Accueil > Mes lectures > " Le messie du Darfour " de Abdelaziz Baraka Sakin
Jet d'encre
" C'était la seule à Nyala et sans doute même dans tout le Soudan à s'appeler Abderahman. " Avec son prénom d'homme et sa cicatrice à la joue, terrible signe de beauté, Abderahman est la fille de fortune de tante Kharifiyya, sans enfant et le cœur grand, qui l'a recueillie un jour de marché en lui demandant de ne jamais parler de la guerre. De la guerre, pourtant, Abderahman sait tout, absolument tout.
C'est un jour de marché qu'elle rencontre Shikiri, jeune idéaliste enrôlé de force dans l'armée, venu en permission chez sa tante Kharifiyya. Ni une, ni deux, Abderhaman en fait joyeusement son mari. Et lui demande dans la foulée de l'aider à se venger des terribles milices janjawids en en tuant au moins dix.
Formidable épopée d'une amazone de circonstance dans un monde en plein chaos, le Messie du Darfour est une histoire d'aventure et de guerre, une histoire d'amour et de vengeance, qui fait la part belle à l'humour et à la magie du roman. "
Éditeur
" Elle lui expliqua alors qu'elle avait attendu d'avoir un homme, un soldat courageux, qui la vengerait en tuant au moins dix janjawids, tandis qu'elle mangerait le foie cru de chacun d'entre eux. [...] Elle répondit qu'elle savait tout de la guerre, absolument tout, et répéta que ceux qui avaient tué ses parents et viola ses soeurs jusqu'à ce que mort s'ensuive n'étaient pas des soldats de l'armée régulière mais bien des janjawids elle savait faire la différence. "
Voici un livre magnifiquement écrit et qui nous remet les doigts sur une réalité mal maîtrisée (esclavage arabe, rapport en arabes et africains, rôle trouble de l'occident, extrême violence des janjawids, réalité des violences faites aux femmes en temps de guerre ; mais aussi les humanités qui résistent, des femmes saccagés qui se révoltent, des amours en des temps innommables, et l'espoir en une Voi(x)e qui jamais ne s'éteint...). C'est excellent, magistral de maîtrise de la part de l'auteur. Mais il va falloir qu'on m'explique...
Ces 3-4 derniers chapitres qui n'ont (pour moi) ni queue ni tête, qui semblent sortir totalement de la trame violente et guerrière, tout en ayant une certaine... logique.
Ces multiples parcours de violence qui nous sont balancés sans cohérence ni espèce de fil conducteur. Même si on suit Ibrahim Khiddir, Abderahman et son mari dans des destins qui montrent une certaine ligne directrice, il n'en reste pas moins qu'on a une impression de " trop ", comme du name dropping à la congolaise, un chanteur qu'un atalaku trop présomptueux viendrait occulter l'histoire (la chanson) que l'auteur nous raconte.
Je l'ai lu d'autant plus facilement que je n'étais pas " à fond dedans ". Sans être lassé, pris par le talent d'écriture, la narration n'arrivait pas à me scotcher au récit au point de me donner l'envie de le lire d'un trait, sans lâcher.
Je suis extrêmement enthousiasmé par l'écriture magnifique. Mais, douché, un peu, par l'histoire un peu trop décousue, à mon goût, qui n'arrive pas à me passionner. Même la vie traumatique de la belle Abderahman n'arrive pas à m'émouvoir. C'est extrêmement violent, et ça ne suffit, à capter totalement l'attention.
L'originalité de l'œuvre lui fait mériter un 8/10, l'intérêt global malheureusement fait baisser la note. La qualité de l'écriture qui lui fait toucher la stratosphère est pourtant plombé par la difficulté que j'ai eu à suivre la narration.
C'est sans aucun doute un livre d'un engagement total pour dénoncer les violences de nos guerres mais aussi des rapports sociaux (de classe) qui se camouflent derrière des conflits raciaux.
Très, très bon livre, mais assez déroutant.
" Les gens comprirent plus tard que l'amour et la haine coulent dans les mêmes veines, arrosent les mêmes champs, ils comprirent que celui qui aime est pareil à celui qui hait : l'homme ne peut distinguer le bon du mauvais, il est capable de baiser la main du diable en pensant qu'il s'agit des lèvres de la bien-aimée. "