Découverte de Cvetko Lainovic
« Son vide apparent est la vie pleine », écrit Vladimir Dimitrijevic à propos des aphorismes et de la quinzaine de très singuliers dessins qu’il a publiés de Cvetko Lainovic, sous un titre on ne peut plus explicite : Honte des mots. Les uns, autant que les autres, aphorismes et dessins, expriment en effet l’inexprimable et, pour le lecteur, suggèrent plus qu’il ne disent l’inouï, l’inconcevable, l’aporie tremblante, la vision les yeux fermés.
« Ainsi, il ne reste que le verbe, l’essentiel, la ligne. La blancheur de ses dessins est tumultueuse, mais seulement dans l’œil de celui qui regarde », écrit encore Dimitrijevic, « c’est ainsi que j’ai subi la première vision de son art. J’ai lu, non, je me suis approprié ces aphorismes verticaux comme des météorites qui chutent. Inattendus ! »
Mais la citation sélective mutile, il faudrait tout citer, ou plutôt il faut avoir ce petit livre à tout moment à portée de main et le remplir de points d’exclamation ou d’interrogation. Traits verbaux ou picturaux fulgurent, qu’on a honte de commenter. « Et le même trait fulgurant comme lame passant sur la peau fait naître les hennissements de l’étalon, la solitude du monastère, Moïse, les natures mortes, les balais, les saints », quelque part entre un Matisse en transe et le graffiteur du Mur aux énigmes…
Cvetko Lainovic. Honte des mots. Aphorismes. Traduit du serbe par Dejan M. Babic. L’Age d’Homme, 62p.
Dessins de Cvetko Lainovic : L’écuyère; Le Christ; L’entrée à Jérusalem.