Ce matin, j’ai ouvert les fenêtres en me réveillant et l’air sentait bon. Il laissait entrer dans l’appartement une note d’eau claire, d’herbe timide, de bois vert et de racine, quelque chose de légèrement pétillant aussi, comme la neige.
J’en ai empli mes poumons autant que je le pouvais, y revenant à plusieurs fois malgré le froid, le savourant à grandes goulées et à petites inspirations, avec d’autant plus de délice qu’il venait après des semaines à respirer ce fond âcre de fumée blanche et de papier brûlé que nous avait apporté la pollution urbaine.
Puis je me suis demandé depuis combien de temps je n’avais pas ressenti cette sensation-là, ce plaisir intense et simple à la fois de respirer à pleins poumons.
Je me suis rendu compte que, petit à petit, nous allions oublier ce que c’était que l’air pur, l’air qui sent l’air. Que cela allait arriver dans les grandes villes d’abord, puis dans les campagnes, et enfin au bord de la mer et en montagne. Et les meilleurs parfumeurs du monde n’arriveraient jamais à recréer cette odeur-là, comme ils ne savent pas reproduire celle de l’herbe fraîche ou de la terre mouillée après la pluie.
Ce patrimoine olfactif merveilleux, que nous avions toujours considéré comme allant de soi, serait perdu pour toujours.
The photo that illustrates this text was taken from Elizabeth Gadd’s marvelous work : https://stampsy.com/stamp/8300