesses? A-t-il correctement réagi, ou a-t-il réagi avec la célérité et efficacité voulue? Des semaines de protestations n'ont donné lieu qu'à de rares débordements de part et d'autre : bien sûr, seules les bavures de la police sont reprises sur les réseaux sociaux et c'est normal.
P.S. 2 : Peut-on parler de Al Hoceima et de sa région sans évoquer ce qui en constitue le problème central, socialement et économiquement parlant, c'est-à-dire le problème du kif. Quelle est la part du kif dans ce qui advient dan scette région? Je ne saurais, je ne pouraais le dire et bien malin celui qui pourrait prétendre donner la réponse à cette question, pourtant essentielle!