Roman - 300 pages
Editions Gallimard - août 2016
1986. Thomas, 17 ans, est un étudiant parisien prometteur. A l'instar d'un de ses amis proches, ses études supérieures de littérature le pousse aux Etats-Unis. Bon vivant, évoluant de conquête en conquête féminine, il travaille souvent sous la pression, excelle parfois, échoue souvent. Comme à l'Ecole Normale. Mais il progresse, change à plusieurs reprise d'université, et habite aux quatre coins des Etats-Unis. De fréquents aller-retours en France viennent compléter son emploi du temps au fil des années. Son assurance de professeur lui confère un certain pouvoir de séduction, mais elle lui attire aussi des jalousies professionnelles. Et contre toute attente, il se suicide en 2008 à l'âge de 39 ans. Il est érudit Thomas, il est passionné, il a soif de vivre, et préfère jouir des plaisirs que s'atteler laborieusement à la tâche. Mais il ne rechigne pas à aller frapper aux portes quand il le faut. L'argent il ne l'accumule pas et parfois il se retrouve sans le toit. Il travaille et retravaille une thèse puis une ouvrage autour de Proust, enseigne la littérature française. Des références proustiennes qui viennent tout juste de m'être familières, ça tombait bien. Extrait :"Si tu aimes tant Proust, c'est pour son intuition fondamentale : la vie véritable est dans les fragments de temps qui échappent au temps. La fameuse madeleine n'est rien d'autre que la rencontre du présent et du passé qui permet de sortir de l'angoisse de la mort en n'étant ni dans le passé ni dans le présent mais entre les deux."
Et tout le récit est un tutoiement, celui de Catherine, ex amante devenue amie constante, qui le raconte, qui s'adresse à lui revenant sur son passé, ses écueils, ses aventures, ses échecs, ses relations amicales. Avec un tutoiement très omniscient, très intrusif, le récit livre le témoignage d'une vie. Ce tutoiement également instaure davantage de distance, de recul, qu'un récit à la première personne. Ce miroir était essentiel pour pouvoir témoigner d'une vie, écrire sur celui qu'on adorait, qu'on adorait sans forcément connaître, qu'on appréciait pour son rire, ses frasques, ses déboires, sa générosité, sa vitalité. Mais en dedans, qui était-il, quelle était sa vie intérieure...? Le roman-hommage tente d'y répondre, sans forcément y parvenir. C'est aussi le récit d'un époque, le portrait d'hommes en recherche de carrière et d'accomplissement social. Extrait :"Tu maîtrises la rhétorique - l'apparence. De plus en plus elle te sert à dissimuler qu'il n'y a rien derrière, comme ces façades d'immeubles qui tiennent encore debout dans les pays en guerre et dont une bombe a réduit en ruine le reste.
Publish or perish : la règle d'or de l'université américaine. Il n'y a pas de choix. Tu dois transformer ta thèse en livre et la publier, même si elle appartient à ton passé et que la simple idée de t'y remettre te donnes la nausée. Tu viens de perdre cinq mois. Tu vas le faire." Et puis, alors que c'est un trait important de la personnalité de Thomas, et lors que la fin du roman approche, est évoquée la bipolarité du personnage, une maladie qui explique les enchaînement de périodes euphoriques et dépressives qui n'ont fait que tisser une vie chaotique. Une vie entourée d'amis qui n'ont pu le sauver d'un suicide libérateur.Une belle langue agréable à lire, avec un rythme effréné de bout en bout.
Certains avis - OnLaLu
L'avis de Marie-Laure Delorme - Le JDD