Argument
L'impérieuse nécessité de la liberté et de la création, ont nécessairement partie liée avec l'expression dont l'histoire est consubstantielle à celle de la psychiatrie. La problématique de l'expression occupe d'ailleurs une place majeure dans notre discipline depuis les années 1970. Dans le sillage de la psychothérapie institutionnelle, elle a pris tout son élan d'être aussi une nouvelle manière de vivre le lien entre l'institution psychiatrique, le champ social et la dimension culturelle. Les ateliers d'expression, que Jean Oury appelait « praticables », proposent des « sites » ou des « scènes » où peuvent apparaitre et se développer de véritables partitions, ouvertes sur l'espace psychique interne, véritable lieu entre le corporel et la réalisation symbolique, entre l'énergie et la représentation. « Est-ce que la frontière entre « normalité » et pathologie a une valeur quelconque dans le domaine esthétique ? » Plutôt que de prétendre cerner les différences entre les « normaux » et les « malades mentaux », il faut essayer de saisir ce qui est en question dans la fabrication de « quelque chose ». J.Oury n'affirmait-il pas : « création et schizophrénie, c'est la même chose ».
D'ailleurs, lorsque la pensée psychotique n'est pas une coquille vide ou une ritournelle, les grands délires, qu'ils soient paranoïaques ou schizophréniques, peuvent présenter un caractère « plein » ou « comblant », pour reprendre les termes de Jacques Lacan dans le séminaire qu'il a consacré aux psychoses. Ce caractère pouvant procurer une jouissance extasiée, parfois érotisée comme en témoigne l'écrit célèbre du président Schreber.
Jacques Derrida évoquait, à propos d'Artaud, « cette démiurgie manuelle à la fois agressive et réparatrice, meurtrière et amoureuse ».
Parviz DENIS