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Gabrielle Rubin: si on parlait de l'interdit

Publié le 20 janvier 2017 par Podcastjournal @Podcast_Journal
Rédacteurs et stagiaires: cliquez sur cette barre pour vous connecter en back-office de la rédaction! Recherche par tags (mots-clés) Recherche d'évènements (agenda) Quand on questionne Gabrielle Rubin sur ses motivations pour écrire sur l'interdit, cette dernière répond en évoquant mai '68. De là à imaginer que l'étudiante de l'époque ait d'emblée été fascinée par l'interdit qui lui était fixé s’intéressant alors tout particulièrement à la notion d'interdiction, il n'y a qu'un pas.

En préambule, la psychanalyste nous rappelle ainsi le credo de l'époque: il est "interdit d'interdire". C'est dans ce contexte que Gabrielle Rubin estime avoir "commencé à comprendre vraiment l'importance de l'interdit".
Elle nous livre ainsi l'anecdote suivante:
"Les rédacteurs du journal étudiant de mon Université ayant décidé de publier tous les articles qui leur seraient soumis, j'ai pris sur moi de leur dire que si tel était le cas, je leur enverrai chaque jour dix articles "les bonnes recettes de la cousine Douille" qu'ils s'engageaient à publier. Ce fut la douche froide, mais hélas faire autrement aurait causé la fin du journal".
Cette anecdote illustre la confrontation entre certaines théories pleines de bonnes intentions et la pratique, plus terre à terre, certains parlent de bon sens.
Pour conclure avec son anecdote, Gabrielle Rubin rappelle que "l'interdit se confond vite avec le mal, c'est la barrière qui nous protège de notre propre destructivité".

Si l'interdit est un rempart contre la destructivité, il aide les individus à construire leur intériorité puis à se construire au sein d'un collectif. Les écrits de Gabrielle Rubin explorent les interdits pour ce qu'ils apportent aux individus et non pour leur fonction sociale.

Dans son livre, initialement intitulé "Éloge de l'interdit, Interdit créateur et Interdit castrateur", l'auteure explore pour nous cet interdit qui a mauvaise presse de nos jours. Loin de cette transparence, "valeur sûre" de nos "temps modernes", elle met en avant la nécessité du mystère, de l'alcôve, donc de l'interdit. Republié en 2015 aux éditions Eyrolles, son livre se nomme maintenant: "Pourquoi l'interdit rend nos enfants intelligents".

Un titre plus accessible, dans l'air du temps, un changement de forme pour un livre dont le fond ne s'est pas modifié, le message reste le même. L'auteure évoque les interdits au travers de leur "contribution au progrès et à l'épanouissement de notre psychisme, lorsqu'ils sont judicieusement employés, et pour les souffrances dont ils sont responsables quand ils sont pervertis".(in text)
Pour Gabrielle Rubin, "l'interdit est à l'origine de l'humanisation par l'émergence de la pensée et de la créativité"(sublimation-fantasme).
Si les interdits structurent, ils doivent être interrogés périodiquement sur leur validité écrit l'auteure, car, s'ils deviennent inopérants voire nuisibles, il est peut-être temps d'en changer".

C'est ainsi que les sociétés, lentes dans leur évolution, sont cycliquement rattrapées par les jeunes générations. Cet état de fait n'a rien de neuf. Lorsque les interdits obsolètes s'accrochent à la vie, des révolutions achèvent parfois la mutation en cours, l'accélérant brutalement. Le carcan d'interdit explose alors, laissant place à un torrent de créativité, puis les flots se calment. Les jeunes vieillissent et ralentissent, de nouvelles routines se mettent en place. Un nouveau cycle est né, avec ses rituels, ses interdits, il tiendra un temps, jusqu'à la prochaine mutation.

L'intérêt de ce livre, surprenant par son actualité, réside dans le fait qu'il ne "zappe" rien. Il aborde chaque facette de l'interdit, n'oubliant pas de le lier à la fonction paternelle, à la loi. Loin de plaider pour un retour au patriarcat, Gabrielle Rubin nous incite à envisager un point d'équilibre entre image paternelle et image maternelle telles qu'un enfant a besoin, de les fantasmer, de se les représenter afin de se construire. Dans son livre, l'auteure envisage que le mouvement de rejet du patriarcat, compréhensible et nécessaire compte tenu des abus d'autorité antérieurs, débuté en fin de seconde guerre mondiale ait entraîné un refus des interdits (Mai 68) alors que ceux-ci auraient pu évoluer. Idée captivante puisque l'évolution sociétale ramène maintenant les interdits sur le devant de la scène.

Gabrielle Rubin évoque les aspects positifs de l'interdit sans effacer leur côté noir. Celui qui, inapproprié, supprime l'accès au bonheur des individus, "les jeux de l'esprit"confinant les êtres à la "régression" comme dans une société Orwellienne.
Difficile de parler de réparer, d'évoluer dans une société qui ne pense qu'à consommer et à changer ce qui ne lui convient pas. A l'époque de l'obsolescence programmée, il est peut-être temps de s'interroger, justement, sur notre manière d'être au monde et, sur ce que nous souhaitons en transmettre aux générations suivantes.
Ce que nous sommes, en tant qu'individu, qu'être social interroge nos capacités d'évolution en dehors de l'assimilation ou du rejet. La manière dont chacun de nous s'est structuré, les représentations qui sont les siennes participent, qu'on le veuille ou non, à ce qu'il va transmettre aux autres, particulièrement à sa descendance.

Pour mettre cette idée en pratique, je vous propose de regarder la vidéo ci-dessus (publiée par une ONG le 18 décembre 2015).

Cette vidéo, "Mon cher papa", réalisée pour marquer les esprits afin d'entraîner une évolution des consciences est loin d'enlever aux pères (ou aux personnes investies de la fonction paternelle), leur rôle d'éducation, de protection, de juste autorité. Elle se contente d'apporter un peu de contexte. Un bébé, qui va naître fille, parle à son futur père, et évoque son parcours à venir d'adolescente, puis de femme.
Il n'est pas question de bleu ou de rose bonbon dans cette vidéo, on y parle de plaisanterie salace, d'insultes, de harcèlement, de culture du viol puis de viol, et, finalement, de ce mari, tellement parfait qui le devient moins lorsqu'il frappe ce bébé devenu femme.
Cette vidéo évoque les réactions d'un père, ce père qui ne réagit pas, parce qu'il fut un garçon de 14 ans, de 16 ans, qu'il a parfois fait pareil et que ce n'était pas si grave, n'est ce pas? Alors, il ne réalise pas, ne voit pas les choses venir.

Son bébé à naître lui demande de modifier cette spirale dès son point de départ, car une chose en entraînant une autre, il peut éviter que le pire des dangers soit, pour son bébé, d'être né fille. Elle lui demande d'apprendre le respect à ses frères, de ne plus rire des blagues salaces de ses amis parce que les mots laissent des traces et les blagues reflètent un peu nos pensées.

Les pères ont ainsi un rôle important à jouer, tout comme les mères, pour accompagner les générations futures. Pour ce faire, ils devront évoluer, questionner les interdits et permissivités qui les ont structurés, les évaluer et envisager que certaines de leurs représentations, de leurs identifications (passées et actuelles) doivent se modifier. De cette manière, les consciences pourront peut-être évoluer en faveur des bébés qui naissent fille.


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