La France bluffante

En ce 24 janvier 2017, un cuisinier a bousculé les codes. En 30 ans de Bocuse d’Or on n’avait pas vu une telle prise de risque d’un pays, qui traditionnellement à la pression du monde entier venu le défier, et la peur de mal faire qui va avec. On attendait une surprise, intrigués par la phrase fétiche tirée du Petit Prince, « on ne voit bien qu’avec le coeur, l’essentiel est invisible pour les yeux » et on ne fut pas déçu. Notre poète national dont le rituel porte-bonheur est, dixit, « regarder les étoiles« , a peut-être fait passer le Bocuse d’Or dans une autre stratosphère.

Le plat végétal fut déjà une belle surprise, le commentaire de Régis Marcon lors de la sortie du plat et le public bouche-bée devant tant d’audace, l’avait laissé supposer, un blanc s’installant dans l’assistance qui n’avait pas l’air de comprendre. Il n’en fut pas de même chez les spécialistes, car pour la première fois de l’histoire du Bocuse d’Or un candidat ne présente pas l’assiette avec ses garnitures, mais un composé d’une seule pièce ! Et du coup, pas d’assiette plate, mais une assiette creuse dans laquelle fut rajouté un consommé avant de servir. L’essentiel est à l’intérieur !

Ensuite le plat qui figure la planète B612 du petit prince avec ses baobabs et sa fleur qui demande à être apprivoisée. Pour comprendre le plat, relire le Petit Prince notamment l’épisode ou le renard explique au petit prince l’importance qu’il a, lui, pour sa fleur. En ce qui nous concerne Laurent Lemal nous a apprivoisé. Traitant le végétal comme un produit principal, et non une simple garniture, il est le seul à avoir correctement interprété le thème en cette première journée. Quoi qu’il arrive, il a déjà gagné, l’estime de ses pairs pour le travail accompli et la sympathie du public pour ce quitte ou double qui dépendra de l’avis du jury. Osera-t-il placer la France sur la plus haute marche et poser ainsi un nouveau jalon pour le futur de l’épreuve, réponse ce soir sur les coups des 18 heures.