Delicious est une nouvelle série de quatre épisodes qui a été diffusée du 30 décembre au 20 janvier sur les ondes de Sky1 en Angleterre. L’action se déroule à Cornwall au sein de la famille Vincent. Leo (Iain Glen) est un réputé chef qui opère au Penrose, un luxueux manoir et tout semble aller pour le mieux jusqu’à ce que sa deuxième épouse Sam (Emilia Fox) découvre qu’il la trompe… avec sa première femme Gina (Dawn French). Mais à peine le mari a-t-il le temps de se justifier qu’il meurt d’une crise cardiaque, laissant derrière lui beaucoup de questions sans réponse et des dettes. Écrite par Dan Sefton qui nous a diverti pendant quatre saisons avec Mr Selfridge, on ne cesse de spéculer sur ce qu’aurait pu être Delicious avec une ligne directrice mieux définie. Mais malgré une histoire pour le moins dénuée de rebondissements, on ne peut s’empêcher d’enfiler les épisodes les uns après les autres, ne serait-ce qu’en raison de l’envoutante mise en scène et des personnages qui ont beaucoup à apprendre en se côtoyant.. Contre toute attente.
Un (modeste) chemin de croix
Leo et Sam ont beau être ensemble depuis presque 20 ans, cette dernière ne s’est jamais sentie tout à fait à sa place à Cornwall. Ayant elle-même été en partie la cause de la rupture du premier mariage de son époux, elle ne peut s’empêcher de le suspecter d’infidélité. Il se trouve qu’elle a vu juste puisque son aventure avec Gina dure depuis environ six mois. Cela jette évidemment un froid entre les deux femmes qui pourtant s’appréciaient, mais suivant la mort de Leo, il semble qu’aucune réconciliation ne soit possible. Et comme le reconnaît lui-même le mari infidèle (qui assure la narration tout au cours de la série), il est parti bien trop tôt avant d’avoir pu régler certains détails de succession. C’est que Sam qu’il aimait sincèrement malgré les apparences, hérite de toutes ses possessions, lesquelles sont criblées de dettes. Seul le Penrose semble rentable, mais il échoit à Gina étant donné qu’ils ont fondé ensemble le restaurant et que de l’aveu même du défunt, il lui a volé toutes ses recettes. Du côté de leurs enfants respectifs, l’atmosphère n’est pas plus au beau fixe. Teresa (Tanya Reynolds), issue du premier lit est antisociale et probablement anorexique. Elle a au cours des années développé une phobie de l’eau et pour couronner le tout, elle va bientôt subir un avortement sans pour autant en avertir le père. De son côté, Michael (Ruari O’Connor), le fils de Sam et de Leo fait tourner la tête de toutes les filles, mais l’élue de son cœur est sa propre demi-sœur Teresa…
Alors qu’on enfile un à un les épisodes de Delicious, on ne peut s’empêcher à réfléchir sur ce que la série aurait pu être : signe qu’on passe à côté de bien des opportunités. Par exemple, l’une des photos promotionnelles de la fiction nous montre Sam et Gina se regardant comme des chiens de faïence avec un couteau de boucherie planté dans le comptoir qui les sépare. Mais malgré les infidélités de Leo et du contenu de son testament, la relation entre les deux femmes est trop timorée. À diverses occasions elles doivent enterrer la hache de guerre pour ensuite la ressortir au prochain désaccord sans pour autant nous donner de véritables confrontations. Bref, elles sont un peu trop cérébrales et pas assez impulsives à notre goût.
De plus, c’est Leo lui-même qui l’affirme dans « l’au-delà » : il a laissé un véritable bazar à ses proches en raison de sa mort prématurée. C’est d’abord Sam qui est sur la paille, puis Gina qui pourrait bien le devenir alors qu’une collègue du Penrose lui avoue que les finances de l’établissement ne sont pas non plus au beau fixe. On a bien droit à une visite d’une représentante du fisc en milieu de saison, mais rien pour en faire un véritable enjeu alors que les deux femmes conservent le même train de vie, comme si de rien n’était.
Du côté des enfants on se questionne aussi sur les choix scénaristiques. La trame de l’avortement de Teresa est réglée en un claquement de doigts. À l’opposé, on passe tout ce temps à nous montrer Michael enquêter sur la mort de son père (il suspecte un suicide) pour qu’il décide finalement avec Teresa de ne pas ébruiter leurs soupçons. Et que dire de cette histoire d’inceste ? On fait couler beaucoup trop d’encre pour la résolution simpliste qui en résulte.
On a faim !
À l’opposé, l’on pourrait affirmer que c’est la mise en scène qui vient racheter presque dans son intégralité les lacunes scénaristiques. En effet, à mesure que l’on enchaîne les épisodes, il faut quasiment se retenir pour ne pas se payer impulsivement un billet d’avion en direction de Cornwall tellement la région est idyllique. Les plans bucoliques, qu’il s’agisse d’un étang, d’un pré ou du village principal foisonnent et sont savamment mis de l’avant par l’équipe technique. C’est encore plus vrai pour les plats culinaires que l’on y retrouve, question d’être en phase avec le titre. Rien que dans les trois premiers épisodes, au moins 70 % de l’action se déroule dans une cuisine avec quelqu’un aux fourneaux. Et même quand ils ne mangent pas, les aliments sont toujours au centre de l’intrigue et nous permettent même de mieux comprendre la psychologie des personnages. Par exemple, le couple de Leo et de Sam bat de l’aile et dans le premier épisode, il critique le plat qu’elle lui a apprêté : trop fade, trop santé. Gina est tout son contraire. Comme Leo, elle croque la vie à pleines dents (c’est le cas de le dire !) et trouve son bonheur en cuisinant, même si cela lui vaut un certain surplus de poids. À l’opposé, Teresa est anxieuse, voir dépressive selon son médecin et même si elle travaille elle-même dans un restaurant, elle se prive de manger. Et lorsqu’elle est affamée, elle engloutit des bonbons manufacturés alors que sa mère fait en un rien de temps des cannolis qui nous donnent l’eau à la bouche. En fin de compte, c’est cette omniprésente beauté de la table qui apporte un charme à cette famille élargie qui pourtant accumule les drames. C’est donc sans surprise que la réconciliation à la toute fin se fasse autour d’un gargantuesque repas.
Alors qu’en fin d’année, la télévision britannique regorge d’épisodes spéciaux de fiction, Delicious aura tout de même réussi à se faire une place. En effet, durant la semaine du 26 décembre au 1er janvier, la série s’est classée au huitième rang des autres chaînes câblées et a attiré 980 000 téléspectateurs. Encore mieux (et très rare), l’auditoire a augmenté la semaine suivante à 1,38 million, se classant cette fois au 2e rang des émissions les plus populaires de la semaine. Espérons que Sky1 a d’autres petites surprises de ce genre en poche.