La kétamine a déjà été documentée pour son efficacité dans le traitement de la fibromyalgie mais aussi de la dépression . Cette fois, c'est contre la dépendance à l'alcool que la substance est pressentie par ces chercheurs de psychologues de l'University College de Londres qui entament un premier essai avec 90 personnes alcoolodépendantes.
L'usage médical de la kétamine est réduit, en raison de son caractère addictif cependant de plus en plus d'études* suggèrent son intérêt dans plusieurs indications, comme la dépression sévère, dans la prise en charge de la douleur chronique et de la fibromyalgie. En particulier, dans cette indication, la kétamine, administrée par voie intraveineuse a été évaluée comme un analgésique plus puissant que la morphine Dans une étude, plus de la moitié des patients traités avec de la kétamine rapportent une réduction de plus de 50% des niveaux de douleur Une troisième étude montre une certaine durabilité de son effet analgésique, soit au-delà de 8 semaines, chez des patients fibromyalgiques D'autres études (1) ont tenté d'affiner les dosages pour plus d'efficacité Encore considérée comme un traitement expérimental, la kétamine constitue donc une piste très prometteuse pour différentes pathologies.
L'équipe de la Clinical Pharmacology Unit de l'UCL souhaite démontrer qu'une dose unique de kétamine pourrrait aider les personnes ayant un problème avec l'alcool à " décrocher " . Le principe ? La kétamine permettrait aux sujets alcoolodépendants de réduire leur consommation en effaçant les souvenirs et notamment de récompense- liés à la boisson. Le mécanisme serait donc globalement similaire à celui documenté dans l'utilisation de la substance dans la prise en charge de la dépression, c'est-à-dire détourner les patients des souvenirs liés à l'alcool et ses stimuli la prise en main du verre, la vision d'un alcool qu'on apprécie, un lieu de boisson etc...).
C'est donc le premier essai qui va démarrer sur l'efficacité et la sécurité de ce traitement one shot contre l'alcool. Pour être inclus dans l'étude, les 90 participants devront :
-consommer par semaine 30 unités d'alcool au moins pour une femme et 40 pour un homme,
-consommer de l'alcool plus de 4 fois par semaine,
-souhaiter sérieusement arrêter de boire,
-être âgé de 8 à 65 ans et en bonne santé,
-être disponible pour 3 séances d'étude à l'UCL,
-être bien entendu d'accord pour recevoir une dose unique de Kétamine ou de placebo.
Viser la fenêtre d'instabilité cérébrale : Les chercheurs expliquent que chaque fois que le cerveau accède à un souvenir, les connexions neurales qui le codent sont temporairement déstabilisées, ce qui suggère que ce souvenir pourrait être légèrement modifié avant de revenir en mémoire. Cette courte période d'instabilité représenterait une fenêtre d'opportunité durant laquelle la kétamine permettrait de bloquer le récepteur NMDA, nécessaire à la formation des souvenirs. La kétamine pourrait ainsi contribuer à affaiblir les souvenirs liés à la boisson.
Si les résultats s'avéraient positifs, ils pourraient inciter à tester la thérapie chez des personnes alcooliques, sachant qu'une thérapie elle-même basée sur une drogue n'est jamais à sans risque.Plus d'études sur la Kétamine
Biblio:1-Pain Physician 2013 Intravenous infusions in chronic pain management
2-European Journal of Pain 2011 doi: 10.1016/j.ejpain.2011.03.008 Absence of long-term analgesic effect from a short-term S-ketamine infusion on fibromyalgia pain: a randomized, prospective, double blind, active placebo-controlled trial
3-Pain 2000 doi:10.1016/S0304-3959(99)00308-5 Ketamine reduces muscle pain, temporal summation, and referred pain in fibromyalgia patients
4-Scandinavian Journal of Rheumatology DOI:10.3109/03009749509095181 Pain analysis in patients with fibromyalgia. Effects of intravenous morphine, lidocaine, and ketamine