Paris:Four Seasons George V, fleuri par Jeff Leatham
Le monde des hôtels de luxe fait rêver même les plus blasés. Une fois passées les imposantes portes, les bruits de la rue s’estompent, on pénètre dans un univers souvent hors du commun, un lieu à la fois clos et ouvert sur le monde, cosmopolite !J’aime y observer le manège des clients et du personnel, dans les lobbies, ces écrins de designers qui rivalisent de bouquets de fleurs spectaculaires ou de sculptures étonnantes. Pour moi, le hall d’un hôtel est une scène de théâtre, chaque nouvel arrivant semble endosser un rôle, plus ou moins consciemment : il y a ceux qui redressent la tête, et les timides qui la baissent en pressant le pas. Avant, on « descendait » dans un palace , expression surannée qui laisse bien imaginer le décorum qui entourait une arrivée à Hyères, première station balnéaire de la Côte d’Azur, ou sur les rivages des lacs italiens et suisses, les Berlines, l’amoncellement de malles siglées, le tourisme sans réservations en ligne ni Tripadvisor.
Aujourd’hui la technologie nous accueille dès la réception : des systèmes informatiques sophistiqués nous reconnaissent et gardent en mémoire nos vins préférés et notre journal du matin. Dans les chambres,on trouve, de plus en plus souvent, des tablettes digitales régissant à la fois les éclairages, les rideaux, mais aussi le service en chambre - il suffit de choisir ce que l’on veut manger et à quelle heure, en quelques pressions de l’index – ainsi que de nombreux services à l’intérieur comme à l’extérieur de l’hôtel.
Ce ne sont pourtant pas les prouesses technologiques que je retiens le plus de ces séjours, mais, par exemple, ce plan de Séoul marqué de traits de feutres multicolores et de post it, que m’avait préparé spécialement la jeune concierge de mon hôtel. Je garde les sourires, les regards – on enseigne dans les écoles hôtelières l’importance de regarder son interlocuteur dans les yeux -, les bonjours de chaque employé croisé au détour d’un couloir, la courtoisie partout présente. C’est surtout cela qui fait que l’on se sent bien lorsque l’on ressort d’un tel environnement, encore chargé de ces ondes positives.
Le vrai luxe, ne serait-il pas, avant tout, cette chaleur humaine qui passe d’abord par le sourire, la distance la plus courte entre les gens, pour reprendre ce vieux slogan génial d’Austrian Airlines ? Et surtout cette attention envers l’autre, ce portier qui remarque ma toux et qui revient avec non seulement ma valise mais aussi une petite bouteille d’eau ?
Une écoute attentive, n’a pas besoin du cadre exclusif d’un palace pour réchauffer les cœurs. Ce luxe est gratuit, nous ne devrions jamais nous en priver et l’offrir sans compter à nos proches, et aussi aux autres; sur le trottoir, en souriant à un SDF qui demande autant – voire plus - notre considération que nos quelques euros. Croiser les regards de ceux qui n’ont aucun endroit où « descendre », leur parler. Hélas, nous ne pouvons pas prendre sous notre aile chaque famille qui grelotte sur les trottoirs glacés de nos villes: la tâche est immense, collective ! Mais à titre individuel, nous avons tous cette capacité de regarder l’être, au-delà du paraître, d’offrir la considération qui va droit au coeur et d’oublier un peu la technologie, en levant les yeux de nos portables pour voir ceux qui nous entourent. Nous en serons nous-mêmes gratifiés.