Tout à l’heure j’étais dans la grande maison désormais vide de mes parents et j’ai entendu ma voix appeler « maman ». Aucun écho n’y a répondu.
Je me suis alors souvenu de celle de Jean Rochefort dans l’admirable film de Cavalier « Un étrange voyage ». Il joue le rôle d’un homme d'un âge qui va vers le mûr, droit dedans, un fils qui attend sa mère à la gare où elle n’arrivera jamais. On saura plus tard que la vieille dame, Ginou, est descendue malencontreusement en rase campagne où le TER s’était momentanément immobilisé. Perdue dans la nature, les prés, les buissons et la forêt, elle marche, déboussolée, elle meurt. Rochefort et Camille de Casabianca (père et fille) la cherchent plusieurs jours et je me souviendrai toute ma vie de la voix du comédien qui lance à un moment donné, au vide et au silence de la nature, du cut final, un mot : « maman »...
« Maman » pas avec une voix mièvre, pleurnicheuse, inquiète, chouinarde, non, « maman » d’une voix douce et assurée, une voix d’enfant, une voix vraie, une voix qui demande sa mère. La voix du fils que l’on reste même à soixante-cinq balais.
Il vient un jour dans nos vies un temps où l’on ne peut et pourra plus dire « maman » de cette même voix. Ce temps s’approche pour moi.