En tentant de renouveler sa populaire série de jeux d’horreur, Capcom est-il en train de trop s’éloigner de ce qui en a fait sa réussite?
Plus de 6 mois après le lancement de sa première démo, Resident Evil 7 est enfin là. La plupart des critiques l’ont encensé sans hésitation. Mais qu’en est-il du fan de la toute première heure que je suis?
S’agit-il d’un vrai Resident Evil?
Bien entendu, la réponse à cette question sera variable selon la personne à qui on la pose. N’empêche que fondamentalement, ce jeu est sans doute beaucoup plus Resident Evil que même l’excellent Resident Evil 4.
Comment? On se retrouve dans une gigantesque maison, qui évoque parfaitement le manoir du premier jeu de la série, avec des énigmes à résoudre, des monstres à supprimer, des portes verrouillées, des items à combiner, un inventaire à gérer par des coffres éparpillés un peu partout qui partagent étrangement le même contenu comme s’ils étaient connectés, beaucoup d’exploration, et des confrontations déjantées. Qui plus est, vous devrez économiser vos munitions autant que possible, et toujours vous assurer de trimbaler des potions de soin, que vous pourrez d’ailleurs concocter vous-même.
Les coffres deviendront rapidement votre meilleur ami.
L’interface du jeu est identique à la démo lancée cet été.
Mais non, vos ennemis ne sont pas techniquement des zombies. Son scénario ne se concentre pas non plus autour de Raccoon City, de la Umbrella Corporation, des membres de S.T.A.R.S. ou de la B.S.A.A. Personne ne vous empoisonnera, contrairement à ce que la plus récente démo le laissait croire. En mode facile et normal, vous pouvez sauvegarder autant de fois que vous le désirez (dans un nombre restreint à une vingtaine d’espaces par profil) lorsque vous croisez les magnétophones ayant la même vocation que les machines à écrire. Enfin, il s’agit d’un jeu en vision subjective, à l’opposé de ce que la série canonique nous a toujours présenté.
Des clins d’œil aux jeux précédents sont pourtant là, et les événements se déroulent dans le même univers – 19 ans après l’incident de Raccoon City, mais à Dulvey, un village fictif situé en Louisiane.
Intrigue
Inutile de bien connaître la série pour apprécier Resident Evil 7.
Vous incarnez Ethan Winters, dont la conjointe Mia qu’il croyait morte donne enfin signe de vie 3 ans depuis sa disparition. Elle lui demande de la rejoindre à l’adresse d’une maison abandonnée dans un trou perdu à Dulvey en Louisiane. Sans vous gâcher l’intrigue, Ethan se fait rapidement torturer puis kidnapper par la famille Baker, des cannibales qui semblent tout droit sortir de The Texas Chain Saw Massacre.
Progressivement, vous aurez l’occasion de reprendre le contrôle de la situation en sillonnant les corridors de ce labyrinthe en décrépitude qu’est devenue la maison des Baker. Seulement, des monstres terrifiants d’origine inconnue auront tôt fait de vous barrer la route.
Les monstres de Resident Evil 7 n’entendent pas à rigoler.
Resident Evil 7 se démarque de la série par un important avantage : il est inutile d’avoir joué aux précédents jeux pour en savourer son scénario. Oui, le jeu rend un bel hommage à ses origines, mais n’impose pas de connaître les événements passés sur les doigts de la main.
Réalité virtuelle
D’abord, je tiens à souligner que j’ai complété Resident Evil 7 du début à la fin avec le PlayStation VR. J’ai sursauté à plusieurs reprises, mais la peur ne m’a jamais fait regretter ma décision. Ce jeu est la preuve qu’un AAA en réalité virtuelle est possible, et son expérience est très bien adaptée à ce mode encore marginal.
Tout n’est pas parfait cependant. Alors que sur un écran conventionnel, les quelques cinématiques précalculées offrent une transition imperceptible avec les véritables environnements générés par le système (tant sur PlayStation 4 que ce que j’ai vu sur Xbox One et PC), sur PlayStation VR, ces séquences vidéo sont affichées comme si elles étaient projetées sur un écran de cinéma. On ne parle ici que de quelques brèves cinématiques, mais ce comportement est suffisant pour nuire au sentiment d’immersion ressenti.
Si l’idée de jouer à Resident Evil 7 en réalité virtuelle vous intéresse, je le recommande fortement. Personnellement, je n’ai eu aucun malaise à y jouer pour de longues séances de plusieurs heures. Il est préférable toutefois d’ajuster les mouvements de caméra pour qu’ils soient fluides. Par défaut, Capcom propose que le joystick droit de votre manette provoque des rotations fixées à un nombre de degrés prédéterminé, possiblement pour éviter des haut-le-cœur chez certains, mais ça devient plutôt agaçant à la longue.
Jouabilité
Plusieurs conventions des premiers jeux de la série sont respectées ici. Bien que vous commencez votre aventure sans arme, les niveaux sont conçus de sorte que vous croiserez sur votre chemin des éléments vous permettant de bâtir un arsenal de plus en plus puissant.
Un puzzle digne de Resident Evil (facile lorsqu’on possède le bon item, qui n’est pas ce couteau).
En combinant des fluides chimiques à de la poudre à canon, vous pourrez fabriquer vos propres munitions qui viendront s’ajouter à celles que vous aurez accumulées en cours de route. Vous n’aurez pas de problème à mettre à mal tous les ennemis sur votre chemin, pour autant vous usez de parcimonie avec vos balles et ciblez toujours la tête. Un joueur prudent préférera combiner les fluides chimiques aux herbes vertes pour produire des potions de soin (plus efficaces que les herbes seules) qui peuvent être consommées directement dans l’action.
En ce qui concerne l’arsenal, on retrouve l’incontournable couteau de poche, divers pistolets qui partagent le même type de munitions, deux fusils de chasse, une scie à chaine (le temps d’une seule confrontation avec un gardien), un lance-flammes, un magnum (que l’on peut «acheter»), un lance-grenades, une mitrailleuse, et des bombes pouvant être déclenchées à distance.
Il vous est possible «d’acheter» un magnum en échange des pièces de monnaie éparpillées dans l’environnement.
Resident Evil 7 innove avec ses quelques cassettes VHS dont le visionnement transporte le joueur dans la peau d’une autre personne, dans un autre contexte, devant compléter une mission bien différente de celle amorcée par la quête principale. Ces scènes interactives servent en quelque sorte de tutoriel permettant au joueur de se familiariser avec la prochaine tâche à accomplir et l’environnement dans lequel il se retrouvera.
Celui qui terminera le jeu en respectant certaines conditions sera récompensé par des items accessibles pour sa prochaine partie.
La quête principale de Resident Evil 7 est estimée de 10 à 12 heures selon les compétences du joueur. Pour ma part, j’ai terminé le jeu une première fois en 10h50 sans trop m’attarder à lire minutieusement toute la documentation recueillie en chemin. J’ai aussi connu la mort une bonne vingtaine de fois. Ça peut paraître court pour certains, surtout lorsque l’on compare cette durée avec d’autres jeux AAA, mais il faut savoir que les Resident Evil invitent à la rejouabilité en récompensant le joueur ayant terminé le jeu une première fois avec des items pouvant être utilisé tôt dans sa deuxième partie. Ces récompenses font boule de neige lorsque le joueur termine une nouvelle fois sa partie en respectant certaines conditions, l’incitant à recommencer, jusqu’à ce que tout ait été débloqué. Il est important de souligner également que le jeu ne vous enterre pas dans une pléthore de cinématiques interminables.
Capcom a déjà annoncé que les deux premiers DLC seront accessibles dès février, ce qui promet d’allonger la durée de vie de Resident Evil 7, mais ceux-ci seront vendus ou réservés à ceux qui possèdent la passe de saison (incluse avec l’édition deluxe). À noter qu’un troisième DLC gratuit, Not A Hero, est annoncé à la fin du jeu pour un lancement au printemps prochain.
Ambiance
Musicalement, Resident Evil 7 n’est pas vraiment généreux, les développeurs souhaitant plonger le joueur dans la paranoïa en mettant l’accent sur les bruits étranges propres à l’environnement où il se trouve. C’est très réussi, surtout pour celui qui y jouera avec des écouteurs. Lorsqu’elle se manifeste, la musique vient surtout souligner le sentiment de panique imposé par une confrontation.
Quelques-uns des membres de la famille Baker.
En ce qui concerne le jeu d’acteur, il est sublime en anglais, surtout en ce qui concerne Jack «welcome to the family, son» Baker et sa femme Marguerite. D’ailleurs, les insultes que réplique la mère comptent parmi les plus crues à jamais avoir été mentionnées dans un jeu vidéo. On surprend aussi notre personnage, Ethan, dire à haute voix ce que l’on pense nous même au même moment. En français, l’adaptation est plutôt convaincante.
Technique
Visuellement, Resident Evil 7 est superbe sur PlayStation 4 Pro, et encore plus beau sur un PC haute performance. Il se défend très bien sur Xbox One, mais certains éléments comme les cheveux apparaissent légèrement pixelisés, tandis que la PlayStation 4 classique génère ses graphismes quelque part entre les deux. Son rendu est aussi inférieur sur PlayStation VR, une contrainte que manifeste l’ensemble des jeux offerts en réalité virtuelle. Mais rassurez-vous, ces différences sont très minimes.
La conception des niveaux est impeccable. Alors que le jeu demande un temps de chargement plutôt long au démarrage, il a l’avantage de ne pas en imposer une fois la partie enclenchée; sauf à quelques exceptions – lors du visionnement des cassettes VHS, vers la fin, et bien entendu, après chaque mort. Les lieux que vous visitez sont tous connectés en un seul gigantesque environnement.
On peut apercevoir la transition de certaines textures de basse à haute définition lorsque l’on se met à courir, mais jamais au point de déranger profondément l’expérience. Avec le PlayStation VR cependant, il peut arriver que le menu ou les sous-titres s’affichent à l’intérieur des objets devant nous, nous obligeant de reculer pour les voir adéquatement.
Conclusion
Resident Evil 7 est le parfait jeu pouvant rallier les adeptes de la série (excluant les joueurs les plus bornés) et les nouveaux venus. Il représente un défi intéressant en mode normal, mais les joueurs sérieux seront plus attirés par sa difficulté élevée (le mode madhouse) qui impose un défi significativement plus élevé : Ethan doit accumuler des audiocassettes, qu’il devra garder sur lui afin de pouvoir enregistrer sa progression selon le même principe que les rubans d’encres des premiers jeux. La sauvegarde automatique est également beaucoup plus restreinte dans ce mode.
Ces quelques défauts peuvent irriter, mais le jeu se rattrape rapidement par son expérience sublime qui vous fera pardonner ses imperfections. Honnêtement, par les rebondissements de son scénario légèrement moins farfelu que les précédents chapitres (mais pour un jeu d’horreur qui frise la science-fiction), les choix difficiles qu’il impose au joueur, ses jumpscares et son action, Resident Evil 7 aurait pu difficilement être mieux.