Disney donne vie à des croquis inanimés depuis près de 100 ans. Aujourd’hui, les célèbres studios inspirent également les concepteurs de robots.
On ne compte plus aujourd’hui le nombre de fictions portées à l’écran à l’image de Westworld ou Black Mirror où figurent des robots humanoïdes pourvus d’intentions plus ou moins bienveillantes envers l’homme. Laurent Alexandre rappelait à l’occasion de la table ronde du 19 janvier au Sénat que « l’intelligence artificielle forte », celle qui a conscience d’elle même et qui pourrait nuire à l’homme, n’est encore guère sur le point d’arriver. (bien qu’il soit hautement important d’anticiper ses impacts et de décider d’un cadre règlementaire).
Et le sentiment semble partagé de l’autre côté de l’Atlantique. Lors du Virtual Assistant Summit organisé par RE•WORK, nombreux furent les experts à relativiser l’émergence de cette forme d’intelligence hybride. L’heure fut également à la célébration de l’entrée sur le marché de robots assistants aussi attachants que des personnages tirés de dessins animés Disney. Il semblerait d’ailleurs que les célèbres studio d’animation constituent une véritable source d’inspiration unanime pour les créateurs de robots.
Un design simpliste
Jibo comme son confrère Kuri comptent parmi les robots de maison les plus prometteurs du marché. Leur point commun ? Être inspirés des personnages de dessins animés. « Nous avons conçu notre robot comme un personnage de Disney ». C’est ainsi que Justin Woo, un des développeurs de Jibo, un assistant virtuel physique dont nous couvrions le lancement l’an passé, a débuté son discours au Virtual Assistant Summit.
Pourtant Jibo et Kuri représentent l’antithèse même du concept de robot humanoïde. Ils sont en effet hauts comme trois pommes et n’ont rien de bien humains. Au contraire, tout se passe comme si les concepteurs avaient choisi de magnifier la machine plutôt que de l’humaniser, le tout en puisant dans les codes de Disney.
Le robot Jibo (Crédits photo : Jibo)
Comme l’a expliqué Alonso Martinez, directeur technique pour les studios Pixar Animation Studios et grand amoureux de robotique, « les personnages à forme ronde font souvent référence aux nouveaux nés et ont un caractère amical, ce qui a tendance à susciter de l’attendrissement chez le spectateur ». Il n’est donc pas étonnant de voir Jibo et Kuri arborer une tête parfaitement ronde.
La structure Jibo est également d’une simplicité extrême et ce à dessein : le robot est monté sur trois axes rotatifs qui lui permettent de tourner son corps et sa tête à 360 degrés. Surtout, il ne possède qu’un oeil. Un point lumineux qui peut changer de couleur et de formes pour transmettre différentes émotions et informations. Derrière l’oeil du cyclope se cache une caméra grâce à laquelle il peut reconnaître et suivre avec sa tête des visages. « Un design simplifié peut être très puissant et permettre de véhiculer des messages de manière efficace. Doter Jibo de la vue était essentiel pour qu’on puisse sentir sa présence lors d’une conversation mais nous avons réalisé qu’un oeil suffisait à générer la sensation d’être en conversation avec lui », a commenté Justin Woo. Il semblerait alors que le fait que les robots assistants nous ressemblent physiquement ne soit pas une condition sine qua non de leur acceptation dans notre environnement. En revanche, leur capacité à générer de l’empathie, elle, le devient.
Le robot Kuri (Crédits photo : Mayfield Robotics)
Une personnalité travaillée
La simplicité de la structure de ces robots de maison laisse entrevoir en effet une personnalité complexe, qui n’est pas sans rappeler le travail des studios d’animation. « Les animateurs maîtrisent les émotions à la perfection. Ils ont recours à une vaste palette d’outils dont la lumière et le son pour accrocher le spectateur. Ces codes peuvent aussi s’appliquer à la robotique », a expliqué Alonso Martinez. Ce dernier est également le concepteur de Mira, un robot compagnon qu’il a présenté à l’occasion de la conférence. Mira émet des sons et des vibrations qui lui confèrent une personnalité aussi cohérente qu’attachante. Elle dégage par exemple une lumière mauve quand elle souhaite mettre son interlocuteur à l’aise. Les couleurs pastels étant évocatrices de l’enfance.
Mira, désigné par Alonso Martinez (Crédits photo : Alonso Martinez)
L’animation a donc bien le pouvoir de rayonner au delà des salles sombres, en témoigne le succès de Jibo et Kuri. Par ailleurs, il est intéressant de constater que l’apparence humaine ne constitue pas un prérequis à une cohabitation harmonieuse entre les hommes et les robots d’intérieurs, qu’ils soient simples compagnons ou véritables assistants. En revanche, leur adoption massive naîtra très certainement de leur aptitude à se fondre dans l’environnement de manière naturelle et à parvenir à créer un connection émotionnelle avec leurs humains.