Conquérants barbares, sauvages hirsutes et incultes, rois fainéants… les Mérovingiens, première dynastie franque en Gaule, n’ont pas bonne presse.
Et pourtant, à voir leurs trésors présentés dans Les Temps mérovingiens au musée de Cluny, on découvre que ces prétendus assassins de Rome ont poursuivi et agrandi son œuvre civilisationnelle.
476 : renaissance culturelle
Une date fatidique entache la réputation des premières dynasties dites « barbares » en Europe : 476, la déposition du dernier empereur romain d’Occident, curieusement nommé Romulus Augustule, par le chef hérule Odoacre. Comme si, à la suite d’une longue et violente agonie, le monde civilisé s’effondrait pour ne se relever qu’à la Renaissance.
Mais peut-on vraiment qualifier d’« empereur » un enfant de onze ans, monté sur le trône impérial sans trop savoir comment ? Et de « sauvages » des chefs qui, comme Clovis, lisait Virgile dans le texte ? En réalité, 476 n’est que la partie émergée de l’iceberg : la civilisation romaine n’a pas disparu, elle a simplement migré dans la partie orientale du vieil Empire, et, à l’Ouest, intégré en son sein les apports germaniques.
Romanisés et christianisés assez rapidement, les peuples germaniques, et en particulier la dynastie mérovingienne, semblent bien plus revivifier une culture latine qui se lamentait sur sa décadence que lui porter le coup de grâce.
On les taxait de païens destructeurs ? On contemple des stèles où la main précise de l’artisan grave une riche symbolique, qui mêle avec bonheur rites chrétiens et signes solaires et aviens.
On disait d’eux qu’ils étaient illettrés ? On admire des manuscrits, où, à chaque page, le copiste redouble d’imagination pour transformer les lettres en animaux, en couleurs, en formes géométriques porteurs du message chrétien.
On parlait d’âge sombre ? On s’émerveille d’une orfèvrerie sans égale depuis les Celtes, où l’or, l’argent et les émaux se disputent des formes aquilines.
Une scénographie du clinquant
On l’aura compris, l’exposition Les Temps mérovingiens cherche à dégager cette époque méconnue des recoins ténébreux où les historiens passés l’avaient plongée. C’est là sa force et son point faible : trop occupée à en faire l’éloge, elle hésite à fouiller en profondeur trois siècles d’histoire. L’organisation thématique du parcours permet certes d’aborder les points essentiels des productions culturelles franques, mais niant la chronologie, elle ne permet pas de saisir les dynamiques qui travaillaient la dynastie, figeant cette dernière dans la surface brillante des chef-d’œuvres exposés. Substituer une imagerie positive à une imagerie négative peut, dans un premier temps, sembler réhabiliter les Mérovingiens ; mais sur le long terme, c’est encore les enfermer dans une image réductrice.
Et cela se sent dans l’expérience physique de l’exposition. Trop chargées, trop serrées dans l’espace restreint du frigidarium, les vitrines sont la proie d’une cohorte infinie de visiteurs. C’est un vrai parcours du combattant : pour qui veut vraiment profiter de chaque pièce, il lui faudra garder un œil sur le reste de la salle pour se jeter sur la première vitrine à se libérer en se frayant un chemin dans un couloir de trois mètres de large bondé de monde. Et, arrivé face aux vitrines désirées, il s’épuisera à déchiffrer des médailles minuscules et des manuscrits illisibles, suréclairés et aplatis derrière une épaisse paroi de verre, avant de capituler et de s’en remettre aux petites notices techniques.
Que conservera-t-il de la culture mérovingienne ? Une image certes clinquante, mais si mal exposée qu’il n’aura pas eu le loisir de s’y immerger.
Les Temps mérovingiens, jusqu’au 13 février 2017 au musée de Cluny
Maxime