de Marcel Proust
Roman - 600 pages
Editions Grasset - 1913
Editions poche - mars 1992
Marcel se souvient, se souvient de ces étés d'enfance qui s'étiraient dans le village de Combray chez sa grande tante. Entre promenades familiales, réceptions, discussions et rumeurs, ennui et douceur, le petit Marcel a tout son temps pour rêvasser, penser, observer. Et notamment l'ami de la famille, et voisin, Swann, qu'il admire tout comme le mystérieux et inaccessible domaine des Guermantes. Il nous conte l'amour de Swann pour Odette, un amour contrarié. Avec des similitudes pour son amour à lui naissant envers la jeune Gilberte Swann. Des aller-retours entre des personnages qui gravitent autour de cette cour rurale, et entre l'appartement parental des Champs-Elysées et la demeure provinciale.
Ca y est ! Je peux dire que j'ai lu Proust, je peux prétendre à faire partie du sérail intellectuel ! ;-) Depuis très longtemps rebutée par la longueur du texte et des phrases, et la petitesse de la police de caractères, j'ai plongé dans le grand bain. Une avalanche de mots, de phrases à rallonge, une ambiance bourgeoise à l'écart des problèmes du monde. Une immersion dans l'enfance du narrateur et la vie de Swann, un homme de l'entourage familial. Extrait :"À partir de cette soirée, Swann comprit que le sentiment qu’Odette avait eu pour lui ne renaîtrait jamais, que ses espérances de bonheur ne se réaliseraient plus. Et les jours où par hasard elle avait encore été gentille et tendre avec lui, si elle avait eu quelque attention, il notait ces signes apparents et menteurs d’un léger retour vers lui, avec cette sollicitude attendrie et sceptique, cette joie désespérée de ceux qui, soignant un ami arrivé aux derniers jours d’une maladie incurable, relatent comme des faits précieux : "hier, il a fait ses comptes lui-même et c’est lui qui a relevé une erreur d’addition que nous avions faite ; il a mangé un œuf avec plaisir, s’il le digère bien on essaiera demain d’une côtelette", quoiqu’ils les sachent dénués de signification à la veille d’une mort inévitable."
Mes impressions sont mitigées. Il y a d'un côté l'évidence de la qualité de l'écriture, avec les efforts considérables consacrés par l'auteur à décrire le plus précisément et intuitivement des réactions sentimentales en chaîne, des phénomènes humains, les ressorts de la jalousie, de l'admiration, de la frustration... Des phrases longuissimes qui demandent une certaine endurance. Extrait :"Mais même au point de vue des plus insignifiantes choses de la vie, nous ne sommes pas un tout constitué, identique pour tout le monde et dont chacun n'a qu'à aller prendre connaissance comme d'un cahier des charges ou d'un testament ; notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres. Même l'acte si simple que nous appelons "voir une personne que nous connaissons" est en partie un acte intellectuel. Nous remplissons l'apparence physique de l'être que nous voyons de toutes les notions que nous avons sur lui, et dans l'aspect total que nous nous représentons, ces notions ont certainement la plus grande part. Elles finissent par gonfler si parfaitement les joues, par suivre en une adhérence si exacte la ligne du nez, elles se mêlent si bien de nuancer la sonorité de la voix comme si celle-ci n'était qu'une transparente enveloppe, que chaque fois que nous voyons ce visage et que nous entendons cette voix, ce sont ces notions que nous retrouvons, que nous écoutons." Et de l'autre côté, il y a ce que je ressens comme un vide social, une narration nombriliste de du monde bourgeois tourné vers lui-même. Cela dit, cela aboutit néanmoins à un écrit social sur une frange privilégiée de la population. A certains moments, il est quand même des évocations qui m'apparaissent subversives sur des mœurs assez libres, des propos assez libérés pour parler de relations extra conjugales.On verra si je m'engage dans la poursuite des 6 autres tomes...
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