Et curieusement encore aujourd’hui, la fiscalité est la grande absente du débat de la primaire socialiste depuis plusieurs semaines. Même les deux finalistes Manuel Valls et Benoît Hamon n’ont pas abordé ce thème important alors que c'est pratiquement le seul moyen pour réduire les inégalités sociales…
Le manque de progressivité de l'impôt sur le revenu (IR)
François Hollande et son ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault ont laissé perdurer dès le début du quinquennat en 2012 le gel du barème introduit en 2011 par le gouvernement de François Fillon. Ce gel a été ensuite reconduit sur les revenus de 2012 et l’impôt payé en 2013, ce qui a représenté en fait une hausse déguisée supportée par les contribuables de 3,4 milliards d'euros ! Puis en 2015 dans l’incohérence la plus totale, après avoir fait rentrer des millions de contribuables dans l'IR en gelant le barème, le nouveau Premier ministre Manuel Valls les a fait ressortir en supprimant la 1ère tranche de l'IR ! Mais l’IR souffre toujours d'un manque cruel de progressivité avec seulement 4 tranches d’imposition : 14% (9690 à 26764 €), 30% (26764 à 71754 €), 41% (71754 à 151956 €), et 45% (151956 € et plus). Dès lors que le nombre de tranches comme l’éventail des taux d’imposition ont été réduits et resserrés vers le bas, notamment par Laurent Fabius, ministre des finances en 2000, l’IR n’est plus hélas calculé en fonction des « facultés » de chacun.
Le simple rétablissement de quatorze tranches d’imposition telles qu’elles existaient au début des années 1980, au lieu des 4 tranches actuelles permettrait de rétablir une réelle progressivité de l'IR et de dégager des recettes nettement supérieures à celles rapportées chaque année (76 milliards en 2016) Mais François Hollande s’est contenté uniquement de porter le taux marginal de 41% à 45 % et sans toucher au reste, cela ne change quasiment rien au système fiscal qui reste toujours dégressif pour les plus hauts revenus. Le quotient familial (QF) et le quotient conjugal (QC) Considéré à tort comme le mode de calcul normal de l’IR, le quotient familial (QF) permet aux ménages les plus aisés de bénéficier de ristournes beaucoup plus importantes que les ménages modestes, et ce à taille de famille équivalente. Ce mécanisme devrait être remplacé par un abattement forfaitaire pour chaque enfant à charge, identique pour toutes les familles… Quant au mécanisme du quotient conjugal (QC), il consiste à diviser la somme des revenus d'un couple par deux avant de lui appliquer le barème progressif. Ce système réduit fortement l'impôt des couples aisés dont l'un des membres - le plus souvent la femme - ne travaille pas ou très peu, avec une réduction d'impôt d'autant plus élevée que le revenu principal est important... Les niches fiscales C’est notamment à cause des niches fiscales que les impôts progressifs sont aujourd’hui ultra-minoritaires dans le paysage fiscal. Elles sont évaluées à plus de 70 milliards d’euros mais d’après un rapport de la cour des comptes, réalisé sous le magistère de feu Philippe Séguin, celles-ci représentaient pour l’année 2009 146 milliards € ! Une somme colossale et une aberration économique puisque cette somme est trois fois supérieure au produit de l'IR payé par les particuliers ! Si certaines d’entre elles répondent à un souci d'équité ou à des mesures économiquement utiles, d'autres permettent surtout à uneminorité de personnes de réduire fortement leur imposition tout en se constituant un patrimoine important. Certes, le gouvernement de François Hollande a plafonné quelques niches à 10.000 € au lieu de 18 000 € mais beaucoup d’entre elles sont totalement inefficaces et doivent être purement et simplement supprimées. Pire, l’ancien Premier Ministre, Jean-Marc Ayrault, a réussi l'exploit d'accorder à deux niches fiscales (Sofica et loi Girardin pour les DOM) des plafonds supérieurs à ceux fixés antérieurement par le gouvernement de Nicolas Sarkozy ! François Hollande n’imagine pas un seul instant qu’avec la récupération d’un tiers seulement de ces recettes perdues, on réglerait une bonne fois pour toute les intérêts annuels de la dette publique qui se montent à 50 milliards €… L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) L’ISF a été effectivement rétabli mais la disposition prise par Nicolas Sarkozy, au terme de laquelle le seuil de déclenchement de l’ISF ne joue qu’à compter de 1,3 million € de patrimoine, a été maintenu. En clair, le premier taux d’imposition de 0,50% prend effet à compter de 800 000 € mais seulement si ce seuil de 1,3 million € est atteint !Le nouveau barème a été sensiblement allégé aussi pour d’autres raisons : les taux applicables ont été abaissés de 0,55 à 0,50% pour la première tranche et de 0,75 à 0,70% pour la seconde, la tranche de 1,65% est supprimée, le taux marginal passe de 1,80 à 1,50% ! Ainsi, en 2013, l'ISF a été moins lourd sous la gauche (4,074 milliards € estimés) qu’en 2011 sous la droite (4,321 milliards €) ! La fraude fiscale La fraude fiscale, par son ampleur et ses caractéristiques (au minimum entre 60 et 80 milliards € par an, selon le Syndicat national unifié des impôts), réduit aussi fortement les rentrées fiscales et accentue les inégalités, sans parler de l'optimisation fiscale qui fait le bonheur des avocats d'affaires. Ce sont essentiellement les grosses entreprises et les riches particuliers qui en bénéficient car ils peuvent faire de gros investissements déductibles de l’Impôt ou user de l’existence des paradis fiscaux. L’administration fiscale a perdu 25 000 emplois depuis 2002 sur l'ensemble de ses missions, dont une grande partie est concentrée sur des services qui forment le premier étage du contrôle fiscal, c'est-à-dire le service de gestion de l'impôt, le service de contrôle sur pièces et le service de programmation des contrôles fiscaux. Ces pertes d'emploi ont fragilisé la détection de la fraude et le contrôle fiscal dans son ensemble. Suite à l’affaire Cahuzac, il a bien été procédé à un renforcement de 50 agents à la DGFIP (Direction Générale des Finances Publiques) mais un signal fort aurait dû être donné par la création d’au moins 2000 postes dans les administrations chargés de lutter contre les fraudes et par l’établissement de la liste « française » des pays considérés comme non coopératifs ou comme paradis fiscaux et judiciaires en accompagnant cette liste des sanctions infligées aux entreprises qui utilisent ces territoires. La fiscalité locale et indirecte La fiscalité locale est également très injuste car elle varie d’un montant de 1 à 4 suivant les régions et a augmenté considérablement ces dernières années. Les bases de calcul sont totalement archaïques et datent de 1961 (taxe foncière) et de 1970 (taxe d’habitation). Le montant à payer pour les contribuables ne dépend pratiquement pas du revenu fiscal déclaré, sauf pour les personnes qui ont des difficultés sociales graves et qui bénéficient d’exonérations partielles ou totales. Ainsi, comme le souligne la cour des comptes, " les ménages modestes ou moyens subissent proportionnellement un prélèvement plus lourd que les ménages les plus aisés ". Quant aux impôts indirects (TVA, TIPP, forfaits hospitaliers, franchises médicales et autres taxes de toute sorte...), ils ont pris une part démesurée dans le budget de l'Etat (environ 65% des recettes fiscales). Un record qui fait de notre pays l’un des plus inégalitaires du monde occidental car ces impôts indirects touchent de la même manière les personnes aisées comme les plus modestes. Aujourd'hui, comme on le voit, les différents chantiers d’une vraie réforme fiscale sont nombreux mais on est loin, très loin de propositions guidées par la justice et l’équité, passage indispensable pour une redistribution et une réduction des inégalités…
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