Dargaud
Janvier 2017
Marrant comme la vie réserve de belles surprises. Je m'en étonne toujours. En quête du prochain album qui serait l'objet de ma chronique hebdomadaire, je suis attiré par la couverture d'un album grand format. Feuilleté rapidement, je trouve le dessin et la mise en page suffisamment agréables pour le choisir. Mais on me signale qu'il s'agit déjà du deuxième tome d'une série. Je repars donc avec les deux albums sous le bras.
La couverture du premier est encore plus réussie : beau dessin un peu à l'ancienne avec une mise en couleur non encrée sur le fond. Des croix tombales, un grand échalas à l'air plutôt sympathique, un pelle sur l'épaule, un sous- titre attirant : Le croque mort, le clochard et l'assassin, et un titre en très gros lettrage : Stern.
Elijah Sternest un jeune homme d'une trentaine d'année à peine, qui dans sa première aventure nous est présenté comme un officiant croque mort dans la petit ville de Morrison, dans le comté de Coffey, Kansas. Il est chargé de la préparation du corps et de l’enterrement d’un homme, qui semble décédé d’une mort naturelle, bien qu’alcoolique notoire. La femme de ce dernier, responsable d’une ligue de bienséance, demande néanmoins à ce qu’une dissection soit faite, pour établir et témoigner du coté néfaste de l’alcool sur le corps. Mais les poumons du mort révèlent qu’il a été asphyxié. Cette révélation inattendue amène le trouble dans la petite ville. Est-ce la jeune prostitué avec laquelle il était juste avant de mourir, la responsable ?Elijah apparait malgré lui comme un très bon enquêteur, et au delà de cette piste va aussi découvrir d’autres secrets et remonter jusqu’à un épisode traumatisant de son enfance, une sombre histoire de confrontation entre rebelles et civils lors de la fin de la guerre de sécession.
Kansas city, qui grouillerait presque comme le Bronx
©Frederic et Julien Maffre/Dargaud
Chercher à lire des romans dans une bande dessinée, j'avoue que l'idée est plutôt sympathique, et porteuse de pas mal d'ouvertures...
On ne dévoilera pas le périple de notre anti héros, dans cette ville moderne encore en train de se construire, (1882), qui réserve bien des surprises. Mais je tire mon chapeau à l'inventivité scénaristique de Frederic Maffre qui permet d’offrir au lecteur un agréable moment de lecture, ponctué de rebondissements tous plus savoureux et surprenant les uns que les autres, dans un ton à l'humour pince sans tire très personnel. Que dire cependant du dessin de son frère Julien ? Si j'ai beaucoup apprécié celui du premier album, que j'aurais personnellement rapproché, si cela m' est permis, de celui de Chauzy...c'est à un autre dessinateur bien plus emblématique auquel j'ai pensé en dévorant ce second tome. Le fait est que son dessin a évolué, peut être un peu plus intégré dans les fonds de décors, à moins que ce ne soit la couleur qui prend davantage possession du dessin...toujours est il qui sur certaines cases, l'esprit du grand Will Eisner plane...ce qui est assez surprenant pour être relevé.
Un personnage féminin et une attitude toute Eisnerienne...
©Frederic et Julien Maffre/Dargaud
Car enfin, s'il ne s'agissait que d'un trait...mais ce sont des attitudes, des positions de corps, des décors de vie urbaine même qui happent et interpellent. Comment est-ce possible ? Sommes-nous dans Dropsy avenue ? Dans le Bronx ? Quelle est cette petite femme en train de réprimander son homme, (un juif qui ne s'assume pas d'ailleurs), si ce n'est un personnage du maître du roman graphique, qui a su si bien raconter la vie de ces familles juives de milieu populaire du milieu du vingtième siècle aux Etats-unis ? Je retiens aussi la touche artistique de ce tome, où les auteurs donnent l'opportunité à leurs personnages de manipuler et échanger autour de tableaux, avec tout ce que cela implique sur l'importance de la culture dans la vie. Cela n'est pas si courant dans une série de bande dessinée dite "classique". Des atouts particulièrement précieux qui me font dire que cette nouvelle série et ce personnage d'Elijah Stern sont promus à un grand avenir.
On vit et on souffre dans Stern, comme dans des "Affaires de famille"
©Frederic et Julien Maffre/Dargaud
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