Il reste un mois pour aller voir les 3 expos proposées par Le Consortium, rue de Longvic, Dijon. Je parlerai de deux, celle de Rodney Graham et celle de David Hominal. C’est déjà bien, car ça me demande un effort! (Jusqu’au 19 février, 14-18h)
Pour Rodney Graham, qu’est-ce qui m’a décidé à écrire? D’abord un commentaire positif de Pascal Lazzarotti (merci à lui) sur mon blog à propos de cette expo, puis une visite « sur le pouce » avec Marion comme bon guide, et enfin un article dans Libé signé J.Lavrador.
[Mais c’est quoi cette tendance aujourd’hui à faire croire qu’on est tous capables d’être artistes? Voyez l’émission de télé « A vos pinceaux », l’expo de Nancy « Tout est permis » etc. L’art dégringole, sous prétexte de non élitisme ou je ne sais quoi. Cherche-t-on à nous faire admettre que l’art n’est pas si haut que cela, que l’artiste n’est pas forcément admirable ni respectable, qu’une oeuvre mauvaise et amatrice possède toutes les qualité à partir du moment où elle exprime quelque chose?… Mais c’est quoi, ça? Je dis cela car l’exposition du canadien Rodney Graham a elle aussi cette idée en demi-teinte. Le titre est « You should be an artist », vous devriez être un artiste. Ben voyons!]
Si je me calme, je vous décris un deux mots le travail de cet artiste! De très grandes photos, installées en diptyques ou triptyques dans des caissons lumineux (l’éclairage vient de l’arrière et m’a fait penser aux diapos de ma jeunesse). L’artiste ne prend pas la photo, mais il fait la mise en scène. Scrupuleuse, détaillée (reconstitution exacte d’un environnement des années 60, par exemple). Il s’agit de portraits. Un hippie, un réalisateur de cinéma, un gardien de phare, un artiste amateur, un artiste raté… Rodney Graham, déguisé, grimé, incarne chacun de ces personnages imaginaires. Et il présente parfois, quand il s’agit d’artistes, à coté de la photo, des oeuvres concrètes, réalisées par lui-même, du même acabit que celles vues ou devinées sur l’image. Il endosse donc l’identité de ses personnages jusqu’au bout. (A savoir, ces peintures ou volumes sont de médiocre qualité artistique.)
Impression d’ensemble? Un réalisme extrême, augmenté encore par la forte lumière arrière. Les décors sont à la fois justes et faux. Vrais et artificiels. Volontairement emblématiques. C’est raide et propre comme les photos anciennes qui n’avaient aucune vie ni aucune spontanéité. Mais c’est fait exprès! Ce jeu du faux-vrai est intéressant. Et puis du kitch, des clichés… Et des traits d’humour, également, qui font du bien au regardant (la jolie caméra bleue du XVIIIème siècle!). Le fait que l’auteur se mette lui-même dans la peau de chacune de ses créatures m’a interpellé également. Ces avatars sont ambigus. D’ailleurs, l’oeuvre flotte dans une ambiguïté permanente: passé-présent, réel-irréel, sérieux-loufoque, beau-moche, voulu-involontaire etc. Que croire? Qui croire? La vidéo « Lobbing Potatoes at a gong » est dans la lignée du reste de l’expo. En tout cas, le travail de Rodney Graham questionne l’art, c’est sûr. Mais je refuse d’acquiescer à « you should be an artist »!!!
Avec David Hominal, autre problématique. Cette fois c’est un peintre qui expose. Mais son rapport à la peinture semble complexe.