Rencontre FIBD 2017 : Daniel Clowes, l'auteur de Ghost World et Wilson !

Publié le 03 février 2017 par 7bd @7BD
Daniel Clowes est venu en France. Histoire de ne pas être là pour rien, le voilà au festival d'Angoulême pour des dédicaces, certes mais aussi pour des interventions lors de conférence et de rencontre. Et puis la galerie Martel, située à Paris, profite de la présence de l'auteur américain pour monter une exposition sur son œuvre globale. Alors peut-être que certains d'entre vous se demandent : « Mais qui est Daniel Clowes ? ». Daniel Clowes est un auteur indépendant américain, auteur du comic « Ghost World » dont l'adaptation cinéma avec Thora Birch, Scarlett Johanssen et Steve Buscemi a réjoui nos yeux (en tout cas les miens). Il a écrit également – mais pas que - la série « EightBall » et « Ice Haven », « Le Rayon de la Mort », « Caricature », « Wilson » etc... jusqu'au dernier en date, « Patience ».

Mais la patience n'est pas de mise et nous retrouvons Daniel Clowes dans la grande et classieuse salle de presse de l'hôtel de ville d'Angoulême. Quand je dis nous, il s'agit de journalistes et chroniqueurs internationaux - je déduis cela d'après les accents de mes confrères), pour répondre à nos questions enthousiastes – et de votre serviteur. Alors prêt pour un petit tour d'horizon Clowesien ?
Première question : Quelles sont ses impressions à propos de sa venue en France et de cette exposition à la galerie Martel ? Daniel Clowes est très enthousiaste. La question le réjouit et pour cause, car, raconte-t-il avec humour, la galerie lui a donné la consigne de parler autant que possible de l'expo. Mais pour lui, être exposé et également reçu à Angoulême est un véritable honneur. L'exposition présente un retour sur toute sa carrière, avec des dessins, des typographies et d'autres formes d'expressions, un vaste mélange et un panorama sur toute son œuvre. Daniel Clowes a déjà exposé, entre autres à Chicago, et des œuvres présentées à ces occasions seront bien sûr accrochées à Paris. Mais que ressent-il lors de la création d'un nouveau projet aujourd'hui ? Il ne voit pas son travail comme une trajectoire rectiligne. Pour chaque projet, il se retrouve comme dans l'œil d'un ouragan ! Il ne trouve pas de meilleure métaphore pour décrire comment il perçoit son travail. Quelqu'un lui demande si, au moment où il se replonge dans ce qu'il a réalisé, il se voit différemment aujourd'hui ? En revenant Sur « EightBall » - auquel va être consacré une anthologie soit dit en passant -, il est choqué aujourd'hui par la franchise et l'affectivité qu'il redécouvre dans ces premiers travaux. « Dites, dites, monsieur, c'est lequel d'entre vous deux Daniel Clowes ? » On a aussi abordé sa dernière œuvre, « Patience », qui utilise le voyage dans le temps. Un thème nouveau dans les histoires de Daniel Clowes. La question tombe : Comment s'en est-il servi ? Daniel Clowes nous répond qu'il n'a aucun intérêt particulier pour l'aspect scientifique, physique de ce thème. Pour lui, il s'agit d'une métaphore pour explorer l'esprit de son personnage et voir comment il fonctionne. Une autre personne demande si des éléments de son vécu auraient pu se retrouver dans cette histoire ? C'est évident, répond l'auteur. L'histoire d'un homme qui se revoit plus jeune reflète l'expérience qu'il a vécue en préparant l'exposition américaine et son anthologie « EightBall ». Une journaliste voit « Patience » comme un récit fataliste, pessimiste, et aimerait avoir le regard de Daniel Clowes sur ce point. L'auteur explique que « Patience » traite des petits choix qu'on fait tout au long de son existence, des choix dont la somme nous amènent là où on ne s'y attendait pas. Mais il ne s'agit pas de fatalité. Et que ferait Daniel Clowes s'il pouvait voyager dans le temps ? Il répond qu'il pourrait revenir à l'époque de Jésus pour voir à quoi il ressemblait puis se reprend bien vite. En vérité, il ne ferait pas de grands voyages, il reviendrait juste sur des moments de sa jeunesse, pour se rappeler des choses dont il ne se souvient plus. Ce serait peut-être du gâchis mais bon...
   Pour répondre à Zéda, Daniel Clowes, c'est lui ! Sur sa manière de travailler, Daniel Clowes nous a aussi donné quelques éléments. Le hasard et les coïncidences jouent sur son travail. Il refuse les cadres rigides. Il veut rester à l'écoute d'émotions qui se présenteraient à lui pour les intégrer au récit. Du coup, a-t-il du mal à quitter ses personnages ? Oui, pour lui, c'est comme élever un enfant. On est très proche mais à un moment, il, faut les laisser partir. Il ne s'identifie pas aux auteurs qui restent des années avec le même personnage ou à ceux qui les laissent, puis les reprennent des décennies plus tard. Ses personnages sont inspirés de vraies personnes mais ils mélangent les traits de caractères et si l'un de ses personnages ressemblent trop à son inspirateur, il en modifie l'apparence physique ! Un autre journaliste voudrait savoir s'il prend le temps de voir d'autres films, de lire d'autres BD, américaines ou d'ailleurs. A cause de la barrière de la langue, Daniel Clowes se tourne surtout vers les auteurs américains ou traduits en américain. Il a beaucoup apprécié le travail de Nicole Claveloux dans Métal hurlant, traduit aux US. Il apprécie les vieux films, comme « Playtime » de Jacques Tati. D'ailleurs, lors de son premier voyage à Paris, il a essayé de retrouvé des situations des films, comme cette porte où se reflète la Tour Eiffel. Il voulait trouver la porte au reflet plus que voir la vraie Tour Eiffel. « Dites, dites, Monsieur Clowes, pourquoi vous portez une plume sur la tête ? » L'autre actualité de Daniel Clowes est l'adaptation de sa BD « Wilson » au cinéma. Il en a écrit le scénario (comme pour ses adaptations précédentes). Le film est terminé, Woody Harrelson et Laura Dern jouent dedans et une projection a eu lieu au festival de Sundance - La Mecque du cinéma indépendant américain -. Daniel Clowes a beaucoup apprécié l'adaptation, surtout pour sa partie comique. Il espère que le public réagira comme lui. Un journaliste lui demande alors si le film respecte le choix graphique du livre, à savoir le style de dessin qui change d'une page à l'autre. Daniel Clowes précise qu'il intervient en tant que scénariste et qu'il n'a donné aucune consigne visuelle. De plus, c'est compliqué à intégrer et il a constaté que de nombreux lecteurs n'avaient même pas perçu ce changement de style dans la BD, alors pourquoi l'imposer au cinéma ? Vient alors une autre question : Son expérience dans le cinéma a-t-elle influencé sa manière de travailler ses BD ? Cela lui a surtout fait réaliser l'atout majeur dont il dispose dans une BD : Le contrôle total sur sa création. Le cinéma est un travail collectif où il faut agir et tenir compte de beaucoup d'avis. Quelqu'un demande si ses BD ne perdent pas en substance lors de l'adaptation, de l'incarnation par un acteur. Daniel Clowes n'a pas de problème avec cela. Un personnage joué par un acteur est donc une interprétation de son personnage originel. C'est intéressant de voir comment il a été repris. Nouvelle question : N'a-t-il pas envie d'écrire un scénario original pour le cinéma ? Il a déjà essayé mais n'a pas trouvé d'acheteur pour ses récits. Tant de travail pour rien, c'est trop frustrant. Aujourd'hui, les producteurs et les studios préfèrent adapter une œuvre qui a déjà une histoire, un public. Et pourquoi ne pas adapter ses scénarios de cinéma en BD ? Il n'exclut pas l'idée mais cela ne lui semble pas intéressant. Par contre, il s'autorise à reprendre des personnages de ces histoires pour les intégrer dans ses BD.
Pour éviter les questions de Zéda, Daniel Clowes a changé de place ! Bien sûr, au-delà de l'actualité de Daniel Clowes, il y a l'actualité brûlante des états-Unis, à savoir l'élection de Donald Trump, ce qui a, on peut s'en douter, soulevé plusieurs questions. Cette élection a-t-elle confirmé les pires cauchemars de l'auteur, s'enquiert un collègue. La réponse est nette : « Oui. » Daniel Clowes a l'impression que ses BD sont inutiles, tellement la réalité dépasse ses pires visions dystopiques. Cela lui inspire-t-il de nouvelles idées d'histoires ? Daniel Clowes répond que son travail va être affecté, c'est sûr mais il ignore encore quelle forme cela va prendre. Si les œuvres précédentes puisaient dans des racines personnelles, au vu des élections, Daniel Clowes s'imagine-t-il écrire des récits plus ancrés dans l'information ou l'autobiographie ? Il a besoin de dessiner des BD qui commentent le présent et la situation actuelle. Il évoque Arthur Szyk, illustrateur Allemand qui, sous le nazisme, avait caricaturé le Führer en personne. Revoir le travail de cet artiste donne envie d'écrire des histoires axées sur le présent. Question suivante : Pense-t-il que les artistes peuvent avoir un impact tous ensemble suite à l'élection de Trump ? Daniel Clowes se méfie. Ce n'est pas certain qu'une action collective ait un impact positif et surtout qu'elle soit opportune. Formuler une réponse adéquate, collective ou pas, va nécessiter du temps. Et si on parlait du grand Prix du festival d'Angoulême ? En rêve-t-il ? Là encore, réponse nette : « Non ! ». Daniel Clowes n'a aucune idée de comment fonctionnent les sélections et les choix. Alors pour lui, penser à cela, c'est une longue « route vers la tristesse ». Mais aimerait-il que Chris Ware (officiellement nommé avec Cosey et Larcenet) gagne ? Daniel Clowes sourit malicieusement. Il serait si heureux que ce soit Chris pour une simple raison, assez méchante d'ailleurs. Ce serait un tel calvaire pour Chris Ware de gérer ça, le temps que ça lui prendrait, que Daniel Clowes en rit déjà. Tombe alors la dernière question : Où se verrait-il dans cinq ans ? La réponse de Daniel Clowes est simple : « Je ne sais même pas où je serais en Mars. » Il ne se projette pas aussi loin. Il espère être vivant mais sera peut-être dans un camp de travail de Donald Trump à faire du macramé. Une pause café bien méritée pour Daniel Clowes ! Ainsi se termine cette intéressante rencontre et me voilà prenant congé de l'auteur et de mes collègues pour me replonger dans les rues d'Angoulême, à la recherche de nouveaux événements à partager avec vous... David
La belle invitation au vernissage


Et pour info, l'expo Daniel Clowes à la Galerie Martel se déroule du 1er février au 11 mars 2017, et vous pourrez vous y rendre du pardi au samedi de 14h30 à 19h ! et hop !
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