Les colères du Dauphin
Lorsque le Dauphin Louis, premier enfant d’Henri IV et Marie de Médicis, naît le 27 septembre 1601 au château de Fontainebleau, c’est un gros bébé qui fait la fierté de ses parents. Il promet de surpasser son père en résistance physique ! Enfant en effet, il déborde de vie et aime particulièrement les activités de plein air. Il faut le tenir constamment occupé.
Cependant, c’est aussi un bambin colérique, qui pique des crises sans prévenir pour un oui ou pour un non. Ces sautes d’humeur font partie de son caractère : très fier et imbu de sa naissance, il méprise (gentiment mais fermement) les bâtards nés des amours d’Henri IV avec ses favorites successives, et ne supporte pas qu’on lui manque de respect.
Mais ces phases d’emportement ont aussi pour cause une maladie chronique intestinale dont les premiers symptômes se manifestent dès ses plus jeunes années. Les crises se déroulent toujours de la même façon. Les jours précédents, il est d’humeur sombre, ne parle à personne où avec aigreur, est pris de nausées. Puis les douleurs se localisent dans le ventre et s’aggravent de jour en jour.
C’est alors qu’il se montrait le plus violent et le plus détestable. Puis, brusquement, une forte évacuation naturelle le soulageait, affaissait son ventre gonflé, et son irritabilité s’évanouissait.
Louis XIII vers 1616 par Pourbus le Jeune
Alors il demande pardon à ses serviteurs, qu’il a osé maltraiter, et redevient cet enfant charmant, le cœur sur la main, désireux de plaire à tout le monde et surtout à ses parents.
Un sérieux handicap dans l’exercice du pouvoir
A partir de 26 ans, les crises deviennent plus sérieuses, et se répètent à intervalles réguliers. Fièvre et ballonnement abdominal, douleurs insupportables, qui durent plusieurs jours voire plusieurs semaines. Les années passent, et s’ajoutent à ces premiers symptômes un amaigrissement progressif et des « crises de goutte ».
Louis XIII est en réalité atteint d’une maladie inflammatoire chronique du système digestif, qui touche directement le colon et les intestins. Les spécialistes penchent aujourd’hui pour la maladie de Crohn, qui alterne crises plus ou moins graves et phases de rémission plus ou moins longues, dont les véritables causes sont aujourd’hui encore mal connues et qui a été diagnostiquée pour la première fois au milieu du XXème siècle.
Cette pathologie qui contraint fréquemment le Roi à garder la chambre, combinée à un bégaiement dont il souffre depuis sa naissance, ne lui facilite pas la tâche alors même qu’il règne en des temps difficiles. Une année, son médecin Bouvard lui fait 47 saignées, lui administre 212 traitements et lui fait 215 lavements ! De quoi achever le plus robuste d’entre nous aujourd’hui… Cette affection qui lui vaut tant de tourments contribue à le renfermer sur lui-même, et à lui donner cette réputation de monarque nerveux et ombrageux ! On le serait à moins…
En septembre 1630, à 29 ans, le monarque est pris d’une crise plus sérieuse que les autres, si terrible que l’on craint pour sa vie. A la fin du mois, il se met même à délirer et ne peut plus quitter son lit. Il est veillé en permanence par sa mère, Marie de Médicis, et par Richelieu, qui vit les heures les plus angoissantes de son existence ! Le ventre dur et tendu du Roi lui fait souffrir le martyre. On le prépare à la mort… Subitement, l’abcès intestinal se perce et s’évacue par les selles (ben oui). Louis XIII, immensément soulagé, se sent tout de suite mieux. Il est sauvé. Pour cette fois. D’autres crises sont à déplorer par la suite, mais ce n’est que treize ans plus tard que la maladie le rattrape pour de bon !
La mort interminable
Louis XIII d’après Justus Van Egmont (Château de Versailles)
Dès le 16 février 1643, Louis XIII tombe malade. Il se remet mais fait une grave rechute le 21 : fièvre, vomissements, douleurs abdominales effroyables, diarrhées… Les médecins ne trouvent rien de mieux à faire que de le purger, ce qui réveille ses hémorroïdes. L’agonie va durer presque trois mois…
A partir du 21 avril, le Roi ne quitte plus sa chambre. Le 7 mai commencent les véritables souffrances, et dès le 11 de ce même mois, il cesse de s’alimenter. Les courtisans admirent le courage de leur maître au seuil de la mort. Torturé de douleur, il apparaît aussi décharné qu’un squelette, n’ayant plus que la peau sur les os.
Et pourtant, il ne ménage pas ses efforts et continue à gérer tant bien que mal, depuis son lit, les affaires du royaume. Le bien de l’État est sa constante préoccupation jusqu’à ce que ses dernières forces l’abandonnent.
Il respire mal, ne dort quasiment plus mais reste couché, dans la chambre qui dégage à présent une odeur pestilentielle. Le prédicateur capucin, Baltazar de Riez, affirme que le monarque « souffrait de très grandes douleurs et incommodités en sa maladie, et que néanmoins il les souffrait avec une fermeté et une constance inconcevable, sans s’en plaindre ».
Le Roi se moque de son état physique. Ce n’est qu’une enveloppe charnelle qui n’aura bientôt plus aucune importance. Seul son salut désormais le préoccupe. Mazarin témoigne :
Jamais personne n’a regardé la mort avec plus d’indifférence, ni ne s’est soumis avec une plus entière résignation à la volonté de Dieu.
Parfaitement lucide jusqu’à la fin de son supplice, Louis XIII meurt en public le 14 mai 1643, au château de Saint-Germain. Il a 42 ans, et cela fait trente-trois ans, jour pour jour, qu’il règne. Nous sommes le jeudi de l’Ascension.
Sa maladie s’est terminée par une péritonite aiguë, qui a eu raison de lui. L’autopsie révèle des détails scabreux : le rectum est percé et rempli de pus, les boyaux boursouflés et l’estomac envahit par les vers ! Pauvre monarque… C’est déjà un exploit que d’avoir pu vivre si longtemps à cette époque dans de telles conditions !
Sources
♦ Les deux morts de Louis XIII, de Cédric Coraillon
♦ Louis XIII, de Jean-Christian Petitfils
♦ Louis XIII, Roi cornélien, de Pierre Chevalier
♦ Les derniers jours des Rois , de COLLECTIF