C'était un froid dimanche de janvier. Le genre de jour où tout est ralenti. Pas un jour rêvé pour attirer du monde aux urnes, qui plus est pour les primaires de la gauche, en plein hiver quinquennal de François Hollande. Lui-même y a porté un intérêt tout relatif, le minimum syndical même. On ne peut que comprendre sa lassitude à l'égard de ceux qui lui portent tous les coups possibles alors même qu'ils furent ses collaborateurs. On disait que la "Belle Alliance Populaire" (peut-être le nom le plus faux qu'ils aient pu trouver) allaient subir sa propre primaire, victime du succès de celle de la Droite et du Centre. On ne s'est pas tout à fait trompés même si encore une fois, une surprise s'est dessinée.
C'est d'ailleurs peut-être inhérent même au système des primaires : il semblerait que les français (tout du moins ceux qui votent à ces primaires) aiment redistribuer les cartes, faire mentir les sondages, et surtout virer ceux qu'ils ne souhaitent plus voir. A ce petit jeu là, Fillon avait déjà fait très fort en novembre dernier. Benoît Hamon n'est ce soir pas en reste en sortant en tête de manière éclatante à ce premier tour. Essayons de comprendre les premiers résultats qui nous parviennent et les conséquences qu'ils pourraient avoir.
Benoît Hamon : une surprise ?
Probablement le plus à gauche des candidats à cette primaire, Benoît Hamon ne semblait pas être favori au début de la primaire. Avec 35 pour cent ce soir (selon les premières estimations), il est donc la surprise de ce premier tour. Mais il nous semble que celle-ci est moins grande que celle de François Fillon en novembre dernier. Car le jeune candidat est monté en puissance pendant tout le long de la campagne et que les médias ont mieux pris en compte le paramètre "surprise" après la primaire de la Droite et du Centre. Benoît Hamon est donc rentré dans un trio de tête au fur et à mesure d'une campagne rapide dans laquelle il devenait même le centre de toutes les attentions lors du dernier débat télévisé. Si Benoît Hamon sort en tête ce soir, au détriment d'Arnaud Montebourg, ce n'est pas un hasard. Il est probablement celui qui était le moins associé au bilan du dernier quinquennat. Par ailleurs, il incarne parfaitement une tendance encore très présente au Parti Socialiste et sa base militante : une gauche très sociale, se saisissant également des thématiques progressistes de pointe (droits des minorités, écologie politique) sur un fond européiste assumé (il a rappelé à l'ordre Montebourg sur ce point). Il incarne aussi un certain renouveau (49 ans) et certaines propositions le relient à un utopisme ancré dans l'histoire de la gauche et du socialisme. En résumé, si Benoît Hamon est une surprise, elle était relativement prévisible. Sa dynamique et son message (faisant le pont entre l'ancienne gauche et une gauche moderne) lui ont profité.
Manuel Valls : une valeur sûre
Il était probablement le plus soutenu par les cadres de son camp. Si sa participation au gouvernement pendant les 5 dernières années lui assurait l'animosité de nombreuses personnes de gauche, elle lui a assuré aussi un solide réseau et les moyens de rester dans la course jusqu'à dimanche prochain malgré tout. Mais la première place qui se dessinait au départ s'est transformée en seconde place avec environ 31 pour cent des voix. Un score prévisible qui lui permet d'être moins battu que ne l'était Juppé lors de la primaire de novembre. La semaine qui s'annonce sera toutefois probablement insuffisante pour éviter une défaite qui se précise. Il s'avère donc qu'être ministre de l'Intérieur ne suffit pas toujours pour percer...Montebourg : la grande désillusion
Le grand battu du soir est là : Arnaud Montebourg. Déjà troisième homme un soir de 2011, cette année semblait être la sienne. Représentant aussi l'aile gauche du Parti Socialiste, il se différenciait pour autant de Benoît Hamon avec ses propositions plus eurosceptiques et sa défense d'un patriotisme économique, quand son alter-égo dénonce plus les robots. Il doit pourtant se contenter d'un peu moins de 18 pour cent, une vrai claque quand celui-ci était souvent placé dans un trio de tête qui s'annonçait serré. Sa désillusion est donc grande alors même qu'il avait préparé cela de longue date : départ du gouvernement en 2014, livres, emploi dans le privé, puis retour. Force est de constater que c'est raté. Il a toutefois très rapidement déclaré qu'il soutenait Benoît Hamon, peut-être pas par amour pour son concurrent, mais plutôt par raison et cohérence : Tout Sauf Valls ! Il assure donc à Benoît Hamon un report de voix qui sera probablement décisif dimanche prochain.
Pour les autres, il n'y a pas eu de match
Comme pour la primaire ouverte de novembre dernier, les candidats suivants n'ont eu que des miettes à se partager. C'est la dure loi des primaires : les candidats sont nombreux, mais au final, cela se termine par un face à face, en témoignent les américains, experts en la matière. Nous ferons quelques brèves remarques à leur sujet avant de conclure.-Vincent Peillon ne pouvait espérer mieux que ses 6 pour cent. Candidat central dans le PS, il s'est toutefois déclaré bien trop tard. Sorti d'une "retraite" récente dédiée à ses écrits, il n'a pu relancer de machine et son message comme sa personnalité ne touchent pas les milieux les plus populaires. Par ailleurs, il a mené une campagne désastreuse, presque improvisée : un QG trouvé tardivement, un seul meeting, des déclarations stupides sur l'Occupation : sa campagne sonne clairement faux. Avait-il pour tâche de torpiller Valls ? C'est possible. Toujours est-il qu'il ne soutient personne pour le second tour.-François de Rugy obtient environ 3 pour cent. Ce score rend hommage à son sérieux, sa cohérence lors des débats, et certaines propositions pertinentes. Il manque toutefois cruellement de notoriété. Le futur écologiste qui compte à gauche ? A surveiller... -Sylvia Pinel est à environ 2 pour cent. Peu audible, timide et réservée lors des débats, elle n'a pas vraiment pesé. Le vieux fond de commerce des Radicaux de Gauche lui a évité la dernière place. -Jean Luc Benhamias semble à sa place avec 1 pour cent. Très peu connu, peu à l'aise lors des débats, il apparaissait comme le moins présidentiable de tous.
Rendez-vous dimanche prochain
Si ce dimanche fut longtemps gelé, languissant, timide, il s'est réveillé ce soir pour nous livrer son verdict, apaisé et sûr de lui. Bien que Manuel Valls ne soit pas irrémédiablement lâché, il semble que Benoît Hamon soit en position de l'emporter, à moins qu'une sorte de peur de gagner ne l'envahisse et ne le fasse perdre sur le fil. Peu probable si l'on se souvient des réserves d'Arnaud qui devraient lui revenir en priorité.Un candidat étonnant et rafraîchissent pour certain, mais irrémédiablement "petit" : peu charismatique voire presque doux rêveur sur certaines propositions. On ne peut que le féliciter de ce premier tour et de la victoire qui s'annonce pour lui qui sera une belle prouesse. Mais avec seulement 1,9 millions de participants (700 000 de moins qu'en 2011), la "Belle Alliance Populaire" s'est s'en doute trouvée le meilleur candidat... pour perdre. Annonçant ainsi le chant du cygne du PS et la recomposition de la gauche.
Vin DEX