Tanguy Viel – Article 353 du code pénal

Par Yvantilleuil

Ce roman de Tanguy Viel raconte la bouleversante histoire d’un ancien ouvrier de l’arsenal de Brest, victime d’un promoteur immobilier véreux et coupable de l’assassinat de l’arnaqueur en question.

Le récit se déroule dans le huis clos du bureau d’un juge d’instruction, qui écoute la longue confession de cet homme qui remonte dans le temps afin d’expliquer l’origine de son crime. Lentement, Martial Kermeur se souvient et raconte l’arrivée en Porsche 911 d’Antoine Lazenec, six ans plus tôt, dans son beau costume, muni de merveilleuses promesses et d’un projet, maquette à l’appui, censé transformer leur presqu’île en « Saint-Tropez du Finistère ». Des appartements qui ne verront jamais le jour, balayant au passage tous les espoirs de ce père de famille divorcé, absorbant sa prime de licenciement investie dans ces logements fantômes, détruisant sa vie et celle de tant d’autres. Une escroquerie qui ne pouvait que mal se terminer et un arnaqueur qui finira d’ailleurs au fond d’une mer ayant pour mission de laver toutes ces injustices…

Au fil des pages, le lecteur, suspendu à cette vague de paroles pleines de sens, de logique et d’émotion, découvre les tenants et aboutissants de cette affaire à la fin inéluctable et connue d’avance. L’auteur dévoile le lent naufrage d’un homme qui perd progressivement ses économies, son fils et son amour propre dans l’épais brouillard d’une ville de Brest pourtant promise au soleil… au point de littéralement balancer ce requin de l’immobilier et son complexe balnéaire à l’eau !

Tel un raz-de-marée, cette narration forte et poignante nous percute de plein fouet. Les grandes paroles de cet homme, pourtant issu d’une population de « petites gens », touchent le lecteur en plein cœur. Cette narration d’une force évocatrice incroyable brosse progressivement toute la détresse de la véritable victime de ce récit, pas du coupable qui méritait de moisir au fond de l’océan. Les non-dits deviennent palpables, les silences évocateurs et les images, dessinées à coups de métaphores, s’avèrent d’une justesse incroyable et s’imprègnent à tout jamais sur notre rétine.

Arrive donc le verdict de cet avis. Tanguy Viel est donc reconnu coupable (et avec préméditation) de m’avoir rendu jaloux de la beauté et la force de son écriture. Quant au roman, si son titre semble vouloir le condamner à ne pas être lu, le jugement est sans appel : il est magistral !

Un coup de cœur !