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Pour les investisseurs boursiers, il est nécessaire d’identifier en amont quelques signaux favorables au bon résultat d’une fusion ou acquisition. L’expérience prouve que la fusion de concurrents proches apporte de meilleurs résultats qu’une acquisition de diversification, lors de laquelle l’apprentissage de l’activité et l’assimilation du savoir-faire sectoriel, peuvent s’avérer longs et difficiles. A contrario, la consolidation relative au rapprochement de deux compagnies concurrentes, évoluant dans des segments proches, génère plus naturellement des synergies et des gains de productivité via la rationalisation des moyens et des coûts, ainsi qu’une moindre concurrence. Autre facteur essentiel, la faculté des entreprises à partager une culture d’entreprise commune.
Il est intéressant d’observer que les entreprises nippones, du fait de leur culture spécifique, quasi-unique au monde, rencontrent davantage de difficultés à réussir leurs opérations fusions & acquisition à l’international. Par ailleurs, il existe chez certaines compagnies une « culture des fusacq’ » q u’il est important d’évaluer. Des firmes comme Eurofins Scientific, Atos ou AB InBev ont pleinement intégré dans leurs business-models une approche active des rachats d’entreprises, si bien qu’elles entretiennent ces dernières années un rythme d’une à deux acquisitions par an. D’un point de vue boursier, le regain de dynamisme du marché des fusions & acquisitions offre aujourd’hui de nombreuses opportunités d’investissement. Alors que l’activité est repartie aux Etats-Unis depuis quelques années, l’Europe devrait bénéficier d’un mouvement de rattrapage pour renouer avec son rythme des années 2002-2007. Et c’est dans les secteurs régulés du Vieux Continent que les opérations devraient se multiplier, à l’image des télécoms, où le mouvement de consolidation est loin d’être achevé. Si les Etats-Unis comptent désormais quatre acteurs majeurs à l’échelle fédérale, l’Europe affiche vingt-huit marchés nationaux, pour vingt-huit autorités de régulation et cent-quarante opérateurs !
Actuellement, tous ces opérateurs doivent faire, à leur échelle, les mêmes investissements mais avec beaucoup moins de clients potentiels pour les rentabiliser. Dans les télécoms comme dans les secteurs de plus en plus globalisés (énergie, industrie, consommation courante et discrétionnaire ou pharmaceutique), il devient nécessaire pour la multitude d’acteurs transnationaux européens de se regrouper, pour une meilleure compétitivité à l’international face aux géants chinois et américains. L’industrie des médias audiovisuels est aussi à suivre de près, le fort potentiel de rapprochements tient notamment aux coûts accrus des grilles des programmes et à l’émergence de géants au business-model disruptif, comme Netflix. Si les investisseurs boursiers se focalisent traditionnellement sur les entreprises ciblées, une vision plus équilibrée doit s’imposer. En amont d’une opération de M&A, les acquéreurs autant que les cibles peuvent aujourd’hui pleinement bénéficier des attentes suscitées par le futur rapprochement et voir ainsi leur cours de bourse s’apprécier.
Plusieurs dossiers intéressants animeront sans aucun doute le marché, à l’instar du rapprochement entre Ahold et Delhaize, de British American Tobacco, qui vient d’absorber Reynolds, de Sprint aux Etats-Unis, bien positionné pour acquérir la filiale T-Mobile US de Deutsche Telekom, ou de la probable vente de Puma par Kering, qui devrait susciter les convoitises. Attention cependant, une sélection exigeante des valeurs, un « stock-picking », demeure incontournable. Il est important de prendre la pleine mesure des spécificités de chacune des histoires, d’analyser les chances de réussite de telles opérations, mais aussi d’évaluer à quel point leur potentiel est encore sous-estimé dans les cours de bourse.
A propos de l'auteur : Pierre-Alexis Dumont est directeur de la gestion Actions et Convertibles.