Je siège depuis quelques mois au Grand Conseil vaudois. C'est d'abord un honneur, ensuite une responsabilité et un travail conséquent, enfin un plaisir. Je profite de ce message pour remercier les Vaudoises et les Vaudois qui m'ont accordé leur confiance ; il a fallu batailler quelque peu, l'arrivée fut, disons, remarquée, mais cette entrée en fonction correspond tout à fait l'image que je me fais de la politique : une lutte, un combat policé. Celui qui n'entre pas en politique pour recevoir et distribuer des coups n'est pas à sa place. Cela n'empêche pas, bien entendu, le nécessaire respect dû à l'adversaire, cela n'empêche pas la politesse, ni le compromis, ni les alliances, mais ne perdons pas de vue que la politique est d'abord affaire d'antagonismes, pour ne pas dire de lutte des classes. De lutte des classes, absolument.
Ceci dit, je me suis mis au travail, intervenant sur les sujets qui me tiennent à cœur et sur lesquels je possède quelque modeste expérience, notamment professionnelle. La santé, la culture et, de manière plus marginale, l'informatique et les nouvelles technologies. J'ai déposé, et continuerai de déposer jusqu'au terme de la législature, de nombreuses interventions et propositions. Dans ce cadre, je n'oublie pas qu'un mandat est avant tout affaire de représentation : nous devons notre siège aux gens qui nous ont élu. Nous ne sommes pas grand chose.
J'ai décidé de ne pas me représenter aux prochaines élections de ce printemps. Non pas que l'activité parlementaire ne m'intéresse plus : au contraire, c'est avec tristesse et une pointe de nostalgie que je quitterai cet hémicycle. J'y aurai siégé une année : c'est peu, mais c'est suffisant pour me convaincre d'avoir contribué, à ma modeste échelle, au développement des idées que je défends, les idées d'une gauche non sectaire et antidogmatique, respectueuse des libertés individuelles et soucieuse de justice sociale.
Qui trop embrasse mal étreint! Depuis longtemps, l'écriture est une passion. Les livres, le papier, raconter des histoires, en lire aussi, beaucoup. Un mandat politique, si on veut le remplir correctement, impose de renoncer à beaucoup de temps faussement dit " libre ". L'activité de parlementaire représente une charge de travail élevée, qui s'ajoute en régime de milice à l'activité professionnelle : je fais partie de ces parlementaires qui exercent une activité salariée et ont dû réduire leur temps de travail afin de pouvoir siéger. Il ne s'agit pas de s'en plaindre ou de le regretter, tant la présence de salariés au Grand Conseil est importante, aux côtés des nombreux élus exerçant des professions libérales. Mais ce mandat implique évidemment de réduire voire de renoncer à certains pans de l'existence, et non des moindres. Qu'est-ce que vivre, sinon faire des choix ? L'écriture pour moi n'est pas un hobby, elle est une exigence. Tout comme l'activité politique, et sans doute plus encore que celle-ci, elle donne du sens ; ce n'est pas rien. Aujourd'hui j'ai choisi de creuser mon sillon littéraire, nous verrons bien ce qu'il adviendra. C'est un travail de longue haleine.
Et puis - parce qu'il faut bien l'admettre - je suis de moins en moins enthousiaste à jouer le jeu des chapelles. En 2012, j'ai démissionné de mon parti : il y a des libertés recouvrées, de nouvelles indépendances intellectuelles auxquelles on renonce difficilement, une fois goûtées. Cela n'empêche pas la loyauté bien sûr, à l'égard des électeurs, du parti, du programme porté par la liste. C'est aussi la raison pour laquelle j'ai choisi de mettre fin à mon activité d'éditorialiste au journal Gauchebdo; après dix ans de billets hebdomadaires, le temps était venu. Je sors des clous idéologiques avec un plaisir qu'un reste de culpabilité ne rend que plus délicieux.
Les élections cantonales approchent. Je souhaite bon vent à mes collègues, et leur souhaite d'atteindre leurs objectifs. J'espère que mes quatre camarades au sein de notre petit groupe " La Gauche " seront réélus - ils le méritent au vu du travail effectué avec si peu de moyens - et leur dit le plaisir que j'ai à travailler chaque semaine avec eux. Que vivent les petits partis ! Notre démocratie se nourrit de ces voix originales et dissonantes.