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Une Quête Ratée #4

Par Artemissia Gold @SongeD1NuitDete

Me voilà de retour, pour vous jouer un mauvais tour ! Ce soir, au programme, une discussion épique entre le roi des elfes et Cerise notre petite humaine intrépide !


Une Quête Ratée #4

4

La Femme Qui Venait d’Ailleurs


Cerise


Je sentis quelqu’un me secouer brutalement, ce qui me réveilla en sursaut. Je me rendis compte que j’étais affalée à même le sol. J’ouvris les yeux pour voir qui avait osé me réveiller de la sorte quand je croisais le regard du capitaine de la garde, Finlenn je crois.

— Levez-vous, l’humaine, vous vous êtes assez reposée comme cela, le Seigneur vous réclame immédiatement.

C’était une mauvaise blague ? J’étais encore trop dans le coltard pour protester ou jeter une remarque sarcastique et pourtant, Dieu sait que ça me démangeait. Non mais franchement, comme si passer autant de temps dans un cachot pouvait être reposant… Il m’avait bien regardée ? Je n’avais qu’une envie présentement, c’était de …

— Excusez-moi, mais est-ce qu’avant je peux aller au petit-coin ? demandais-je le plus aimablement possible.

Je crois que j’avais décidé de retenir la leçon d’hier et d’écouter par la même occasion les sages conseils de Liamarë. Finlenn me regarda sans comprendre. Pffff, ils ne connaissaient pas les métaphores et autre figures de style par ici ?! C’était bien ma veine.

— J’aimerais soulager ma vessie, dis-je un peu plus précipitamment, parce que ça commençait à urger.

— Je vois, répondit-il, ennuyé.

Il me prit par le bras pour me relever sans douceur. Argh ! Que ça faisait mal ! J’avais des courbatures partout. Finlenn m’emmena au même endroit que la veille et, encore une fois je décidai que la chaise percée n’était pas pour moi, je partis donc arroser les fleurs.

Pendant que je remontais mon sous-vêtement, je me pris à penser à toutes ces fanfictions que j’avais lues et dans lesquelles les besoins primaires des êtres humains n’étaient jamais évoqués ou si peu. Non, sans déconner, c’est sur que c’était bien moins glamour… Je voyais bien l’héroïne au moment fatidique où le blond Legolas lui faisait part de son amour immortel, lui demander de but en blanc : « Chéri où sont les toilettes ici ? J’ai envie de faire la grosse commission et c’est très urgent. ».

C’est vrai ça… Nous autres humains avons ce genre de besoins… Une idée idiote vint alors parasiter mon cerveau un peu malade. Et si les elfes n’étaient pas comme nous à ce niveau là ? Je secouai la tête. N’importe quoi, Cerise, et pourquoi ne voudrais-tu pas non plus qu’ils fassent pipi du parfum Chanel et qu’ils chient des fleurs pendant que tu y es ?! Non mais vraiment, parfois, j’avais de ces idées tordues.

Nos pas nous menèrent droit vers une impressionnante porte aux motifs plus que compliqués devant laquelle nous nous arrêtâmes. Finlenn frappa à cette dernière, sans doute impatient de terminer son ennuyeuse mission, c’est à dire m’emmener auprès de son Seigneur et Maître. Mandieu, j’allais revoir Thranduil et… étrangement j’en étais impatiente et… ennuyée. Non que j’eus vraiment envie de le revoir après ce qu’il s’était passé la veille, mais je ne voyais pas pourquoi il voulait que je joue à la bonne à tout faire pour lui. J’étais certaine qu’il avait déjà assez de serviteurs pour ne pas s’encombrer d’une fille, en l’occurrence moi, qui n’avait jamais fait ça de sa vie.

Le trajet jusqu’aux appartements de sa si sérénissime majesté s’était déroulé dans le silence le plus total. Finlenn refusait de m’adresser la parole plus que nécessaire et j’étais toujours dans le vague. Presque deux jours sans caféine, je ne tiendrais jamais le coup ! Il me fallait ma dose de café, là maintenant tout de suite. Je décidais toutefois de museler mes envies folles furieuses pour me recentrer sur la façon dont j’allais me comporter avec le roi Thranduil.

Une fois que nous pénétrâmes dans ce qui était le bureau du roi, Finlenn m’abandonna à mon triste sort d’une simple courbette. Thranduil, quant à lui, me tournait – comme à son habitude depuis que je le connaissais – le dos. Aujourd’hui, il avait revêtu un manteau d’intérieur – à ce que je devinais – rouge sombre qui lui descendait jusqu’aux chevilles. Il n’avait pas de couronne sur la tête. Je compris qu’il ne devait pas être encore apprêté de façon « officielle » , enfin je le devinais parce que après tout, je n’y connaissais pas grand-chose non plus. Mais une chose me choqua : la longueur de ses cheveux. Ils étaient bien plus long que dans le film, ils tombaient en une cascade, blond presque argenté, jusqu’au niveau des fesses. Je connais des filles qui auraient tué pour avoir une chevelure pareille.

Ayant retenu la leçon d’hier, j’attendis que le monsieur décide de se retourner pour m’adresser la parole. Il mit un temps fou à le faire et je faillis perdre patience, à tel point que je dus faire des efforts pour me rappeler que j’étais loin d’être dans mon élément. Il fallait que je me maîtrise un peu.

Quand il fut devant moi, je m’aperçus alors que se trouvait derrière lui mon… sac !

— Avant de vous poser d’autres questions Mademoiselle, j’aimerais que vous répondiez avec franchise : Cerise est-il votre véritable prénom ?

Heu… pas ici non plus. À chaque fois que je donnais mon prénom on pensait à coup sûr que je me fichais de la tête des gens.

— Malheureusement oui, je m’appelle bien Cerise.

Il eut un hochement de tête avant de prendre mon sac et de le poser sur une table qui se trouvait non loin de lui. Il me fit signe d’approcher.

Je dus me museler la bouche pour ne pas hurler. De quel droit avait-il osé toucher à mes affaires ?! Avisant derrière lui, je vis qu’il avait sorti diverses choses et je crus que mon cœur allait défaillir… Je vis avec certitude « Petit Grey » posé sur une sorte de desserte un peu plus en retrait. Cette fois c’est bon, je crois que je vais vraiment mourir de honte.

J’eus la certitude que de la vapeur devait sortir de mes oreilles tellement mon visage me chauffait. Thranduil quant à lui, m’observait comme si une deuxième tête était en train de me sortir du cou.

— Très bien, reprit-il, inconscient des sentiments qui m’habitaient. Il sortit alors mon Smartphone du sac ainsi que ma tablette puis mon Ipod, mes livres, et tout ce qui pouvait se trouver dedans encore. Il prit dans ses mains le Smartphone et le regarda sous tous les angles. Je pouvais lire toute la curiosité que représentait cet objet à ses yeux.

— Qu’est-ce que c’est que ceci ? me questionna-t-il réellement intrigué.

— C’est mon Smartphone, répondis-je d’une petite voix tremblante.

— Votre quoi ?

Il commença à la secouer dans tous les sens.

— Attendez, dis-je en m’approchant doucement de lui et en tendant la main pour le récupérer. — Puis-je ? demandais-je, le cœur battant. Pourvu qu’il ne l’ait pas cassé ! Il y avait toute ma vie dans ce bout de ferraille et de disque dur.

Il me fit un signe de tête positif alors je m’empressai de le récupérer et passai derrière la table pour me mettre à ses côtés et lui montrer comment ça marchait. Je l’avais rechargé avant de partir du boulot donc la batterie était encore pleine. Je me dépêchai de l’allumer et j’eus envie de rire devant l’expression médusé du roi qui regardait mon précieux comme s’il s’était agi de la plus grande des magies. Une fois que l’écran d’affichage fut allumé, je vis que je n’avais pas de réseau. Non sans déconner, ils n’ont pas encore la 4G en Terre du Milieu ?

— Et cette chose sert à quoi exactement ? me demanda-t-il d’un ton circonspect.

Je me tournai vers lui et ne pus m’empêcher de déglutir. Il était vraiment très proche de moi et c’est alors que je sentis comme une sorte de parfum émanant de son cou. Il sentait un peu comme le chèvrefeuille avec une pointe un peu plus acidulée. Je le humais discrètement. C’est qu’il sentait divinement bon ! C’était bien ma veine, tiens.

— Cette chose, c’est un téléphone et ça sert à appeler les gens quand on veut leur parler sans pouvoir être à côté d’eux, lui dis-je, ma voix tremblant toujours autant, mais plus pour les mêmes raisons.

Il fronça les sourcils.

— Montrez-moi, ordonna-t-il plus curieux que jamais.

— C’est que j’aurais bien aimé, mais vous ne captez pas en Terre du Milieu.

— Nous ne captons pas ? répéta-t-il, intrigué.

J’avais envie de soupirer. Comment expliquer à quelqu’un qui ne connaissait rien à la technologie ce qu’était… la technologie, justement ? Au secours !

— Non, vous ne captez pas parce que vous n’avez pas de réseaux. Ce sont des machines reliées à des antennes qui servent à transmettre les ondes envoyées par les portables.

Je voyais qu’il semblait perdu et cela dit, moi aussi donc je préférais clore le sujet tout de suite.

— Impossible d’appeler ici en fait. Ce téléphone ne servira pas à grand-chose de plus.

Loin d’être satisfait Thranduil me désigna alors ma tablette.

— Et cela ? demanda-t-il.

— Une tablette tactile, déclarai-je fière de moi, c’est mon nouveau bébé rien qu’à moi soupirai-je en caressant amoureusement les rebords de ma Galaxy Tab 3.

Thranduil semblait encore plus intrigué par ma réaction que par ledit objet.

— Votre bébé ?

Il lui lança un coup d’œil étonné.

— Oui, dis-je. J’allumai alors la tablette et une fois que mon fond d’écran fut visible, j’émis un petit ricanement proche de l’hystérie. Dessus, on pouvait voir Tom Hiddleston en Loki plus beau que jamais. J’avais eu ma période Thor et The Avengers, il y a quelques mois et Loki me faisait toujours de l’effet… même perdue en pleine Terre du Milieu avec un Thranduil à mon côté, plus dépassé que jamais. D’un coup de doigt, j’ouvris une application au hasard. Il s’agissait du dernier jeu à la mode : Candy Crush Saga… Malheureusement n’ayant pas de réseaux, je pouvais toujours me brosser pour pouvoir y jouer via mon profil Facebook. Déçue, je la fermai dans un soupir contrit.

— Désolée, mais je ne vais pas pouvoir vous faire la moindre démonstration ici car vous n’avez pas internet.

Je vis Thranduil se redresser et croiser ses mains derrière son dos.

— Internet ?

Ah non, je n’étais pas sortie de l’auberge s’il fallait en plus que je lui définisse ce qu’était le net.

— C’est un peu le même principe que pour le téléphone.

— En somme, vos objets n’ont aucune utilité.

Je faillis lui rétorquer que non, mais il fallait avouer qu’en Terre du Milieu, ça ne valait pas un clou.

— Oui, voilà c’est ça, ici ça ne vaut rien.

— Un peu comme vous, finalement, marmonna-t-il dans sa barbe.

Je faillis lui dire le fond de ma pensée, mais il me coupa la chique en me présentant devant les yeux…

— Mais ce sont mes tampons ?! m’exclamai-je, outrée. De quel droit avez-vous…

— À quoi est-ce que cela sert exactement ? me demanda-t-il intrigué et faisant fi de mes sentiments.

— Vous n’avez pas envie de savoir, fis-je.

— Dites-le moi quand même.

Furieuse et sentant la honte m’envahir une nouvelle fois, je croisai les bras sur ma poitrine. Après tout s’il voulait savoir, c’était lui qui demandait, n’est-ce pas. Prenant sur moi, je décidai de lui répondre franchement :

— Les Tampons sont des protections hygiéniques quand on a nos règles.

— Vos quoi ?

Oh pitié non, ne me dites pas que je vais devoir aussi faire un cours sur l’anatomie et la reproduction humaine. Mais qu’ai-je fait pour mériter d’en arriver là ?!

Très bien il l’aura voulu.

— Tous les vingt huit jours du mois, nous les femmes, quand nous n’attendons pas de bébé, nous saignons. Pour éviter de répandre du sang partout autour de nous et parce que, avouons-le, c’est un peu crade, nous avons le choix entre des serviettes hygiéniques ou des TAMPONS. Et avant que vous ne me le demandiez, le tampon se met dans le VAGIN, vous savez l’intimité féminine et là il se gorge du sang de nos menstruations et on le change au minimum tous les quatre heures.

J’avais débité tout ça d’un seul trait et je faillis sourire quand je vis l’expression mono-faciale de Thranduil qui mit un petit moment à assimiler tout ce que je venais de lui dire.

— Ainsi donc les femelles humaines ont leur lune tous les mois ? Chez les elfes cela n’arrive en général qu’une fois par an.

Cette fois, c’est moi qui devait tirer une de ses têtes parce que le Thranduil me lança un sourire de compassion.

— Une fois par an ? Vous êtes sérieux ?!

— Oui, nous n’avons pas besoin de nous reproduire comme des lapins pour assurer notre lignage car comme vous le savez, les elfes sont immortels. Cela dit, nous ne devrions pas avoir ce genre de conversation, c’est parfaitement indécent, me réprimanda-t-il d’un ton sec.

Ce mec mériterait des baffes. Non mais qui avait tenu à savoir à quoi pouvait servir mes tampons ? Cette conversation relevait franchement du n’importe quoi. C’était carrément surréaliste.

Je le vis alors délaisser mes affaires un peu personnelles pour regarder les couvertures de mes deux livres. Il semblait méditer quelque chose puis il les prit pour les ranger dans le sac. Je poussai alors un soupir de soulagement. La torture allait donc s’arrêter là ?

— Vous pouvez disposer Cerise, me dit-il en me tendant mon énorme sac. Allez dans votre chambre. Liamarë vous apportera votre déjeuner.

— Merci, lui dis-je mais… J’hésitais à lui poser la question mais après tout, je n’en étais plus à ça près. Avez-vous du café en Terre du Milieu ?

Il me dévisagea un instant.

— Du café ?

— À voir votre tête, je dois en déduire que non et avant que vous me le demandiez, le café est une boisson noire, amère que je prends tous les matins pour bien me réveiller.

— Je sais ce que c’est, répliqua-t-il. Mais, non, nous n’avons pas de… café ici, déclara-t-il en insistant bien sur le mot.

Puis il se détourna carrément de moi, me signifiant ainsi que notre entretien était terminé. Je refermai la porte lorsque je l’entendis clairement me dire :

— Vous n’êtes pas de la Terre du Milieu Cerise.

Non sans déconner, tu crois ? Secouant la tête, je partis en direction de la chambre que sa sérénissime Seigneurie avait eu la générosité absolue de me prêter.


Thranduil


Je l’entendis refermer la porte doucement sur mes dernières paroles. C’était un constat, cette humaine ne venait absolument pas de notre monde. Sa façon de parler, de regarder les gens avec affront, d’être aussi ignorante de tout…

Hier, elle avait été d’une telle insolence à notre égard que j’avais dû me résoudre à l’enfermer pour son propre bien. Tamril avait eu des raisons tout à fait valables d’être aussi furieux contre elle. Par contre, Liamarë l’avait tout de suite prise sous son aile. Bien que j’eus ordonné à ce qu’elle ne mange rien hier soir pour pouvoir méditer sur sa façon d’agir, Liamarë avait outrepassé mes ordres pour lui ramener du Lembas. Finalement, ce n’était pas plus mal, cette jeune fille avait besoin de repos et il était assez difficile pour les humains de dormir le ventre vide, avais-je appris bien des années plus tôt.

Après avoir fait le bilan de la journée avec Finlenn, mes pas m’avaient emmené dans les souterrains où se trouvaient les cellules hautes. Mue par la curiosité, je m’étais approché de l’endroit où était enfermée l’humaine. Elle dormait à poings fermés par terre comme si le manque de confort ne la dérangeait absolument pas. C’était fascinant. Endormie, ses traits étaient bien plus relâchés et lui conféraient une beauté presque enfantine. Me trouvant ridicule à observer cette petite en train de dormir comme s’il s’était agit d’un animal de compagnie, j’étais remonté pour me diriger vers la chambre que je lui avais accordée. Elle disait venir d’ailleurs et avait avec elle une énorme sacoche. J’avais envie de savoir ce qu’elle contenait, peut-être alors en apprendrais-je un peu plus sur elle. Une fois que j’avais récupéré le sac fait d’une drôle de matière, j’étais reparti avec dans mes appartements pour découvrir à qui j’avais affaire.

Mal m’en prit car hélas, l’intérieur de sa besace ne m’apporta que plus de confusion. Par tous les Valar, qui était-elle et de quelle étrange contrée venait-elle ? Intrigué, je l’avais vidé sur ma couche et j’avais vite déchanté par tout ce qu’il contenait. Cependant, je m’étais permis de feuilleter un de ses livres écrit en langue commune et je l’avais relâché aussi vite que s’il m’avait brûlé les mains. C’était impensable qu’une jeune personne puisse avoir ce genre de lecture aussi dépravée et perverse. En des milliers d’années d’existence, je savais fort bien que l’humanité ne s’était pas reproduite par magie, les elfes ont aussi une sexualité, mais voir étalé ce ramassis de cochonneries sur du parchemin aussi finement travaillé me stupéfia totalement. Les choses de l’amour étaient un art pratiqué avec le respect de son partenaire. Les elfes, en général, ne le faisaient qu’avec l’être aimé. Pour ma part, ma défunte épouse — bien que sa présence me manque plus que tout au monde et que son absence ait laissé un vide incommensurable en mon cœur— n’était pas la seule partenaire que j’ai eu. J’aurais aimé qu’elle soit l’unique, mais malheureusement, le destin et les Valar en avaient décidés autrement en me l’enlevant de cette terre.

Revenant au présent, j’avais regardé une nouvelle fois le reste de ces choses qui parsemaient mon lit et, comprenant que je n’en saurais pas plus, j’avais décidé de la convoquer ici pour qu’elle puisse m’expliquer elle-même à quoi tout cela pouvait bien lui servir.

Et maintenant ? Cette Cerise venait de quitter ma chambre me laissant encore plus de questions que je n’avais obtenus de réponse. Dire à quel point je me sentais frustré était un euphémisme. J’avais demandé à Liamarë de lui expliquer cette fois ce que j’attendais d’elle exactement. Cerise deviendrait une de mes servantes personnelles. Je n’avais pas particulièrement besoin d’elle, mais j’avais peur qu’elle ne puisse totalement s’intégrer au reste de notre maisonnée, de plus, j’étais curieux d’elle et préférais la garder pour moi un certain temps.

Avisant la carafe de vin sur la desserte je me rapprochai pour prendre un verre quand un drôle d’objet capta toute mon attention. Je l’avais complètement oublié et le voir là me narguant me fit chauffer les oreilles d’une honte mêlée à autre chose. Il avait la forme d’un attribut viril masculin et il avait été dans le sac de l’humaine. À quoi cela pouvait-il bien lui servir ? Puis une image germa dans ma tête que je m’empressai de bannir. Si cela était dans le but d’un plaisir solitaire, je n’en compris pas la démarche. N’y avait-il pas d’homme dans son monde ? Puis je me rappelais ce livre au contenu aussi licencieux que scandaleux et partis du principe que sans doute, les hommes avaient-ils du disparaître de son royaume et que… Mais tout de même, cela me perturbais beaucoup.

Chassant toutes ces inepties de ma tête, je décidai de me focaliser sur la missive que je venais de recevoir. Elle provenait de Legolas, mon unique enfant. Lui et son ami le nain – j’avais encore du mal à accepter que mon fils ait pour compagnon un de ces êtres primitifs et barbare – se rendaient en Ithilien pour féliciter le roi du Gondor et son épouse qui attendaient leur premier enfant. Je me souvins alors du temps où Elenna et moi-même fomentions l’idée de donner un petit frère ou une petite sœur à Legolas. L’occasion ne s’était jamais présentée et elle était … morte. Depuis j’avais reporté toute mon affection sur mon fils qui me rendait si fier. Seule ombre au tableau, son célibat qui parfois me désespérait au delà des mots. Bien-sûr, une partie de moi avait toujours peur qu’avec son amour des hommes, il ne finisse par donner son cœur immortel à une humaine, mais le voir seul et si désespéré – car il fallait bien être désespéré pour s’enticher de la compagnie d’un nain – me rendait immensément triste.

Décidé à chasser la morosité qui commençait lentement à étreindre mon cœur, je sortis de mes appartements et pris la direction de la salle du trône quand je fus interpellé par Maeiell*. Celle-ci semblait fort préoccupée.

Elle me fit une révérence guindée avant d’attendre que je ne lui adresse la parole.

— Que nous vaut le plaisir de votre présence en ces lieux, en ce beau matin ? lui demandai-je poliment d’une voix mesurée.

— Des murmures nous ont appris la présence d’une étrangère parmi nous, me répondit-elle en me fixant plus longtemps que la bienséance ne l’exigeait.

Je penchai la tête sur le côté tout en l’avisant lentement.

Maeiell avait l’allure d’une elfe douce et aimante, mais je savais que c’était aussi une femme qui aimait le pouvoir et le confort. Elle savait comment obtenir ce qu’elle désirait, ne se laissait pas marcher sur les pieds et pouvait être aussi mordante qu’un serpent. Cependant, j’avais reconnu il y a bien longtemps qu’elle pouvait se montrer fort indispensable en certains lieux et certaines circonstances.

— Effectivement, lui répondis-je. Notre royaume compte un invité qui pourra, si nécessaire, devenir un membre à part entière de notre palais si j’en ressens le désir.

Je la vis froncer les sourcils. Elle savait que je n’accepterais pas d’ingérence de sa part. J’attendis donc qu’elle prenne congé de nous.

— Je vois, dit-elle, merci de m’avoir accordé un peu de votre temps, votre Majesté.

Je la vis s’incliner doucement puis se relever tout en me fixant de manière lascive. Je la regardais partir avant d’aller m’asseoir. D’autres choses plus urgentes m’attendaient aujourd’hui. J’espérais que ma dernière missive soit arrivée sans heurt au royaume de la Lórien. Les araignées restaient notre principal souci ici à Mirkwood et j’espérais vraiment me débarrasser de ces immondes bêtes avant que je ne décide à partir pour Valinor.


Cerise


La vie au royaume de Mirkwood était aussi monotone et ennuyeuse que lorsque je me retrouvais en réunion de travail. Les gens semblaient vivre au ralenti. Franchement, j’avais plutôt l’impression de m’être retrouvée dans un hospice pour vieux où les vieux avaient tous l’air jeune. C’est déstabilisant et quelque peu flippant. Vivre dans un monde sans café, sans technologie et où seul l’ennui semblait être la joie de tout un chacun. Pitié, Seigneur, toi là haut, qui te fiche de moi comme d’une guigne, je veux rentrer chez moi. La Terre du Milieu, ça va faire quoi, presque deux semaines que j’y suis – oui déjà deux semaines ! – et je trouve ça chiant ! Ça craint du boudin, tout ça.

Oh, bien-sûr j’étais devenue la servante personnelle de Sa Sérénissime Seigneurie Thranduil et c’était le travail le plus tranquille qu’il m’ait été donné d’avoir. J’avais craint au départ qu’il n’en profite pour me chercher des poux ou bien pour me faire tourner en bourrique, mais même pas. C’était comme si j’avais intégré le paysage et qu’il avait oublié qui j’étais et d’où je venais. Liamarë me secondait dans mes tâches, mais je la soupçonnais surtout de m’avoir à l’œil. Cela dit, servir du vin ou apporter les repas du roi n’était pas non plus le boulot le plus compliqué de la planète. La plupart du temps, j’étais libre et j’avais pu finir avec délectation mes deux romans. Le second, « La Soumise » m’avait échauffé les sangs comme jamais et bon… Il fallait aussi dire que les elfes étaient tous plus ou moins pas mal, par ici.

Je m’étais un peu rapprochée de Tamril. Incroyable vu la façon dont nos rapports avaient commencé, mais on s’entendait bien, lui et moi. Il m’emmenait me promener aux abords du palais quand il n’y avait pas trop de danger et c’était alors l’occasion de raconter nos vies. La mienne, quoique plus courte que la sienne – j’avais appris que Tamril allait sur ses trois-mille-cent-cinquante ans – lui était inédite et carrément fantastique. Oui, on s’entendait vraiment bien et parfois je le soupçonnais de nourrir envers moi autre chose que de la simple curiosité, mais je me trompais sans doute. Quoique, avoir une aventure avec un elfe sympathique ne m’aurait pas déplu.

Tandis que je revenais en direction du palais après qu’il soit parti avec l’un des gardes, je vis Liamarë qui courrait vers moi.

— Cerise, dépêche-toi de rentrer ! m’avertit-elle la mine préoccupée.

— Qu’est-ce qu’il se passe ? lui demandai-je pas rassurée du tout.

— Ce sont les araignées, apparemment une nouvelle colonie s’est installée non loin du palais et le Seigneur Thranduil a décidé de fermer les portes jusqu’à nouvel ordre tant qu’elles n’auront pas été toutes détruites.

Chouette, de l’action, pensais-je en levant les yeux au ciel. Non mais sans déconner, quoi… Il y a des fangirls qui courent l’aventure au galop en compagnie d’une communauté à croquer et moi, je me retrouve à devoir m’enfermer dans un palais à cause de stupides araignées géantes. Et pas l’ombre d’un Legolas en vue. C’était déprimant tout ça.

Liamarë et moi nous dépêchâmes de rentrer avant que les gardes ne ferment les portes. Le soleil venait à peine de se coucher et c’était très déstabilisant de vivre un peu comme les poules. Je me pris à comparer le royaume de Mirkwood à une basse-cour, ce qui me fit rire presque à gorge déployée. Oui j’étais comme ça, moi, je savais me faire rire toute seule.

Sur le chemin, je croisai une elfe à la beauté renversante, grande aussi brune que j’étais blonde, et elle ne semblait pas très contente. Je haussai un sourcil, surprise, car je me rendis compte qu’elle se dirigeait vers moi.

— Toi l’humaine, me jeta-t-elle en s’arrêtant devant moi et en mettant les poings sur ses hanches à peine dessinées sous sa robe fluide. Le roi Thranduil te réclame dans ses appartements pour le dîner.

Très bien, je vois… Maeiell, car c’était son prénom, était celle qui était chargée de s’occuper des repas de leur roi. Un immense honneur que beaucoup d’elfes sylvestres auraient rêvé d’obtenir. Personnellement, devoir servir Thranduil à table… bof, quoi… c’était pas le but ultime de ma vie, mais alors pas du tout, j’aspirais à des desseins un peu plus haut de gamme… Comme retourner chez moi par exemple, gagner au loto, devenir riche , épouser Tom Hiddleston ou Richard Armitage, par exemple ! Mais non, ce soir, je devais servir le repas d’un elfe blond aussi froid et piquant que la glace de mon congélateur. Quelle chance ! Je me demandais vaguement si quelques elfes étaient aussi promus à admirer le Saint roi déféquer le matin avant de faire ses ablutions. Rien que d’y penser, beurk quoi !

— Merci Maeiell. Dois-je m’y rendre maintenant où puis-je faire un brin de toilette avant ?

Elle me toisa de la tête aux pieds, un sourire malveillant sur le visage. Je ne sais pas ce que je lui avais fait mais je savais une chose, c’est qu’elle ne m’aimait pas.

— Tu pourras t’en passer, me répondit-elle durement, que tu le fasses ou pas, on ne verra pas trop la différence de toute façon.

— Super, merci pour ta franchise, lui lançai-je avant de la planter là.

Ne l’écoutant pas, je décidai tout de même de passer par ma chambre pour me rafraichir un peu et me changer. Comme je n’étais pas réquisitionnée pour apporter le repas, ça me laissait un peu de marge. J’étais en train de retirer ma robe quand on frappa à la porte. Je n’eus pas le temps de dire quoique ce soit que je me retrouvais face à Tamril qui devint écarlate, le pauvre. J’aurais ri si moi-même je n’avais pas été gênée par cette situation.

— Je… je m’excuse, me lança-t-il avant de sortir en claquant la porte.

Embarrassée, je pris une autre robe, que j’enfilais rapidement avant de donner un bon coup de brosse à mes cheveux. Quand je sortie, je vis que Tamril m’attendait non loin.

— Qu’y a-t-il Tamril ? lui demandai-je tentant d’oublier l’incident.

Il me fixa de manière très intense et je pouvais voir que ses oreilles avaient pris une teinte qui virait presque à l’écarlate.

— J’étais simplement venu vous dire que j’avais apprécié nos promenades et qu’elles allaient me manquer, mais… que si vous le vouliez, nous pourrions nous retrouver pour bavarder sur l’esplanade centrale en soirée après les repas.

— Bien-sûr, répondis-je en souriant. De toute façon, je n’avais plus rien à lire le soir et, mis à part me coucher tôt, je ne pouvais pas faire grand chose.

— Je vous accompagne jusqu’aux cuisines ? me proposa-t-il gentiment et pleins d’espoir.

— Ça ne va pas être possible, rétorquais-je, la mine sombre. Le roi Thranduil me veut à ses côtés pour lui servir le repas et je dois y aller maintenant.

— Mais pourquoi ? s’étonna Tamril, d’habitude c’est à Maeiell que revient cet honneur.

— Qu’est-ce que j’en sais, dis-je en haussant les épaules d’un air fataliste. Sans doute me convoque-t-il pour me faire de nouvelles remontrances.

— Lui avez-vous été désagréable ces derniers jours ? me questionna-t-il.

— Non, pas que je sache, vu que je ne l’ai pas revu depuis un moment.

— S’il vous plaît Cerise, me dit Tamril en me prenant les mains dans les siennes. Soyez sage et ne dites rien de plus que ce qu’il ne veut entendre.

Je rêve ou il est en train de me faire la leçon ?

— J’essaierai, lui rétorquai-je en soupirant, mais ce n’est pas dit que j’y arrive !

— Cerise ! me tança-t-il.

— Oui, oui, j’ai compris, mon commandant !

Et je lui faussai compagnie avant qu’il n’ajoute encore quoique ce soit, du style fait attention quand tu traverses, Cerise, surtout ne réponds pas quand un étranger te parle, Cerise… Bref, cet elfe avait la fâcheuse manie de se prendre pour ma mère.

Quand je fus devant la porte royale avec un grand R, je me repris à deux fois avant de frapper. J’attendis quelques secondes avant d’entendre clairement un « Vous pouvez entrer ».

Tandis que je pénétrais dans la pièce, je fus un peu surprise de croiser Maeiell qui en sortait. Elle semblait de très bonne humeur – en tout cas plus que lorsque je l’avais vu en fin d’après-midi – et elle me fit même un vrai sourire. Waouh, il allait pleuvoir des grenouilles congelées sur la Terre du Milieu demain matin !

— Cerise, venez ici, me somma le roi Thranduil.

La table était dressée mais l’elfe royal se tenait près d’une espèce de fenêtre sans vitre qui donnait dans son jardin personnel. Il semblait mécontent. Si j’en étais la responsable, je ne voyais pas en quoi j’avais pu le mettre en colère. Toutefois, je fis ce qu’il me demandait et j’attendis.

L’attente fut longue et extrêmement mortelle. Il me jaugeait froidement, sa bouche n’était plus qu’une fine ligne de mépris. Je dus attendre qu’il se décide enfin à dire quelque chose car bien sur leur foutu protocole à la noix exigeait que ce soit le roi qui débuta une conversion, l’inverse était un affront qui pouvait être sanctionné par la peine de mort. Rien que ça. Qu’est-ce que je détestais cette époque. Il n’empêche la tout de suite, il me fichait un peu les boules.

— Je vous offre mon hospitalité Cerise, je vous ouvre les portes de mon palais et vous osez y mettre la discorde, commença-t-il d’une voix tendue.

— Pardon ? protestai-je incrédule.

— Je ne vous ai pas donné la permission de parler il me semble, continua-t-il.

Ses yeux, telles deux billes de glaces me transpercèrent de la tête aux pieds. Bon j’allais compter jusqu’à trois avant de fuir quand il se pencha vers moi.

— De quel droit avez-vous osé séduire le bras droit du capitaine de notre garde ? grogna-t-il furieux.

Plait-il ? Mais de quoi est-ce qu’il me parlait ? Moi séduire qui ? Ah, j’étais vraiment tombée chez les fous ! Ah, elle est belle ma quête hein ?! Foutue quête ratée oui, où l’on m’accuse de séduction. Toutefois, cette accusation me mettait aussi du baume au cœur. Parce que… Jusqu’à preuve du contraire, je n’avais jamais séduit personne de ma vie !

À Suivre


Annotations

* Maeiell : anciennement Tintallë. Pourquoi ai-je changé son nom ? C’est très simple. Tintallë est un des noms donné à la grande Varda Elbereth, Vala de son état et femme de Manwë Sulimo. Connaissant l’histoire de la Terre du Milieu et du 1er âge, entre autre, il m’était bien difficile de le lui laisser. Cela aurait été un affront à celle que les elfes considèrent comme une déesse.

* Cerise a eu l’une des confrontations les plus dures (selon moi) et des plus drôles avec le grand roi des elfes gris. Devoir expliquer des objets du 21eme siècle… C’était vraiment marrant et excitant à écrire.

* Les elfes et la sexualité : voilà un sujet assez épineux. Dans les fics, ils sont soient obsédés du cul, soient aussi chaste que des moines. Pour ma part, je pense qu’il faut plutôt voir un juste milieu. Les elfes pratiques le sexe mais de manière sans doute plus modérée et avec une vision sans doute différente de la notre mais pas tant que ça. Mais je ne m’étendrai pas ici sur le sujet, j’y reviendrai bientôt.

* Petit Grey : oui Cerise garde d’étranges choses dans son sac… Il faut bien l’avouer !

Me voilà de retour, pour vous jouer un mauvais tour ! Ce soir, au programme, une discussion épique entre le roi des elfes et Cerise notre petite humaine intrépide !


Une Quête Ratée #4

4

La Femme Qui Venait d’Ailleurs


Cerise


Je sentis quelqu’un me secouer brutalement, ce qui me réveilla en sursaut. Je me rendis compte que j’étais affalée à même le sol. J’ouvris les yeux pour voir qui avait osé me réveiller de la sorte quand je croisais le regard du capitaine de la garde, Finlenn je crois.

— Levez-vous, l’humaine, vous vous êtes assez reposée comme cela, le Seigneur vous réclame immédiatement.

C’était une mauvaise blague ? J’étais encore trop dans le coltard pour protester ou jeter une remarque sarcastique et pourtant, Dieu sait que ça me démangeait. Non mais franchement, comme si passer autant de temps dans un cachot pouvait être reposant… Il m’avait bien regardée ? Je n’avais qu’une envie présentement, c’était de …

— Excusez-moi, mais est-ce qu’avant je peux aller au petit-coin ? demandais-je le plus aimablement possible.

Je crois que j’avais décidé de retenir la leçon d’hier et d’écouter par la même occasion les sages conseils de Liamarë. Finlenn me regarda sans comprendre. Pffff, ils ne connaissaient pas les métaphores et autre figures de style par ici ?! C’était bien ma veine.

— J’aimerais soulager ma vessie, dis-je un peu plus précipitamment, parce que ça commençait à urger.

— Je vois, répondit-il, ennuyé.

Il me prit par le bras pour me relever sans douceur. Argh ! Que ça faisait mal ! J’avais des courbatures partout. Finlenn m’emmena au même endroit que la veille et, encore une fois je décidai que la chaise percée n’était pas pour moi, je partis donc arroser les fleurs.

Pendant que je remontais mon sous-vêtement, je me pris à penser à toutes ces fanfictions que j’avais lues et dans lesquelles les besoins primaires des êtres humains n’étaient jamais évoqués ou si peu. Non, sans déconner, c’est sur que c’était bien moins glamour… Je voyais bien l’héroïne au moment fatidique où le blond Legolas lui faisait part de son amour immortel, lui demander de but en blanc : « Chéri où sont les toilettes ici ? J’ai envie de faire la grosse commission et c’est très urgent. ».

C’est vrai ça… Nous autres humains avons ce genre de besoins… Une idée idiote vint alors parasiter mon cerveau un peu malade. Et si les elfes n’étaient pas comme nous à ce niveau là ? Je secouai la tête. N’importe quoi, Cerise, et pourquoi ne voudrais-tu pas non plus qu’ils fassent pipi du parfum Chanel et qu’ils chient des fleurs pendant que tu y es ?! Non mais vraiment, parfois, j’avais de ces idées tordues.

Nos pas nous menèrent droit vers une impressionnante porte aux motifs plus que compliqués devant laquelle nous nous arrêtâmes. Finlenn frappa à cette dernière, sans doute impatient de terminer son ennuyeuse mission, c’est à dire m’emmener auprès de son Seigneur et Maître. Mandieu, j’allais revoir Thranduil et… étrangement j’en étais impatiente et… ennuyée. Non que j’eus vraiment envie de le revoir après ce qu’il s’était passé la veille, mais je ne voyais pas pourquoi il voulait que je joue à la bonne à tout faire pour lui. J’étais certaine qu’il avait déjà assez de serviteurs pour ne pas s’encombrer d’une fille, en l’occurrence moi, qui n’avait jamais fait ça de sa vie.

Le trajet jusqu’aux appartements de sa si sérénissime majesté s’était déroulé dans le silence le plus total. Finlenn refusait de m’adresser la parole plus que nécessaire et j’étais toujours dans le vague. Presque deux jours sans caféine, je ne tiendrais jamais le coup ! Il me fallait ma dose de café, là maintenant tout de suite. Je décidais toutefois de museler mes envies folles furieuses pour me recentrer sur la façon dont j’allais me comporter avec le roi Thranduil.

Une fois que nous pénétrâmes dans ce qui était le bureau du roi, Finlenn m’abandonna à mon triste sort d’une simple courbette. Thranduil, quant à lui, me tournait – comme à son habitude depuis que je le connaissais – le dos. Aujourd’hui, il avait revêtu un manteau d’intérieur – à ce que je devinais – rouge sombre qui lui descendait jusqu’aux chevilles. Il n’avait pas de couronne sur la tête. Je compris qu’il ne devait pas être encore apprêté de façon « officielle » , enfin je le devinais parce que après tout, je n’y connaissais pas grand-chose non plus. Mais une chose me choqua : la longueur de ses cheveux. Ils étaient bien plus long que dans le film, ils tombaient en une cascade, blond presque argenté, jusqu’au niveau des fesses. Je connais des filles qui auraient tué pour avoir une chevelure pareille.

Ayant retenu la leçon d’hier, j’attendis que le monsieur décide de se retourner pour m’adresser la parole. Il mit un temps fou à le faire et je faillis perdre patience, à tel point que je dus faire des efforts pour me rappeler que j’étais loin d’être dans mon élément. Il fallait que je me maîtrise un peu.

Quand il fut devant moi, je m’aperçus alors que se trouvait derrière lui mon… sac !

— Avant de vous poser d’autres questions Mademoiselle, j’aimerais que vous répondiez avec franchise : Cerise est-il votre véritable prénom ?

Heu… pas ici non plus. À chaque fois que je donnais mon prénom on pensait à coup sûr que je me fichais de la tête des gens.

— Malheureusement oui, je m’appelle bien Cerise.

Il eut un hochement de tête avant de prendre mon sac et de le poser sur une table qui se trouvait non loin de lui. Il me fit signe d’approcher.

Je dus me museler la bouche pour ne pas hurler. De quel droit avait-il osé toucher à mes affaires ?! Avisant derrière lui, je vis qu’il avait sorti diverses choses et je crus que mon cœur allait défaillir… Je vis avec certitude « Petit Grey » posé sur une sorte de desserte un peu plus en retrait. Cette fois c’est bon, je crois que je vais vraiment mourir de honte.

J’eus la certitude que de la vapeur devait sortir de mes oreilles tellement mon visage me chauffait. Thranduil quant à lui, m’observait comme si une deuxième tête était en train de me sortir du cou.

— Très bien, reprit-il, inconscient des sentiments qui m’habitaient. Il sortit alors mon Smartphone du sac ainsi que ma tablette puis mon Ipod, mes livres, et tout ce qui pouvait se trouver dedans encore. Il prit dans ses mains le Smartphone et le regarda sous tous les angles. Je pouvais lire toute la curiosité que représentait cet objet à ses yeux.

— Qu’est-ce que c’est que ceci ? me questionna-t-il réellement intrigué.

— C’est mon Smartphone, répondis-je d’une petite voix tremblante.

— Votre quoi ?

Il commença à la secouer dans tous les sens.

— Attendez, dis-je en m’approchant doucement de lui et en tendant la main pour le récupérer. — Puis-je ? demandais-je, le cœur battant. Pourvu qu’il ne l’ait pas cassé ! Il y avait toute ma vie dans ce bout de ferraille et de disque dur.

Il me fit un signe de tête positif alors je m’empressai de le récupérer et passai derrière la table pour me mettre à ses côtés et lui montrer comment ça marchait. Je l’avais rechargé avant de partir du boulot donc la batterie était encore pleine. Je me dépêchai de l’allumer et j’eus envie de rire devant l’expression médusé du roi qui regardait mon précieux comme s’il s’était agi de la plus grande des magies. Une fois que l’écran d’affichage fut allumé, je vis que je n’avais pas de réseau. Non sans déconner, ils n’ont pas encore la 4G en Terre du Milieu ?

— Et cette chose sert à quoi exactement ? me demanda-t-il d’un ton circonspect.

Je me tournai vers lui et ne pus m’empêcher de déglutir. Il était vraiment très proche de moi et c’est alors que je sentis comme une sorte de parfum émanant de son cou. Il sentait un peu comme le chèvrefeuille avec une pointe un peu plus acidulée. Je le humais discrètement. C’est qu’il sentait divinement bon ! C’était bien ma veine, tiens.

— Cette chose, c’est un téléphone et ça sert à appeler les gens quand on veut leur parler sans pouvoir être à côté d’eux, lui dis-je, ma voix tremblant toujours autant, mais plus pour les mêmes raisons.

Il fronça les sourcils.

— Montrez-moi, ordonna-t-il plus curieux que jamais.

— C’est que j’aurais bien aimé, mais vous ne captez pas en Terre du Milieu.

— Nous ne captons pas ? répéta-t-il, intrigué.

J’avais envie de soupirer. Comment expliquer à quelqu’un qui ne connaissait rien à la technologie ce qu’était… la technologie, justement ? Au secours !

— Non, vous ne captez pas parce que vous n’avez pas de réseaux. Ce sont des machines reliées à des antennes qui servent à transmettre les ondes envoyées par les portables.

Je voyais qu’il semblait perdu et cela dit, moi aussi donc je préférais clore le sujet tout de suite.

— Impossible d’appeler ici en fait. Ce téléphone ne servira pas à grand-chose de plus.

Loin d’être satisfait Thranduil me désigna alors ma tablette.

— Et cela ? demanda-t-il.

— Une tablette tactile, déclarai-je fière de moi, c’est mon nouveau bébé rien qu’à moi soupirai-je en caressant amoureusement les rebords de ma Galaxy Tab 3.

Thranduil semblait encore plus intrigué par ma réaction que par ledit objet.

— Votre bébé ?

Il lui lança un coup d’œil étonné.

— Oui, dis-je. J’allumai alors la tablette et une fois que mon fond d’écran fut visible, j’émis un petit ricanement proche de l’hystérie. Dessus, on pouvait voir Tom Hiddleston en Loki plus beau que jamais. J’avais eu ma période Thor et The Avengers, il y a quelques mois et Loki me faisait toujours de l’effet… même perdue en pleine Terre du Milieu avec un Thranduil à mon côté, plus dépassé que jamais. D’un coup de doigt, j’ouvris une application au hasard. Il s’agissait du dernier jeu à la mode : Candy Crush Saga… Malheureusement n’ayant pas de réseaux, je pouvais toujours me brosser pour pouvoir y jouer via mon profil Facebook. Déçue, je la fermai dans un soupir contrit.

— Désolée, mais je ne vais pas pouvoir vous faire la moindre démonstration ici car vous n’avez pas internet.

Je vis Thranduil se redresser et croiser ses mains derrière son dos.

— Internet ?

Ah non, je n’étais pas sortie de l’auberge s’il fallait en plus que je lui définisse ce qu’était le net.

— C’est un peu le même principe que pour le téléphone.

— En somme, vos objets n’ont aucune utilité.

Je faillis lui rétorquer que non, mais il fallait avouer qu’en Terre du Milieu, ça ne valait pas un clou.

— Oui, voilà c’est ça, ici ça ne vaut rien.

— Un peu comme vous, finalement, marmonna-t-il dans sa barbe.

Je faillis lui dire le fond de ma pensée, mais il me coupa la chique en me présentant devant les yeux…

— Mais ce sont mes tampons ?! m’exclamai-je, outrée. De quel droit avez-vous…

— À quoi est-ce que cela sert exactement ? me demanda-t-il intrigué et faisant fi de mes sentiments.

— Vous n’avez pas envie de savoir, fis-je.

— Dites-le moi quand même.

Furieuse et sentant la honte m’envahir une nouvelle fois, je croisai les bras sur ma poitrine. Après tout s’il voulait savoir, c’était lui qui demandait, n’est-ce pas. Prenant sur moi, je décidai de lui répondre franchement :

— Les Tampons sont des protections hygiéniques quand on a nos règles.

— Vos quoi ?

Oh pitié non, ne me dites pas que je vais devoir aussi faire un cours sur l’anatomie et la reproduction humaine. Mais qu’ai-je fait pour mériter d’en arriver là ?!

Très bien il l’aura voulu.

— Tous les vingt huit jours du mois, nous les femmes, quand nous n’attendons pas de bébé, nous saignons. Pour éviter de répandre du sang partout autour de nous et parce que, avouons-le, c’est un peu crade, nous avons le choix entre des serviettes hygiéniques ou des TAMPONS. Et avant que vous ne me le demandiez, le tampon se met dans le VAGIN, vous savez l’intimité féminine et là il se gorge du sang de nos menstruations et on le change au minimum tous les quatre heures.

J’avais débité tout ça d’un seul trait et je faillis sourire quand je vis l’expression mono-faciale de Thranduil qui mit un petit moment à assimiler tout ce que je venais de lui dire.

— Ainsi donc les femelles humaines ont leur lune tous les mois ? Chez les elfes cela n’arrive en général qu’une fois par an.

Cette fois, c’est moi qui devait tirer une de ses têtes parce que le Thranduil me lança un sourire de compassion.

— Une fois par an ? Vous êtes sérieux ?!

— Oui, nous n’avons pas besoin de nous reproduire comme des lapins pour assurer notre lignage car comme vous le savez, les elfes sont immortels. Cela dit, nous ne devrions pas avoir ce genre de conversation, c’est parfaitement indécent, me réprimanda-t-il d’un ton sec.

Ce mec mériterait des baffes. Non mais qui avait tenu à savoir à quoi pouvait servir mes tampons ? Cette conversation relevait franchement du n’importe quoi. C’était carrément surréaliste.

Je le vis alors délaisser mes affaires un peu personnelles pour regarder les couvertures de mes deux livres. Il semblait méditer quelque chose puis il les prit pour les ranger dans le sac. Je poussai alors un soupir de soulagement. La torture allait donc s’arrêter là ?

— Vous pouvez disposer Cerise, me dit-il en me tendant mon énorme sac. Allez dans votre chambre. Liamarë vous apportera votre déjeuner.

— Merci, lui dis-je mais… J’hésitais à lui poser la question mais après tout, je n’en étais plus à ça près. Avez-vous du café en Terre du Milieu ?

Il me dévisagea un instant.

— Du café ?

— À voir votre tête, je dois en déduire que non et avant que vous me le demandiez, le café est une boisson noire, amère que je prends tous les matins pour bien me réveiller.

— Je sais ce que c’est, répliqua-t-il. Mais, non, nous n’avons pas de… café ici, déclara-t-il en insistant bien sur le mot.

Puis il se détourna carrément de moi, me signifiant ainsi que notre entretien était terminé. Je refermai la porte lorsque je l’entendis clairement me dire :

— Vous n’êtes pas de la Terre du Milieu Cerise.

Non sans déconner, tu crois ? Secouant la tête, je partis en direction de la chambre que sa sérénissime Seigneurie avait eu la générosité absolue de me prêter.


Thranduil


Je l’entendis refermer la porte doucement sur mes dernières paroles. C’était un constat, cette humaine ne venait absolument pas de notre monde. Sa façon de parler, de regarder les gens avec affront, d’être aussi ignorante de tout…

Hier, elle avait été d’une telle insolence à notre égard que j’avais dû me résoudre à l’enfermer pour son propre bien. Tamril avait eu des raisons tout à fait valables d’être aussi furieux contre elle. Par contre, Liamarë l’avait tout de suite prise sous son aile. Bien que j’eus ordonné à ce qu’elle ne mange rien hier soir pour pouvoir méditer sur sa façon d’agir, Liamarë avait outrepassé mes ordres pour lui ramener du Lembas. Finalement, ce n’était pas plus mal, cette jeune fille avait besoin de repos et il était assez difficile pour les humains de dormir le ventre vide, avais-je appris bien des années plus tôt.

Après avoir fait le bilan de la journée avec Finlenn, mes pas m’avaient emmené dans les souterrains où se trouvaient les cellules hautes. Mue par la curiosité, je m’étais approché de l’endroit où était enfermée l’humaine. Elle dormait à poings fermés par terre comme si le manque de confort ne la dérangeait absolument pas. C’était fascinant. Endormie, ses traits étaient bien plus relâchés et lui conféraient une beauté presque enfantine. Me trouvant ridicule à observer cette petite en train de dormir comme s’il s’était agit d’un animal de compagnie, j’étais remonté pour me diriger vers la chambre que je lui avais accordée. Elle disait venir d’ailleurs et avait avec elle une énorme sacoche. J’avais envie de savoir ce qu’elle contenait, peut-être alors en apprendrais-je un peu plus sur elle. Une fois que j’avais récupéré le sac fait d’une drôle de matière, j’étais reparti avec dans mes appartements pour découvrir à qui j’avais affaire.

Mal m’en prit car hélas, l’intérieur de sa besace ne m’apporta que plus de confusion. Par tous les Valar, qui était-elle et de quelle étrange contrée venait-elle ? Intrigué, je l’avais vidé sur ma couche et j’avais vite déchanté par tout ce qu’il contenait. Cependant, je m’étais permis de feuilleter un de ses livres écrit en langue commune et je l’avais relâché aussi vite que s’il m’avait brûlé les mains. C’était impensable qu’une jeune personne puisse avoir ce genre de lecture aussi dépravée et perverse. En des milliers d’années d’existence, je savais fort bien que l’humanité ne s’était pas reproduite par magie, les elfes ont aussi une sexualité, mais voir étalé ce ramassis de cochonneries sur du parchemin aussi finement travaillé me stupéfia totalement. Les choses de l’amour étaient un art pratiqué avec le respect de son partenaire. Les elfes, en général, ne le faisaient qu’avec l’être aimé. Pour ma part, ma défunte épouse — bien que sa présence me manque plus que tout au monde et que son absence ait laissé un vide incommensurable en mon cœur— n’était pas la seule partenaire que j’ai eu. J’aurais aimé qu’elle soit l’unique, mais malheureusement, le destin et les Valar en avaient décidés autrement en me l’enlevant de cette terre.

Revenant au présent, j’avais regardé une nouvelle fois le reste de ces choses qui parsemaient mon lit et, comprenant que je n’en saurais pas plus, j’avais décidé de la convoquer ici pour qu’elle puisse m’expliquer elle-même à quoi tout cela pouvait bien lui servir.

Et maintenant ? Cette Cerise venait de quitter ma chambre me laissant encore plus de questions que je n’avais obtenus de réponse. Dire à quel point je me sentais frustré était un euphémisme. J’avais demandé à Liamarë de lui expliquer cette fois ce que j’attendais d’elle exactement. Cerise deviendrait une de mes servantes personnelles. Je n’avais pas particulièrement besoin d’elle, mais j’avais peur qu’elle ne puisse totalement s’intégrer au reste de notre maisonnée, de plus, j’étais curieux d’elle et préférais la garder pour moi un certain temps.

Avisant la carafe de vin sur la desserte je me rapprochai pour prendre un verre quand un drôle d’objet capta toute mon attention. Je l’avais complètement oublié et le voir là me narguant me fit chauffer les oreilles d’une honte mêlée à autre chose. Il avait la forme d’un attribut viril masculin et il avait été dans le sac de l’humaine. À quoi cela pouvait-il bien lui servir ? Puis une image germa dans ma tête que je m’empressai de bannir. Si cela était dans le but d’un plaisir solitaire, je n’en compris pas la démarche. N’y avait-il pas d’homme dans son monde ? Puis je me rappelais ce livre au contenu aussi licencieux que scandaleux et partis du principe que sans doute, les hommes avaient-ils du disparaître de son royaume et que… Mais tout de même, cela me perturbais beaucoup.

Chassant toutes ces inepties de ma tête, je décidai de me focaliser sur la missive que je venais de recevoir. Elle provenait de Legolas, mon unique enfant. Lui et son ami le nain – j’avais encore du mal à accepter que mon fils ait pour compagnon un de ces êtres primitifs et barbare – se rendaient en Ithilien pour féliciter le roi du Gondor et son épouse qui attendaient leur premier enfant. Je me souvins alors du temps où Elenna et moi-même fomentions l’idée de donner un petit frère ou une petite sœur à Legolas. L’occasion ne s’était jamais présentée et elle était … morte. Depuis j’avais reporté toute mon affection sur mon fils qui me rendait si fier. Seule ombre au tableau, son célibat qui parfois me désespérait au delà des mots. Bien-sûr, une partie de moi avait toujours peur qu’avec son amour des hommes, il ne finisse par donner son cœur immortel à une humaine, mais le voir seul et si désespéré – car il fallait bien être désespéré pour s’enticher de la compagnie d’un nain – me rendait immensément triste.

Décidé à chasser la morosité qui commençait lentement à étreindre mon cœur, je sortis de mes appartements et pris la direction de la salle du trône quand je fus interpellé par Maeiell*. Celle-ci semblait fort préoccupée.

Elle me fit une révérence guindée avant d’attendre que je ne lui adresse la parole.

— Que nous vaut le plaisir de votre présence en ces lieux, en ce beau matin ? lui demandai-je poliment d’une voix mesurée.

— Des murmures nous ont appris la présence d’une étrangère parmi nous, me répondit-elle en me fixant plus longtemps que la bienséance ne l’exigeait.

Je penchai la tête sur le côté tout en l’avisant lentement.

Maeiell avait l’allure d’une elfe douce et aimante, mais je savais que c’était aussi une femme qui aimait le pouvoir et le confort. Elle savait comment obtenir ce qu’elle désirait, ne se laissait pas marcher sur les pieds et pouvait être aussi mordante qu’un serpent. Cependant, j’avais reconnu il y a bien longtemps qu’elle pouvait se montrer fort indispensable en certains lieux et certaines circonstances.

— Effectivement, lui répondis-je. Notre royaume compte un invité qui pourra, si nécessaire, devenir un membre à part entière de notre palais si j’en ressens le désir.

Je la vis froncer les sourcils. Elle savait que je n’accepterais pas d’ingérence de sa part. J’attendis donc qu’elle prenne congé de nous.

— Je vois, dit-elle, merci de m’avoir accordé un peu de votre temps, votre Majesté.

Je la vis s’incliner doucement puis se relever tout en me fixant de manière lascive. Je la regardais partir avant d’aller m’asseoir. D’autres choses plus urgentes m’attendaient aujourd’hui. J’espérais que ma dernière missive soit arrivée sans heurt au royaume de la Lórien. Les araignées restaient notre principal souci ici à Mirkwood et j’espérais vraiment me débarrasser de ces immondes bêtes avant que je ne décide à partir pour Valinor.


Cerise


La vie au royaume de Mirkwood était aussi monotone et ennuyeuse que lorsque je me retrouvais en réunion de travail. Les gens semblaient vivre au ralenti. Franchement, j’avais plutôt l’impression de m’être retrouvée dans un hospice pour vieux où les vieux avaient tous l’air jeune. C’est déstabilisant et quelque peu flippant. Vivre dans un monde sans café, sans technologie et où seul l’ennui semblait être la joie de tout un chacun. Pitié, Seigneur, toi là haut, qui te fiche de moi comme d’une guigne, je veux rentrer chez moi. La Terre du Milieu, ça va faire quoi, presque deux semaines que j’y suis – oui déjà deux semaines ! – et je trouve ça chiant ! Ça craint du boudin, tout ça.

Oh, bien-sûr j’étais devenue la servante personnelle de Sa Sérénissime Seigneurie Thranduil et c’était le travail le plus tranquille qu’il m’ait été donné d’avoir. J’avais craint au départ qu’il n’en profite pour me chercher des poux ou bien pour me faire tourner en bourrique, mais même pas. C’était comme si j’avais intégré le paysage et qu’il avait oublié qui j’étais et d’où je venais. Liamarë me secondait dans mes tâches, mais je la soupçonnais surtout de m’avoir à l’œil. Cela dit, servir du vin ou apporter les repas du roi n’était pas non plus le boulot le plus compliqué de la planète. La plupart du temps, j’étais libre et j’avais pu finir avec délectation mes deux romans. Le second, « La Soumise » m’avait échauffé les sangs comme jamais et bon… Il fallait aussi dire que les elfes étaient tous plus ou moins pas mal, par ici.

Je m’étais un peu rapprochée de Tamril. Incroyable vu la façon dont nos rapports avaient commencé, mais on s’entendait bien, lui et moi. Il m’emmenait me promener aux abords du palais quand il n’y avait pas trop de danger et c’était alors l’occasion de raconter nos vies. La mienne, quoique plus courte que la sienne – j’avais appris que Tamril allait sur ses trois-mille-cent-cinquante ans – lui était inédite et carrément fantastique. Oui, on s’entendait vraiment bien et parfois je le soupçonnais de nourrir envers moi autre chose que de la simple curiosité, mais je me trompais sans doute. Quoique, avoir une aventure avec un elfe sympathique ne m’aurait pas déplu.

Tandis que je revenais en direction du palais après qu’il soit parti avec l’un des gardes, je vis Liamarë qui courrait vers moi.

— Cerise, dépêche-toi de rentrer ! m’avertit-elle la mine préoccupée.

— Qu’est-ce qu’il se passe ? lui demandai-je pas rassurée du tout.

— Ce sont les araignées, apparemment une nouvelle colonie s’est installée non loin du palais et le Seigneur Thranduil a décidé de fermer les portes jusqu’à nouvel ordre tant qu’elles n’auront pas été toutes détruites.

Chouette, de l’action, pensais-je en levant les yeux au ciel. Non mais sans déconner, quoi… Il y a des fangirls qui courent l’aventure au galop en compagnie d’une communauté à croquer et moi, je me retrouve à devoir m’enfermer dans un palais à cause de stupides araignées géantes. Et pas l’ombre d’un Legolas en vue. C’était déprimant tout ça.

Liamarë et moi nous dépêchâmes de rentrer avant que les gardes ne ferment les portes. Le soleil venait à peine de se coucher et c’était très déstabilisant de vivre un peu comme les poules. Je me pris à comparer le royaume de Mirkwood à une basse-cour, ce qui me fit rire presque à gorge déployée. Oui j’étais comme ça, moi, je savais me faire rire toute seule.

Sur le chemin, je croisai une elfe à la beauté renversante, grande aussi brune que j’étais blonde, et elle ne semblait pas très contente. Je haussai un sourcil, surprise, car je me rendis compte qu’elle se dirigeait vers moi.

— Toi l’humaine, me jeta-t-elle en s’arrêtant devant moi et en mettant les poings sur ses hanches à peine dessinées sous sa robe fluide. Le roi Thranduil te réclame dans ses appartements pour le dîner.

Très bien, je vois… Maeiell, car c’était son prénom, était celle qui était chargée de s’occuper des repas de leur roi. Un immense honneur que beaucoup d’elfes sylvestres auraient rêvé d’obtenir. Personnellement, devoir servir Thranduil à table… bof, quoi… c’était pas le but ultime de ma vie, mais alors pas du tout, j’aspirais à des desseins un peu plus haut de gamme… Comme retourner chez moi par exemple, gagner au loto, devenir riche , épouser Tom Hiddleston ou Richard Armitage, par exemple ! Mais non, ce soir, je devais servir le repas d’un elfe blond aussi froid et piquant que la glace de mon congélateur. Quelle chance ! Je me demandais vaguement si quelques elfes étaient aussi promus à admirer le Saint roi déféquer le matin avant de faire ses ablutions. Rien que d’y penser, beurk quoi !

— Merci Maeiell. Dois-je m’y rendre maintenant où puis-je faire un brin de toilette avant ?

Elle me toisa de la tête aux pieds, un sourire malveillant sur le visage. Je ne sais pas ce que je lui avais fait mais je savais une chose, c’est qu’elle ne m’aimait pas.

— Tu pourras t’en passer, me répondit-elle durement, que tu le fasses ou pas, on ne verra pas trop la différence de toute façon.

— Super, merci pour ta franchise, lui lançai-je avant de la planter là.

Ne l’écoutant pas, je décidai tout de même de passer par ma chambre pour me rafraichir un peu et me changer. Comme je n’étais pas réquisitionnée pour apporter le repas, ça me laissait un peu de marge. J’étais en train de retirer ma robe quand on frappa à la porte. Je n’eus pas le temps de dire quoique ce soit que je me retrouvais face à Tamril qui devint écarlate, le pauvre. J’aurais ri si moi-même je n’avais pas été gênée par cette situation.

— Je… je m’excuse, me lança-t-il avant de sortir en claquant la porte.

Embarrassée, je pris une autre robe, que j’enfilais rapidement avant de donner un bon coup de brosse à mes cheveux. Quand je sortie, je vis que Tamril m’attendait non loin.

— Qu’y a-t-il Tamril ? lui demandai-je tentant d’oublier l’incident.

Il me fixa de manière très intense et je pouvais voir que ses oreilles avaient pris une teinte qui virait presque à l’écarlate.

— J’étais simplement venu vous dire que j’avais apprécié nos promenades et qu’elles allaient me manquer, mais… que si vous le vouliez, nous pourrions nous retrouver pour bavarder sur l’esplanade centrale en soirée après les repas.

— Bien-sûr, répondis-je en souriant. De toute façon, je n’avais plus rien à lire le soir et, mis à part me coucher tôt, je ne pouvais pas faire grand chose.

— Je vous accompagne jusqu’aux cuisines ? me proposa-t-il gentiment et pleins d’espoir.

— Ça ne va pas être possible, rétorquais-je, la mine sombre. Le roi Thranduil me veut à ses côtés pour lui servir le repas et je dois y aller maintenant.

— Mais pourquoi ? s’étonna Tamril, d’habitude c’est à Maeiell que revient cet honneur.

— Qu’est-ce que j’en sais, dis-je en haussant les épaules d’un air fataliste. Sans doute me convoque-t-il pour me faire de nouvelles remontrances.

— Lui avez-vous été désagréable ces derniers jours ? me questionna-t-il.

— Non, pas que je sache, vu que je ne l’ai pas revu depuis un moment.

— S’il vous plaît Cerise, me dit Tamril en me prenant les mains dans les siennes. Soyez sage et ne dites rien de plus que ce qu’il ne veut entendre.

Je rêve ou il est en train de me faire la leçon ?

— J’essaierai, lui rétorquai-je en soupirant, mais ce n’est pas dit que j’y arrive !

— Cerise ! me tança-t-il.

— Oui, oui, j’ai compris, mon commandant !

Et je lui faussai compagnie avant qu’il n’ajoute encore quoique ce soit, du style fait attention quand tu traverses, Cerise, surtout ne réponds pas quand un étranger te parle, Cerise… Bref, cet elfe avait la fâcheuse manie de se prendre pour ma mère.

Quand je fus devant la porte royale avec un grand R, je me repris à deux fois avant de frapper. J’attendis quelques secondes avant d’entendre clairement un « Vous pouvez entrer ».

Tandis que je pénétrais dans la pièce, je fus un peu surprise de croiser Maeiell qui en sortait. Elle semblait de très bonne humeur – en tout cas plus que lorsque je l’avais vu en fin d’après-midi – et elle me fit même un vrai sourire. Waouh, il allait pleuvoir des grenouilles congelées sur la Terre du Milieu demain matin !

— Cerise, venez ici, me somma le roi Thranduil.

La table était dressée mais l’elfe royal se tenait près d’une espèce de fenêtre sans vitre qui donnait dans son jardin personnel. Il semblait mécontent. Si j’en étais la responsable, je ne voyais pas en quoi j’avais pu le mettre en colère. Toutefois, je fis ce qu’il me demandait et j’attendis.

L’attente fut longue et extrêmement mortelle. Il me jaugeait froidement, sa bouche n’était plus qu’une fine ligne de mépris. Je dus attendre qu’il se décide enfin à dire quelque chose car bien sur leur foutu protocole à la noix exigeait que ce soit le roi qui débuta une conversion, l’inverse était un affront qui pouvait être sanctionné par la peine de mort. Rien que ça. Qu’est-ce que je détestais cette époque. Il n’empêche la tout de suite, il me fichait un peu les boules.

— Je vous offre mon hospitalité Cerise, je vous ouvre les portes de mon palais et vous osez y mettre la discorde, commença-t-il d’une voix tendue.

— Pardon ? protestai-je incrédule.

— Je ne vous ai pas donné la permission de parler il me semble, continua-t-il.

Ses yeux, telles deux billes de glaces me transpercèrent de la tête aux pieds. Bon j’allais compter jusqu’à trois avant de fuir quand il se pencha vers moi.

— De quel droit avez-vous osé séduire le bras droit du capitaine de notre garde ? grogna-t-il furieux.

Plait-il ? Mais de quoi est-ce qu’il me parlait ? Moi séduire qui ? Ah, j’étais vraiment tombée chez les fous ! Ah, elle est belle ma quête hein ?! Foutue quête ratée oui, où l’on m’accuse de séduction. Toutefois, cette accusation me mettait aussi du baume au cœur. Parce que… Jusqu’à preuve du contraire, je n’avais jamais séduit personne de ma vie !

À Suivre


Annotations

* Maeiell : anciennement Tintallë. Pourquoi ai-je changé son nom ? C’est très simple. Tintallë est un des noms donné à la grande Varda Elbereth, Vala de son état et femme de Manwë Sulimo. Connaissant l’histoire de la Terre du Milieu et du 1er âge, entre autre, il m’était bien difficile de le lui laisser. Cela aurait été un affront à celle que les elfes considèrent comme une déesse.

* Cerise a eu l’une des confrontations les plus dures (selon moi) et des plus drôles avec le grand roi des elfes gris. Devoir expliquer des objets du 21eme siècle… C’était vraiment marrant et excitant à écrire.

* Les elfes et la sexualité : voilà un sujet assez épineux. Dans les fics, ils sont soient obsédés du cul, soient aussi chaste que des moines. Pour ma part, je pense qu’il faut plutôt voir un juste milieu. Les elfes pratiques le sexe mais de manière sans doute plus modérée et avec une vision sans doute différente de la notre mais pas tant que ça. Mais je ne m’étendrai pas ici sur le sujet, j’y reviendrai bientôt.


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