Peux-tu présenter ton spectacle « Boom bap »?
Je m’appelle Da Titcha, actif dans le rap sous ce pseudo depuis fin 2010. J’ai eu l’opportunité de faire les TransMusicales 2014 avec le collectif Le Zooo. A cette occasion, la boite de production L’Armada Productions, qui promeut des spectacles jeune public, m’a rencontré sur le festival et m’a proposé de travailler avec elle pour créer un spectacle pluridisciplinaire autour du rap à destination du jeune public. « Boombap » met en scène le professeur Boombap, passionné de rap, l’inspecteur du Groove (bassiste sur scène) et l’assistant Scott Bee (batteur sur scène) qui à eux trois vont présenter le rap au public et échanger avec lui. Avec humour, Pr. Boombap déconstruit le rap à travers plusieurs scènes (le beat, le flow , les rimes, l’écriture, les thèmes, etc…), avec l’aide de sa famille contactée en Skype. Mc P (Mc Prosper), élément perturbateur, ami d’enfance du Pr. Boombap, contacte régulièrement Boombap via Facetime pendant le spectacle pour le critiquer sur sa manière d’appréhender et d’expliquer le rap.
En quoi ce projet est-il particulier ?
La particularité du spectacle c’est qu’il rassemble la musique rap, l’univers de la culture Hip Hop, le théâtre et les vidéos qui rappellent celles qu’on trouve sur Youtube. C’est un spectacle actuel car il fait un clin d’œil aux nouvelles technologies (Skype, Facetime, etc) et moyens de communication qu’utilisent les jeunes d’aujourd’hui. L’autre particularité c’est qu’il est à mi-chemin entre le one-man-show et le concert rap, ce qui fait que, bien qu’il soit destiné au jeune public à partir de 6 ans, il s’adresse en fait au public de tout âge.
Comment se déroulent les ateliers avec les jeunes ?
Effectivement, des actions culturelles se greffent avant ou après et autour du spectacle. L’Armada Productions développe souvent une sphère pédagogique autour des spectacles qu’elle produit. En ce qui me concerne, je m’y retrouve vraiment car je trouve que ça complète bien l’esprit du spectacle que j’ai écrit et celui du Hip Hop qui s’est construit grâce à l’émulation et le partage. J’ai eu l’occasion de rencontrer des primaires et collégiens à Évreux pour écrire des morceaux rap, d’initier des détenus au beatmaking (bases instrumentales rap) en maison d’arrêt à Saint-Malo ou bien encore de créer des vidéos (type vlog ou podcast) autour du rap à la Roche-sur-Yon avec des jeunes de la PJJ ou à Clermont-Ferrand avec des collégiens. Ces actions culturelles viennent de la demande des structures qui produisent le spectacle et qui ont un rayonnement culturel dans leur région. Il y aussi des gens qui m’ont vu dans mes épisodes sur ma chaine Youtube et qui veulent que j’intervienne pour échanger autour de ma passion avec différents publics.
Comment sont perçues ces actions en général ?
Globalement, les actions culturelles sont bien reçues : en milieu scolaire, les enfants sont contents de pouvoir participer et partager autour du spectacle et pas seulement d’y assister. C’est plutôt un succès. Je devais en faire 4 ou 5 avant le spectacle et j’en suis à plus d’une quinzaine ! Ça me fait voyager dans des coins de France que je n’ai jamais vus ! Damn, I’m lucky!
A quel niveau se situe l’interaction entre le public et la musique ?
Dans la tradition Hip Hop, le « Cypher » (le cercle) est la norme. En un mot, l’interaction prime. Qu’elle soit pour échanger, partager ou provoquer et montrer une suprématie : l’interaction est la base dans les disciplines Hip Hop. J’ai essayé de traduire cet esprit dans mon spectacle et plus précisément dans la musique. Les morceaux du spectacle sont joués en live et comme dans un concert, le public est souvent sollicité pour dynamiser l’énergie. Il y aussi une part importante laissée à l’improvisation rap dans le spectacle et le public y participe activement…
Quels sont les thèmes que tu aimes aborder dans tes textes ?
Comme le spectacle déconstruit le rap, je voulais parler des différentes façons d’aborder le rap : revendications sociales, joutes verbales ou encore simplement l’art de rimer ! J’essaye de retranscrire l’énergie qui m’a plu quand j’ai découvert cette musique : pouvoir rimer sur les valeurs positives et universelles du Hip Hop, balancer des assonances délicieuses en parlant d’une … biscotte, vanner avec des rimes piquantes et un flow braggadocio pour mettre à terre Mc P, revisiter une fable de la Fontaine ou écrire des punchlines qui transportent sur le Petit Prince … L’écriture pour moi est essentielle à l’énergie et à la qualité d’un Mc, donc elle prend une place évidente dans le spectacle !
Le spectacle influence-t-il tes compositions ?
Forcément (rires)… J’ai consacré 1 an et demi à la création du spectacle, il sort de ma tête et de mon cœur. L’écriture d’un spectacle construit est totalement différente de l’écriture de morceaux de musique indépendants les uns des autres. La création de ce spectacle a donc été une expérience en soi. Elle a fait évoluer mon écriture et m’a élevé un cran au dessus. Enfin, le dynamisme qui émane des rencontres et des performances en spectacle influence forcément mes nouveaux textes et musiques à venir.
Comment ressens-tu ce partage entre ton art et le public ?
Je suis hyper heureux de voir que l’accueil est très bon ! Je devais faire 8 à 12 dates dans l’ouest de la France, j’en suis finalement à une trentaine de dates bookées dans toute la France. J’ai rencontré des trentenaires et quarantenaires passionnés ou non par le Hip Hop après le spectacle, qui étaient venus avec leur enfants. Ils me rendent l’énergie et l’enthousiasme que j’essaye de véhiculer dans le spectacle. J’avais peur, au départ, de me retrouver dans la peau du rappeur pour gamins, finalement, je réveille l’enfant qui est dans chaque personne qui vient me voir en concert et ça me va très bien. A l’heure où tout est dématérialisé, le spectacle vivant est la seule chose qui réunit vraiment les gens ! Le partage est à la base de mon spectacle et le public le sent, c’est pour ça que le spectacle prend. Je trouve dingue de pouvoir « performer », échanger et réfléchir autour de ma pratique aux quatre coins de la France et enfin vivre de ma passion. Damn, I’m sooo Lucky!
Boombap est-il destiné à parcourir les routes de France pour une durée limitée, ou s’inscrit-il à plus long terme ?
Les créations de ce type peuvent vivre jusqu’à 3-4 ans ! On verra…
Quels sont tes futurs projets ?
Je vais continuer de tourner avec ce spectacle pendant encore un an au moins (rires). A court terme, j’aimerais reprendre et faire évoluer mon rap en solo. Je suis en train d’écrire de nouveaux morceaux. J’ai beaucoup évolué et tourné en groupe depuis 2014. J’avais écrit un premier EP en 2013 « L’accord Parfait » sous le pseudo Da Titcha et j’aimerais aujourd’hui montrer toute l’expérience et l’évolution de ma plume, de ma musique depuis ce temps. J’ai vécu beaucoup de choses cools et d’autres nettement moins depuis 2014, et j’aimerais vraiment les raconter sur disque. Je n’imaginais pas pouvoir vivre de ma musique il y a seulement un an et je réalise qu’avec du cran et du courage, on peut tout faire ! Ce n’est que le début…
Photographies : Boombap © David Gallard