Mais la patience n'est pas de mise et nous retrouvons Daniel Clowes dans la grande et classieuse salle de presse de l'hôtel de ville d'Angoulême. Quand je dis nous, il s'agit de journalistes et chroniqueurs internationaux - je déduis cela d'après les accents de mes confrères), pour répondre à nos questions enthousiastes – et de votre serviteur. Alors prêt pour un petit tour d'horizon Clowesien ?
Première question : Quelles sont ses impressions à propos de sa venue en France et de cette exposition à la galerie Martel ? Daniel Clowes est très enthousiaste. La question le réjouit et pour cause, car, raconte-t-il avec humour, la galerie lui a donné la consigne de parler autant que possible de l'expo. Mais pour lui, être exposé et également reçu à Angoulême est un véritable honneur. L'exposition présente un retour sur toute sa carrière, avec des dessins, des typographies et d'autres formes d'expressions, un vaste mélange et un panorama sur toute son œuvre. Daniel Clowes a déjà exposé, entre autres à Chicago, et des œuvres présentées à ces occasions seront bien sûr accrochées à Paris. Mais que ressent-il lors de la création d'un nouveau projet aujourd'hui ? Il ne voit pas son travail comme une trajectoire rectiligne. Pour chaque projet, il se retrouve comme dans l'œil d'un ouragan ! Il ne trouve pas de meilleure métaphore pour décrire comment il perçoit son travail. Quelqu'un lui demande si, au moment où il se replonge dans ce qu'il a réalisé, il se voit différemment aujourd'hui ? En revenant Sur « EightBall » - auquel va être consacré une anthologie soit dit en passant -, il est choqué aujourd'hui par la franchise et l'affectivité qu'il redécouvre dans ces premiers travaux.
Pour répondre à Zéda, Daniel Clowes, c'est lui ! Sur sa manière de travailler, Daniel Clowes nous a aussi donné quelques éléments. Le hasard et les coïncidences jouent sur son travail. Il refuse les cadres rigides. Il veut rester à l'écoute d'émotions qui se présenteraient à lui pour les intégrer au récit. Du coup, a-t-il du mal à quitter ses personnages ? Oui, pour lui, c'est comme élever un enfant. On est très proche mais à un moment, il, faut les laisser partir. Il ne s'identifie pas aux auteurs qui restent des années avec le même personnage ou à ceux qui les laissent, puis les reprennent des décennies plus tard. Ses personnages sont inspirés de vraies personnes mais ils mélangent les traits de caractères et si l'un de ses personnages ressemblent trop à son inspirateur, il en modifie l'apparence physique ! Un autre journaliste voudrait savoir s'il prend le temps de voir d'autres films, de lire d'autres BD, américaines ou d'ailleurs. A cause de la barrière de la langue, Daniel Clowes se tourne surtout vers les auteurs américains ou traduits en américain. Il a beaucoup apprécié le travail de Nicole Claveloux dans Métal hurlant, traduit aux US. Il apprécie les vieux films, comme « Playtime » de Jacques Tati. D'ailleurs, lors de son premier voyage à Paris, il a essayé de retrouvé des situations des films, comme cette porte où se reflète la Tour Eiffel. Il voulait trouver la porte au reflet plus que voir la vraie Tour Eiffel.
Pour éviter les questions de Zéda, Daniel Clowes a changé de place ! Bien sûr, au-delà de l'actualité de Daniel Clowes, il y a l'actualité brûlante des états-Unis, à savoir l'élection de Donald Trump, ce qui a, on peut s'en douter, soulevé plusieurs questions. Cette élection a-t-elle confirmé les pires cauchemars de l'auteur, s'enquiert un collègue. La réponse est nette : « Oui. » Daniel Clowes a l'impression que ses BD sont inutiles, tellement la réalité dépasse ses pires visions dystopiques. Cela lui inspire-t-il de nouvelles idées d'histoires ? Daniel Clowes répond que son travail va être affecté, c'est sûr mais il ignore encore quelle forme cela va prendre. Si les œuvres précédentes puisaient dans des racines personnelles, au vu des élections, Daniel Clowes s'imagine-t-il écrire des récits plus ancrés dans l'information ou l'autobiographie ? Il a besoin de dessiner des BD qui commentent le présent et la situation actuelle. Il évoque Arthur Szyk, illustrateur Allemand qui, sous le nazisme, avait caricaturé le Führer en personne. Revoir le travail de cet artiste donne envie d'écrire des histoires axées sur le présent. Question suivante : Pense-t-il que les artistes peuvent avoir un impact tous ensemble suite à l'élection de Trump ? Daniel Clowes se méfie. Ce n'est pas certain qu'une action collective ait un impact positif et surtout qu'elle soit opportune. Formuler une réponse adéquate, collective ou pas, va nécessiter du temps. Et si on parlait du grand Prix du festival d'Angoulême ? En rêve-t-il ? Là encore, réponse nette : « Non ! ». Daniel Clowes n'a aucune idée de comment fonctionnent les sélections et les choix. Alors pour lui, penser à cela, c'est une longue « route vers la tristesse ». Mais aimerait-il que Chris Ware (officiellement nommé avec Cosey et Larcenet) gagne ? Daniel Clowes sourit malicieusement. Il serait si heureux que ce soit Chris pour une simple raison, assez méchante d'ailleurs. Ce serait un tel calvaire pour Chris Ware de gérer ça, le temps que ça lui prendrait, que Daniel Clowes en rit déjà. Tombe alors la dernière question : Où se verrait-il dans cinq ans ? La réponse de Daniel Clowes est simple : « Je ne sais même pas où je serais en Mars. » Il ne se projette pas aussi loin. Il espère être vivant mais sera peut-être dans un camp de travail de Donald Trump à faire du macramé.
Et pour info, l'expo Daniel Clowes à la Galerie Martel se déroule du 1er février au 11 mars 2017, et vous pourrez vous y rendre du pardi au samedi de 14h30 à 19h ! et hop !
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