La succession des évènements me paraît de plus en plus inquiétante dans le dossier de la politique et de l'intégration européenne. Le divorce maintes fois dénoncé entre dirigeants (non élus) européens et citoyens se fait de plus en plus grand et, surtout, ressemble à une fuite en avant de plus en plus inéluctable à chaque évènement.
L'attitude d'une grande part des élies nationales face au rejet du Traité Constitutionnel européen (et désormais de son pendant miniature de "traité simplifié") s'apparente de façon dramatique à un déni de démocratie et surtout à une remise en cause du fondement même de la démocratie: le vote populaire (qu'il soit perçu comme populiste ou non). Il est inquiétant de constater la méfiance désormais patente des dirigeants envers leurs électeurs (quand ces derniers se méfient des premiers depuis maintenant vingt ans et quelques) et le respect même du pouvoir populaire. Ne sommes-nous pas entrés définitivement dans une ère de monarchie technocratique divisant dirigeants convaincus de détenir la vérité et peuples non représentés?
Le dernier évènement (passé relativement inaperçu) croise étrangement les problématiques technologico-juridiques du téléchargement et du droit d'auteur avec la crise démocratique européenne. Nombre de citoyens du continent fustigent le suivisme sécuritaire de Bruxelles et Strasbourg sur les positions britanniques et américaines. Les députés viennent de passer un texte extrêmement répressif (la fameuse "directive retour") envers les migrants hors union qui pose une idéologie toute washingtonnienne. Le spectre apperçu dans le film "Les fils de l'homme" semble se rapprocher de nous... Aujourd'hui nous apprenons que la présidence française de l'Union prévoit par la ministre de la culture Christine Albanel de proposer une uniformisation des politiques communautaures relatives au droit d'auteur et au téléchargement. En clair, une transposition en droit communautaire de la loi Hadopi déjà fort décriée en France. Outre qu'une loi loin de faire le consensus ne devrait pas être proposée comme règle générale, voilà encore un signe de l'idéologie sécuritaire et répressive envisagée pour l'Europe. Que la France choisisse de se doter d'un tel arsenal est une chose. Que la vision de l'Europe que nos dirigeants nous propose soit celle, exclusive, de la pénalisation, de la répression et de l'enfermement en est une autre. Le divorce est également de plus en plus clair entre les décisions juridiques (libérales) de la Cour européenne de justice et les directives (contraignantes) lancées par la Comission.
Aujourd'hui je vois mal comment un retournement pourrait avoir lieu dans cette fuite en avant. Comment l'assurance des dirigeants pourrait succomber aux échecs éléctoraux successifs. Comment la méfiance entre élus et electeurs pourrait se réduire. En somme, comment sauver le projet européen des coups de boutoir portés par une idéologie néo-libérale qui a pris le pas sur un projet politiqueet ne souhaite pas s'en dissocier. Plus qu'un divorce, à moins d'un sursaut historique lors des prochaines élections européennes qui modifierait le rapport de force, il est a craindre que nous assistions à la mort lente d'une Union construite il y a cinquante ans. Non pas par rejet des peuples mais bien par obstination des élites qui se trompent de bataille depuis maintenant bientôt dix ans.