Et il y a, croyez-moi, beaucoup de savoir-faire à mobiliser avant que le breuvage ne coule dans la tasse. J'ai rencontré David Biauche qui m'a initiée en quelque sorte à cet art.
Historiquement, la porte d'entrée du café est le port du Havre. Ça l'est toujours. Les plus grosses maisons mondiales y sont restées. Factorerie est installée en région parisienne mais en cas d'urgence David me confie filer au Havre.
A la base le café est une cerise, bien rouge, qui sera décortiquée sur le lieu de production.
David Biauche m'apprend en effet que le marché du café est le plus négocié au monde après le pétrole. Il faut prendre position 12 à 18 mois à l'avance, jusqu'à 24 mois pour les produits d'exception, ce qui serait selon lui " une vraie galère", quoiqu'il adore son métier et puisse s'enorgueillir de viser le haut de l'iceberg, donc de la très grande qualité. L'obligation en tout cas est d'anticiper les goûts et les tendances, en tenant compte tant que c'est possible, de la Bourse, du taux de change de l'euro puisque on paie en dollar, et d'un différentiel qui varie constamment. Comme si ces variables ne suffisaient pas, David insiste sur l'aspect aléatoire des opérations.
Ceci posé,
l'essentiel de notre conversation s'est concentrée sur le seul défi sur lequel il peut agir : trouver des produits différents qui feront le bonheur de sa clientèle d'épiceries fines et de chefs triplement étoilés. Des cafés d'exception mais néanmoins accessibles à des palais qui commencent à être éduqués.Car si le français à la culture du vin et que beaucoup d'entre nous sommes capables de faire la différence entre un vin dit de table et un cru il en va autrement pour le café. Même les chefs étoilés travaillent rarement avec du "vrai" café pour créer leurs desserts. Ils emploient des extraits d'arômes, ce que Factorerie ne fait pas. L'interlocuteur un peu compétent, susceptible de vous conseiller un café plutôt qu'un autre sera davantage ... le sommelier que le chef.Sans doute connaissez-vous la différence entre le Robusta et l'Arabica (Factorerie ne commercialise que l'Arabica), mais pouvez-vous prétendre
connaître les caractéristiques d'un café de Colombie, du Brésil, de Papouasie si vous n'avez jamais été initié ? J'imagine qu'il faudra plusieurs dégustations avant de commencer à connaître quelques codes.David Biauche n'est pas né dans le café. Mais il connaissait bien l'univers de l'exception avant de racheter l'entreprise. Il travaillait pour la Haute-couture dans le commerce de la soie. En effectuant cette reprise il y a 24 mois il avait conscience de changer de profession mais il a pu effectuer cette conversion parce qu'il savait qu'il pourrait faire équipe avec un torréfacteur d'exception, Xavier Marfan, qui resterait en poste.En pénétrant dans l'entreprise je pense à Karen Blixen qui cultivait des caféiers dans sa ferme africaine au Kenya. Historiquement les Français ont colonisé des pays comme le Congo et le Cameroun pour disposer de caféiers. Manque de chance, en quelque sorte, mais les plantations y étaient situées en plaine, et couvertes de Robusta, une variété absolument pas aromatique qui donne un jus puissant, très noir, à la limite de l'âcreté. L'Afrique est en effet un gros producteur, mais peu qualitatif. les grandes marques n'hésitent pas à user de colorants et d'additifs pour "améliorer" leurs produits. Si votre tasse s'encrasse c'est bien la preuve que des colorants ont été ajoutés.
Les Allemands à l'inverse avaient des positions en Ethiopie, sur les plateaux où poussent des Arabicas et ont donc directement été des buveurs de "bon" café.
Le Vietnam a planté plus récemment. Ses productions peuvent être sublimes. L'Australie offre des crus rares, qui se négocient de l'ordre de 400 euros le kilo. Les îles Galapagos, bien que d'une altitude de seulement 300 mètres parviennent à produire des grains extraordinaires avec lesquels Factorerie a gagné une médaille d'argent lors du concours du meilleur torréfacteur dans la catégorie "Meilleur mélange pour expresso 2015".
Factorerie a aussi remporté le 2ème prix Epicure de l’Epicerie Fine en 2015 et le prix du jury ainsi que la médaille d’or au Concours européen de dégustation de café 2016.
Je remarque l'emballage du fameux Sigri, un café pure origine de Papouasie Nouvelle Guinée où la caféiculture débuta réellement à partir de graines importées de la Jamaïque (Blue Mountain) en 1937. Ce café développe une palette aromatique complexe, gourmande, beurrée, relevée par une touche acidulée et des notes vanillées. Il révèle étonnamment des notes salées, iodées qui viennent enrober l’amertume du café.
Maitriser l'art de la négociation et savoir s'approvisionner ne suffisent pas.
La torréfaction est une étape déterminante. On torréfie au fur et à mesure des besoins, mais en s'y prenant en avance parce que ensuite les grains auront besoin de "dégazer" avant d'être ensachés.Factorerie commercialise principalement des pures origines alors que d'autres se spécialisent dans le blend, qui est un assemblage. Il est complexe d'expliquer la force du café. Peut-être un jour verra-t-on un curseur sur l'emballage. Quoique ce ne soit pas à proprement parlé un souci puisque il est toujours possible d'ajouter un peu d'eau chaude à la boisson après la première gorgée si on la juge trop corsée.
J'apprends qu'il existe un café pour chaque heure du jour. Le Madagascar, très léger, satisfera les buveurs de thé. Dans le milieu de la matinée on appréciera un jus léger, fluide, qui exhalera un ton d'agrumes subtil, avec une provenance de République dominicaine ou d'Ethiopie comme le Sidamo, réputé pour son coté très floral.
Moka Sidamo (région d'Ethiopie) : PaysEthiopie, d'après la légende le "premier" café au monde
Le café Moka Sidamo est cultivé dans la province du même nom au sud de l’Ethiopie. Il est unanimement reconnu comme le plus fin et le plus racé des cafés mokas. Berceau légendaire du café, pays où il fût pour la toute première fois commercialisé dans l’histoire, l’Ethiopie cultive exclusivement l’arabica à des altitudes situées entre 1500 et 2300 mètres d’altitude. On appelle les cafés éthiopiens des « Moka » car ils étaient autrefois exportés depuis le port de Moccha au Yémen, dans la péninsule arabique, le plus ancien port d'exportation pour le commerce du café. La plupart des arabicas d’Ethiopie sont dits « nature » car ils ne sont pas lavés après récolte mais séchés au soleil. Cela influe sur leur goût, plus sauvage et prononcé que les arabicas dits « lavés ».
Le café Moka Sidamo est pour moi le meilleur des cafés mokas lavés d’Ethiopie. goût est très fin, bien balancé. Sa dégustation révèle une saveur prononcée de fruit rouge, très typique de ce café moka. Doux equilibré, légèrement acidulé, arome de parfum de leurs de jasmin. peu caféiné peut se déguster jusqu'au soir.
TorréfactionRobe de MoineForceEquilibréArômeFloralNote AciduléeCerise
Les initiés mettront en avant le
Tarrazu, cultivé au coeur de la région du même nom, dans l'une des plus anciennes plantations du Costa Rica. Les premiers plants de caféiers arrivèrent de l’île de Cuba en 1779 et furent plantés par des anglais. Ce café admirablement acidulé témoigne de notes légèrement fruitées évoquant le cassis ou la cerise noire, avec une finale relativement corsée presque chocolatée.En fin de repas on optera pour un breuvage assez fort, un peu boosté, comme le Papouasie de Nouvelle Guinée.
Je découvre aussi le caracole, fève entière en bout de branche, trié à la main, très aromatique.
Puis le Tournon bleu, (ci-dessus) lavé comme à l'époque de la colonisation par du bleu de méthylène, et qui exhalera des notes épicées qui seront particulièrement appréciées en fin de repas, le malabar des Indes, (ci-dessous) presque blanc, lavé à l'eau de la Mousson, qui a valu une médaille d'or coup de coeur d'un jury de dégustation.
Quelle serait la meilleure cafetière ?Toutes choses égales par ailleurs, ce serait la Melita (compter environ 300 euros). A condition de prendre une eau de source neutre, chauffée entre 85 et 89° ( retenez qu'elle ne doit pas bouillir) et que l'on infuse 4 minutes on aura un résultat très satisfaisant. Les puristes versent l'eau en deux temps et ont "cassé" la croûte avec le dos d'une cuillère avant de faire couler la seconde partie.
L'entreprise a obtenu le label bio l’autorisant à travailler les cafés biologiques, avec une machine qui est réservée à ces fèves là.
La collaboration avec Systeme U sous la marque Faubourg Café est récente, avec une proposition d'une dizaine d'origines, pour offrir une collection gustative assez large entre fruité, épicé et floral. Il y a bien entendu des saveurs plus ou moins corsées et les provenances illustrent une variété géographique. Les cafés de cette entreprise artisanale sont également en vente dans de multiples épiceries fines de la région, sans oublier les restaurants étoilés. Le site de la marque est lui aussi en évolution avec bientôt des conseils de préparation.
Cafés Factorerie34 chemin des vignes d'OlivetSaint-Côme 78950 Gambais01 34 87 16 45