Il existe encore des hommes qui oeuvrent dans l'ombre, à la recherche du beau. Et la plupart des gens s'en foutent. Enfin, pas tous. Le label Monopsone et son fondateur Denis Frelat font assurément partie de ces chercheurs de beau. Pour l'occasion, ils ont fait appel dernièrement au photographe Stéphane Merveille qui a pris quelques magnifiques photos de la Dune de Pilat, en noir et blanc. Ces photos devaient ensuite servir d'inspiration à trois chanteurs : Erik Arnaud, Matthieu Malon et Orso Jesenska. Leur feuille de route ? Un Ep de 6 titres chacun avec 4 chansons originales et 2 reprises. Erik Arnaud est celui qui a cherché le plus la facilité avec seulement 2 nouveaux titres, mais 2 titres en "or". Surtout "Golden Homme", petit tube en puissance, qui fait voir un Erik Arnaud, très proche de son ami Florent Marchet, dans le fond comme dans la forme. On pense évidemment au "Bambi Galaxy" de ce dernier. Pour le reste, deux versions brutes de vieux titres, de l'époque où la musique de Erik Arnaud était rêche et sèche. Au passage, je serais curieux de savoir si le chanteur a toujours la même vision lapidaire de la chanson d'ici ("Ma chanson française") dix ans après. Et puis, deux reprises belles et épurées : une étonnante de Balavoine et l'autre plus prévisible des excellents canadiens de Broken Social Scene. Tout Erik Arnaud est là, l'ancien, le nouveau, le franchouillard, l'indie rockeur. Matthieu Malon ensuite que je connais moins. Il est adepte d'un rock plus simple et direct, d'un parlé-chanté dont il se sert pour mettre en valeur ses qualités de conteurs ("Dans la chambre d'hôtel"). Les reprises sont des chansons anglo-saxonnes, éminents tubes new-wave kitschs ("Reviens et reste" et "Dansons les larmes aux yeux") dont la traduction française passe moyennement bien, il faut l'avouer. Mais comme pour Erik Arnaud, il y a au moins un nouveau très bon titre ("Sur la dune") et l'ensemble reste au final cohérent.
Enfin, Orso Jesenska est un chanteur français très prometteur, déjà responsable de deux disques pas passés inaperçus ici ("Un courage inutile" et "Effacer la mer"). Il se détache progressivement de toutes références encombrantes. Le sublime "Forêt" qui débute ce nouvel EP ne doit par exemple rien à personne. Chez lui, les reprises (Gianmaria Testa et Hoagy Carmichael) comme la musique sont aussi plus pointues. Ce gars a un talent supérieur pour juste suggérer à partir de textes elliptiques et une musique chaude mais réduite à l'essentiel. On a hâte de découvrir la suite de la carrière de ces trois-là, sûr que cet exercice auquel ils se sont volontiers pliés leur donnera des ailes vers de nouveaux horizons, empruntant de nouvelles voies vers le beau.