Bon et méchant, des ennemis inévitables. Des concepts opposés et complémentaires. Les ingrédients indispensables de toute fiction policière captivante, les bases du suspense qui tiendra le lecteur ou spectateur en haleine.
Mais dans la vie de tous les jours, dans la politique, dans l'appréciation de la religion, de l'histoire, de la culture, le bon et le méchant existent également. L'auteur de fiction inspiré par les problématiques de la société s'attache à rendre le méchant crédible en l'humanisant. A l'inverse, les grands médias sous contrôle conditionnent le public à aimer leurs favoris même s'ils présentent des dangers. Et aussi à détester ceux que rejette la gauchosphère, petite classe bobo-politico-médiatique aux aspirations sournoises et inquiétantes. Tant pis pour nos amis historiques, nos véritables intérêts, la volonté des Français...
Parfois, les spectateurs ou lecteurs croient que les scénaristes et écrivains en rajoutent pour pimenter leurs histoires. Le méchant serait alors dépeint sous des traits plus noirs que dans la réalité afin d'accroître la peur de celui qui s'est attaché au héros, au gentil chargé de démasquer un coupable ou de l'empêcher de nuire s'il est déjà identifié.
Dans une de mes séries de polars et nouvelles, mon personnage récurrent David Sarel se trouve ainsi confronté à une marâtre cupide et malveillante surnommée La morue qui, ayant ensorcelé son père, n'aura de cesse de souhaiter - parfois très activement - la mort du fils du premier lit. Pourquoi ? Mais afin d'hériter toute seule de sa cible le moment venu bien sûr. Improbable ? Loin de moi l'idée de jeter l'opprobre sur toutes les familles recomposées. Ceux qui connaissent des familles recomposées dans leur entourage auront peut-être constaté cependant l'acharnement malsain de marâtres à éloigner les enfants des premiers lits de la nouvelle famille. Avantages au profit de leur propre progéniture, non-paiement des pensions alimentaires, mesquineries au moment des cadeaux d'anniversaire et de Noël, préparations de captations d'héritages, prétextes pour provoquer la rupture du papa avec ses premiers enfants font partie de la réalité et relèvent de l'imagination de marâtres intéressées, pas de celle d'auteurs de fictions. La belle-mère ne constitua-t-elle pas la méchante favorite des contes populaires ? Rappelez-vous Cendrillon, Blanche Neige et toutes ces histoires de votre enfance...
Les nouvelles et romans mettant en scène David Sarel exagèrent-ils la vilénie de son ennemi ? Sûrement pas. J'ai observé des situations similaires, recueilli des témoignages, écouté des personnes témoins de scènes comparables. Et j'ai conclu qu'il ne fallait pas forcer le trait mais plutôt adoucir " la morue " et la mijoter avec une sauce humoristique afin de la rendre présentable. Je suis convaincu que mes confrères procèdent de la même manière quand ils dressent le portrait d'un méchant (ou d'une méchante) liée à un phénomène de société qu'ils dénoncent.
Mais il serait dommage de limiter notre propos à un seul contexte. La vie professionnelle, le voisinage, la convoitise de ce que possède l'autre, la détestation de son mode de vie génèrent également quantité de crimes et délits. Avant que Monsieur Valls, encore premier ministre, raconte qu'il fallait s'habituer à vivre avec le terrorisme, quel auteur aurait osé imaginer qu'un assassin obéissant aux préceptes d'interprètes d'une religion louerait un camion afin d'écraser le plus possible de personnes un soir de feu d'artifice ? Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a causé un carnage le 14 juillet 2016 (86 morts). Il n'appartient pas à un univers parallèle. Il n'a pas frappé au milieu d'un roman mais au cœur de Nice.
Plus incroyable encore, ce drame qui a bouleversé les Français aura bénéficié à un l'un d'entre eux. Qui ? vous interrogez-vous. Réponse, le locataire du Palais empêtré dans l'affaire de son coiffeur personnel payé 9.895 € par mois, soit 593.000 € sur la durée du mandat présidentiel. Au plus bas dans les sondages, minable lors de son allocution du 14 juillet, vilipendé par des députés de son propre parti dont certains signaient sans complexe un projet de motion de censure contre son gouvernement, Le triste sire se demandait certainement s'il réussirait à survivre sous les ors de la République jusqu'au terme de son mandat. Une fois de plus, comme après Charlie, comme après le Bataclan, le malheur des Français allait le sauver. Un drame détournait le peuple de la colère contre sa nullité, son indifférence à leur sort, son incapacité à assurer leur sécurité (pour ne pas évoquer un laxisme coupable, un manque de volonté réelle, une popularité du président indexée sur le nombre de morts par attentats qui restera à mon sens un des plus grands scandales des années 2000). Voilà un scénario d'un cynisme que seul un auteur de films d'horreur aurait éventuellement pu concevoir. Et encore... Ses producteurs ou éditeurs auraient vraisemblablement exigé que le gouvernement démissionne, que le président organise de nouvelles élections ou se démette. Aucun n'aurait accepté d'investir sur une histoire où la côte de popularité du président et son équipe grimpe en surfant sur le sang du peuple.
Oui, la réalité se révèle bien plus féroce, terrifiante que la fiction. La crédibilité d'un roman, d'un film, d'une BD, exige d'adoucir les méchants, pas de les rendre plus mauvais que les acteurs des problématiques abordées. Alors, lorsqu'un personnage négatif vous surprendra dans un film ou un roman, ne pensez-pas que l'auteur l'a noirci. Au contraire, il l'a probablement policé par rapport à des faits qu'il a étudiés au moment de construire ou d'étoffer son scénario.
Dans ma prochaine note, j'évoquerai " le bon méchant " dans un autre univers, celui que crée les médias qui, petit doigt sur la couture du pantalon, nous racontent un monde de fiction dans le but de vous faire voter pour les politiques dont ils sont impunément les lobbyistes.