Au Centre Pompidou de Paris, face à l’agitation du bâtiment désormais historique c’est dans le calme étrange de l’Atelier Brancusi installé sur la Piazza qu’une petite exposition discrète est proposée par l’artiste Roumain Mircea Cantor, lui-même ayant bénéficié des cimaises du Centre après avoir été lauréat du prix Marcel Duchamp en 2011.
Né en 1876 en Roumanie, Constantin Brancusi a vécu et travaillé de 1904 à sa mort en 1957 à Paris où la plus grande partie de son œuvre fut créée. La présence même de son atelier sur la Piazza du Centre Pompidou a pu apparaître comme un privilège exorbitant au regard de tous les autre artistes. Par testament, l’artiste ayant légué à l’état français l’ensemble de son atelier, sa reconstruction à l’identique en 1997 sur la Piazza conforte la mémoire de son oeuvre mais force est de reconnaître que le public ne montre pas le même empressement à visiter cet espace qu’il témoigne pour les expositions du Centre Pompidou.
Mircea Cantor, avec une économie de moyens, retrace la « Trajectoire plutôt sinueuse » que l’oeuvre de Brancusi a connu dans son propre pays. Pour le jeune artiste Roumain, l’image de Brancusi a rencontré des fortunes très contrastées : dans les années staliniennes du régime communiste où le réalisme socialiste domine, le sculpteur est présenté comme le symbole de l’artiste bourgeois vendu à l’Occident. A la fin des années soixante, le régime de Ceausescu développe sous le nom de « Protochronisme roumain » une idéologie mêlant les principes staliniens avec un nouveau récit national dans lequel notamment on revisite l’œuvre de Brancusi par besoin de nouveaux mythes nationaux.
« Brancusiana »
Depuis une quinzaine d’années Mircea Cantor a réalisé une centaine de photographies montrant les traces d’une « Brancusiana ». Ce qui n’est pas loin de ressembler à un culte de la personnalité se vérifie à travers les preuves les plus diverses : timbres-poste, couvertures de livres, cartes postales, presse-papiers et c…
Colonne sans fin-1938 Brancusi Targu-jiu Roumanie
L’installation de Mircea Cantor a pour titre « La partie invisible de l’infini » . C’est par l’ironie que le jeune artiste traite cette présentation. Pour Brancusi, l’infini est ce qui relève de l’invisible et de l’idéal et La partie invisible ramènerait donc au monde hyper-matérialiste, mais l’idéologie, elle, reste invisible. Ainsi « La partie invisible de l’infini ,c’est tous ces monuments qui sont restés comme des témoins du passé. »
Pour autant, l’empreinte de Brancusi s’affirme encore de nos jours et il n’est pas rare de voir des constructions récentes y faire référence comme cette maison privée en construction en 2015 dans le département de Bistrita érigeant en arête de l’immeuble une colonne à la manière du sculpteur.
Cet engouement pour Brancusi peut même trouver des développements douloureux comme en témoigne la bataille autour de la sculpture « La Sagesse de la terre ». Les négociations entre la famille héritière et l’état Roumain, qui a fait valoir son droit de préemption sur l’achat de la pièce, se jouent à hauteur de onze millions d’euros dont cinq seraient à la charge des Roumains eux-même au-delà de l’apport des caisses de l’état. L’après Brancusi risque d’être coûteux pour le niveau de vie des Roumains.
Photo exposition: Aurélien Vret
Mircea CantorLa partie invisible de l’infini
28 septembre 2016 – 3 avril 2017
Galerie de l’Atelier Brancusi Atelier Brancusi
Centre Pompidou Paris