L'argument est connu : facturer, même en totale transparence, une commission proportionnelle aux actifs sous gestion est, pour toute société de conseil en investissement, le premier pas vers la discrimination des clients par leur niveau de fortune. Supprimer ce biais représente donc une garantie supplémentaire que les intérêts des épargnants sont pris en compte équitablement, quelle que soit leur situation. Se pose toutefois, dans ce cas, la question du modèle économique de l'entreprise…
Là également, pas de réelle surprise dans l'approche de WiseBanyan, qui ressort d'une classique stratégie de type « freemium » : en complément de la version gratuite, des services additionnels – payants, ceux-là – sont proposés. En l'occurrence, pour inaugurer la méthode, un produit de « tax-loss harvesting » (collecte des réductions d'impôts sur les pertes) a été adopté par près d'un utilisateur sur trois. Mais la jeune pousse veut désormais passer à la vitesse supérieure… et « changer le monde ».
En effet, les contacts sont pris avec quelques fournisseurs potentiels en vue d'ajouter à son catalogue crédit hypothécaire et produits d'assurance, pour commencer. On s'éloigne donc singulièrement de l'investissement et, en réalité, peut-être une offre bancaire (plus ou moins) complète est-elle en train de naître. Aussi surprenante que paraisse la démarche, il ne s'agit finalement que d'une mise en pratique d'un principe de capitalisation sur une base de clientèle acquise afin d'aborder d'autres domaines.
La tactique n'est évidemment pas étrangère aux institutions financières historiques. La nouveauté ici est double et devrait inciter ces dernières à prendre la menace au sérieux, car elle pourrait augurer d'une tendance majeure. D'abord, WiseBanyan considère que ses 20 000 clients actuels lui accordent une confiance suffisante pour se laisser tenter par d'autres produits financiers. Si cet espoir est confirmé, c'est un avantage des acteurs en place (qu'ils estiment imprenable) qui commencerait à se dissiper.
Certes, la taille de l'échantillon à ce stade peut faire sourire les grandes banques. Mais le deuxième facteur à prendre en compte, plus insidieux et indépendant du nombre, est la forme de la relation que développe la startup en plaçant le client au cœur de ses préoccupations. Ce qui se dessine de la sorte est un modèle de confiance qui ne repose plus sur une habitude ancienne (dont les fondations n'ont plus vraiment cours) mais sur une qualité de service qui se manifeste concrètement dans l'expérience utilisateur.
En synthèse, et pour l'exposer différemment, la démarche de WiseBanyan s'apparente, dans son esprit, à la création d'une banque qui partirait du client, autour duquel sont bâtis et assemblés les produits et services susceptibles de répondre à ses attentes. Elle est ainsi l'exacte antithèse des offres traditionnelles, centrées sur un catalogue de produits que les commerciaux essaient de distribuer auprès d'un maximum de clients. Entre ces deux visions, est-il nécessaire de préciser où se situe la solution d'avenir ?