Cimetières durables et obsèques écologiques : une tendance d’avenir ?

Publié le 21 janvier 2017 par Daniel Leprecheur

De quoi s’agit-il exactement ? Quels principes régissent ces lieux dédiés aux morts ? A quels besoins répondent-ils ?

Le cimetière : une zone polluée

On n’y pense pas immédiatement mais les lieux d’inhumation sont des sources de pollution à plusieurs titres.

  • Les caveaux sont bétonnés et cimentés, étanchéisés avec des joints, autant de substances relativement nocives pour l’environnement.
  • Les tombes sont généralement creusées mécaniquement, ce qui induit l’utilisation d’essence et d’électricité, des énergies non renouvelables.
  • Quant aux monuments funéraires, ils sont construits en pierre, en marbre ou en granit, extraits de carrières surexploitées ; une fois les concessions arrivées à terme, ces édifications sont obsolètes, et finissent très souvent à la casse.

Ajoutons que l’ouverture du marché mondial a propulsé sur le devant de la scène des produits venus de Chine, certes moins chers mais beaucoup moins qualitatifs dans leur fabrication et dont le transport impacte l’empreinte carbone.

  • Les corps subissent des soins de préparation & de conservations où interviennent des produits très corrosifs (type formol), qui s’infiltrent dans les sols via le processus de décomposition.
  • Les tissus des habits et des suaires qui recouvrent la dépouille ne sont pas biodégradables.
  • De même les cercueils sont colmatés avec du plomb, recouverts de vernis, équipés de poignées et d’ornementations en métal, les tissus de capitonnage sont souvent synthétiques.
  • Les urnes impliquent la même problématique, étant façonnées pour la plupart en métal ou en  minéral.
  • L’entretien des espaces verts implique l’emploi de pesticides et autres engrais chimiques, qui contaminent l’humus.

Cimetières naturels et directives strictes

Les terrains communs naturels ont été conçus pour répondre à cette problématique pour le moins inquiétante.

  • Ils se présentent comme de grandes prairies, des espaces où la végétation pousse de manière naturelle.
  • On n’y trouve pas de tombes ni de monuments, juste des dalles de taille réduite signalant l’existence d’une sépulture.
  • Les excavations y sont pratiquées à la main, de même les convois sont à pied, les familles portant le corps jusqu’à leur dernière demeure.
  • On ne trouve aucun caveau, les dépouilles ainsi que les cendres sont placées à même la terre, dans des réceptacles, cercueils, urnes ou capsules biodégradables (osier, bois brut, carton…).
  • Les soins de thanatopraxie sont interdits, les étoffes revêtant le cadavre doivent être en fibres naturelles type coton non traité.
  • Les fleurs synthétiques n’ont pas lieu d’être dans cette superficie (certains cimetières interdisent même le recours aux plantes issues de la culture intensive).
  • L’entretien des végétaux se fait sans utiliser de produits chimiques, avec des méthodes naturelles.
  • Le mobilier et les équipements sont réduits et fabriqués de manière écologique.

Ces directives font très souvent l’objet d’une charte précise ; les personnes qui décident d’être inhumées dans ces lieux tout comme les familles ayant conclu une concession doivent s’engager à les respecter.

Une nouvelle approche de la mort

Une tombe au cimetière de Prairie Creeks (Floride – États-Unis) Crédit – conservationburialinc.org

Même s’ils tranchent avec la tradition et les us en vigueur jusqu’à présent, les cimetières naturels se multiplient ainsi doucement mais sûrement car ils présentent plusieurs avantages non négligeables aussi bien pour les collectivités que pour les particuliers.

Ce type de cimetière ainsi que les « green burials » ou enterrements écologiques sont très implantés aux USA avec plus d’une trentaine d’espaces dédiés dont le célèbre Prairie Creeks de Floride (voir photo ci-dessus) ainsi que plusieurs collectifs visant à les promouvoir et informer la population.

En Angleterre on dénombre 270 structures du même genre dont la première voit le jour en 1993. Ces institutions connaissent une véritable embellie en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas, en Scandinavie.

Le concept se développe doucement en France avec le premier espace du genre inauguré à Niort en 2014.

Cimetière naturel de Niort – Crédit : Bureau d’études paysage Urbain Ville de Niort

Les règles de fonctionnement coïncident avec les législations bientôt en vigueur dans l’Hexagone qui interdisent l’emploi de produits nocifs pour entretenir les espaces publics.

Les municipalités sont très intéressées par cette nouvelle formule qui économiserait les coûts de fonctionnement. Aussi la mairie de Niort est-elle régulièrement sollicitée par d’autres communes pour s’informer sur une éventuelle mutation.

Le cimetière écologique va dans le sens des conseils de Natureparif, l’agence régionale pour la nature et la biodiversité en Île-de-France, mais dont les recommandations inspirent d’autres institutions sur le territoire.

Etant considéré comme zone non constructible, le cimetière naturel présente l’avantage de pouvoir progressivement être reconnu comme réserve naturelle protégeant la faune et la flore.

Pour ce qui concerne les familles, il est évident que ce choix représente une économie conséquente, ce type de cérémonial, chiffré entre 1500 et 2500 euros, étant allégé de la dépense d’un caveau, d’une tombe et d’un cercueil onéreux. Quant aux concessions, elles sont négociées sur des durées de 15 à 30 ans ce qui réduit les dépenses.

Le rituel est beaucoup plus flexible, les proches peuvent s’impliquer davantage.