Enfance
En remontant vers 2008-2009, c'est la conjonction favorable d'une exaspération face au système financier en place (déclenchée par la crise et ses retombées) et de la prise de conscience que les technologies permettaient à de simples citoyens de créer des alternatives aux produits traditionnels qui a favorisé l'éclosion d'une génération entière de startups, bientôt rassemblées sous la bannière FinTech. Naturellement, l'ADN de ces pionnières était résolument anti-establishment et leur rêve était de remplacer la banque.
Une fois l'euphorie initiale évaporée, il a pourtant fallu se rendre à l'évidence : concevoir et déployer une offre crédible et rentable n'est pas si simple. D'une part, il n'est pas aisé de conquérir la confiance des consommateurs, surtout quand il est question de confier son argent à des inconnus. D'autre part, si le développement d'une plate-forme technique est relativement accessible, l'inscrire durablement dans l'environnement contraint de la finance se révèle coûteux et requiert des investissements conséquents.
Adolescence
Ainsi, la FinTech est passée de l'enfance à l'adolescence, ou de la découverte du monde à la confrontation avec la réalité. Hormis quelques exceptions, les idéalistes des débuts ont largement adouci leur langage vis-à-vis des acteurs historiques – qui redevenaient d'ailleurs plus fréquentables au fur et à mesure de l'effacement, avec l'usure du temps, de leur responsabilité dans la crise – et leurs modèles d'affaires ont progressivement intégré une collaboration avec ces derniers, sous une forme ou une autre.
La situation atteint aujourd'hui une sorte de paroxysme, car elle se trouve stimulée par la convergence des intérêts des institutions financières – qui voient dans la prolifération actuelle de jeunes pousses une source d'innovation dont elles peuvent aisément tirer parti – et d'une catégorie d'entrepreneurs pour qui la perspective de créer une société afin de la revendre après 3 ou 4 années est moins angoissante, incertaine (et ambitieuse) que l'espoir de changer le monde après 10 ou 20 ans d'efforts et de sacrifices.
L'équilibre est toutefois instable et menace de rompre prochainement. On constate déjà – par exemple avec l'émergence de la « RegTech » (la technologie au service de la conformité réglementaire) – une dérive du modèle de startup vers une approche beaucoup plus classique de fourniture de logiciel, voire de services informatiques. Plus généralement, la « soumission » aux besoins des banques limite nécessairement le degré d'innovation acceptable et les transformations se font plus incrémentales.
Maturité
Heureusement, l'âge adulte de la FinTech apparaît à l'horizon. Parce que les limites des collaborations en cours apparaîtront rapidement (pour toutes les parties), parce que quelques acteurs plus hardis que les autres commenceront à démontrer (enfin !) leur capacité de disruption, parce que l'idée de bouleverser le statu quo continuera à motiver quelques entrepreneurs et investisseurs…, une troisième génération (qui pourra donc comprendre des survivants des précédentes) va nécessairement émerger.
La nouvelle vague profitera aussi largement des leçons (apprises des erreurs) du passé. En particulier, une voie intermédiaire, plus saine, dans les relations avec les banques sera probablement trouvée. Aux côtés de quelques rebelles résolument indépendants, soutenus par des investissements substantiels, nombre de futurs trublions s'appuieront ainsi sur les offres d'institutions un peu plus visionnaires que leurs consœurs, prêtes à commercialiser leurs services en « B2B », de manière à pouvoir se concentrer sur leur domaine d'excellence, sans devoir tout reconstruire à partir de rien.
Ces startups viseront directement les clients et les activités des établissements traditionnels, avec des approches radicalement innovantes. Il ne sera alors plus question de partenariats, de co-création ou même d'acquisition entre grands groupes tout-puissants et petites proies faciles. C'est une nouvelle concurrence qui s'affirmera, qui voudra aller jusqu'au bout de son ambition, et qu'il faudra prendre au sérieux…