Roman - 100 pages
Editions Actes Sud - janvier 2013
C'est un texte court, inspiré, porté par une musique, une poésie, une élévation presque mystique que justifie le besoin de transcender les douleurs et les horreurs. Réalité ou fiction, fiction et réalité, rien n'est maladroitement affirmé. Les récits s'entrecroise, on gravite autour, dans, et en dessous d'un bâtiment de pierre dont les murs écrasent. On n'a pas d'identité, on a un regard qui n'est pas le sien, on fait naître des paroles insaisissables parfois.
A l'heure où la Turquie bascule vers une nouvelle dictature, à l'heure où l'intellectuelle-auteure Asli Erdogan, libérée fin décembre 2016, reste poursuivie, la forme littéraire du roman ou de l'essai poétique donne un éclairage alternatif, une évocation distancée mais marquante, d'une situation d'enfer politique.
Extrait :"Au prix d'efforts surhumains, ils semblaient marcher sur du verre brisé, une douleur insupportable déformait leurs visages encore enfantins, courbait leur dos et s'insinuait dans chaque cellule de leurs membres. Traces couleur plâtre, couleur cendre, rouge intense et bleu laissées par les coups, le silence et le froid. Ils n'avaient plus la force de faire un seul pas. Dans les cellules sans fenêtre, dans les caves où n'entre jamais la lumière du jour, entre les murs témoins de leurs cris, ils s'étaient retirés parmi les ombres. Au septième sous-sol. Ils étaient apparus, silhouettes silencieuses, sculptées dans les ténèbres au sein de l'invisible."
Tout n'est pas compréhensible. Cela importe peu. La puissance des mots, leur nécessité, se ressent évidemment. Il ne fait aucun doute qu'Asli Erdogan vibre par les mots, qu'ils s'échappent d'elle en une lancinante et tranchante musique. Interview d'Asli Erdogan - France24Dans le bâtiment de pierre - Au nom de mes nuances