L'extravagance magnétique
L'Étoiles thoracique c'est pour nous le petit frère malicieux et fripon de L'Alchimie des monstres. Ce qu'on aime avec Klô Pelgag c'est qu'elle continue à brouiller les codes de la logique. Impossible de se raccrocher à du tangible tant on aime à se perdre dans les brumes colorées de l'esprit extravagant de la Québécoise, qui fait rimer magnétique, érotique et narcotique, en tout état de cause. On a bien vite renoncé à tenter de trouver des explications logiques et objectives aux histoires fabuleuses de la compositrice, qui nous parle donc de sexe des étoiles, de ferrofluides-fleurs poussant au milieu de champs magnétiques et de baleines temporelles.
C'est absurde en apparence, loufoque, mais finalement, pas tant que ça : on s'y retrouve parfois. Klô Pelgag stimule notre imagination. Un mot, une phrase, un refrain, une chanson finit forcément par nous parler, faire un " pop " de parenté. Dans " Insomnie ", la Québécoise s'adresse directement à son trouble du sommeil : " Prenez la lune, mettez-la dans ma tête, je veux dormir cette nuit [...] Insomnie tu manges ma tête, même le jour ne passe plus la fenêtre ". Dès l'introduction de grosses tenues électro, on se retrouve dans notre chambre, les heures passent, 3h, 4h, 5h du matin s'affichent, on entend ces chœurs et rythmes tribaux qui résonnent dans notre tête, avant de muer en synthé cotonneux de boîte à musique. Notre esprit s'échappe peu à peu, rejoignant les bras de Morphée par intermittence. L'ambiance et le sentiment sont restitués. C'est l'insomnie. Dans la très jolie, " Le bonheur de l'Édelweiss ", presque un piano-voix, la voilà plus sage, " je sais que tu as peur de grandir, les vieux savent mieux mentir. Tu sais qu'on pourrait être heureux ? Je sais qu'être heureux c'est mieux ". Alors, pas folle la guêpe ?!
Une équilibriste aux doigts de fée
On écoute, fascinés, rebondir les notes de piano, instrument fétiche de Klô (" Les Mains d'Édelweiss ", " Chorégraphie des animaux "). Des gammes par-ci, des mélodies par-là. Jamais rien de très prétentieux. Et puis le piano se fait plus discret, surpassé par des apparitions joviales et euphoriques de cuivres (" Samedi soir à la violence "). Des cordes, plus légères et espiègles (" J'arrive en retard "), forment un liant entre l'instrumental très orchestré et la voix, comme des petits esprits malins et un peu jaloux (" Le Sexe des étoiles "). Ajoutons à cela du glockenspiel, du ukulélé, du marimba (" Les instants d'équilibre "), du xylophone... Et plein d'harmonies vocales. Des onomatopées, signe distinctif de Klô Pelgag, de sa voix de soprane si juste. Le son donne l'impression d'être plein à rebord, mais jamais il ne déborde. Telle une équilibriste mutante aux doigts de pieds circulaires, Klô Pelgag sait y faire.
Ensorcelantes mélodies biscornues
Klô Pelgag ne se limite pas aux accompagnements enjoués et guillerets. Par exemple, elle use souvent d'accords dissonants qui, crois le ou pas, s'insèrent extrêmement bien dans le reste du récit (" Au Musée Grévin ", ou la fin de " Le Bonheur de l'Édelweiss " qui fait très pièce contemporaine). Car oui, pour nous, Klô Pelgag raconte des histoires. Ses histoires. Des contes farfelus oui, mais des contes qui nous font oublier le quotidien ordinaire, la banalité de certains pans de notre existence. Tout oublier même, l'instant de 3-4 minutes, ou bien carrément le temps de 10 minutes avec " Apparition de la Sainte-Étoile thoracique " la chanson de clôture de l'album. Un hommage instrumental, très conceptuel, très cinématographique.
On écoute L'Étoiles thoracique d'un bout à l'autre, sans se lasser. Arriver au bout, on a comme un goût de revenez-y. Et on y revient en trottinant, bien content.
► L'Étoiles thoracique, sortie le 3 février (Zamora/Coyote Records).
En concert le 8 février au Café de la Danse