"Les ventes de mes livres seraient bien meilleures ; malheureusement, mes lecteurs ne lisent pas." p. 78
Eric Chevillard a commencé par expérimenter sur son blog http://l-autofictif.over-blog.com/ un nouveau type d'écriture : l'Autofictif. Chaque jour, il livre trois phrases à la frontière entre aphorisme, haïku, réflexion philosophique, brève de comptoir, mais surtout commentaire sur sa vie et sur le monde qu'il observe avec ironie et décalage. Il retranscrit sous forme papier en 2009 ses réflexions de 2007 et 2008.
L'autofictif croque un piment couvre la période 2011-2012. Les sujets sont tout aussi variés et jouissifs. Quelques perles :
- quand il se moque de son manque de succès ou de la suffisance de certains écrivains
"Quand on voit quel chemin montueux, tortueux, rocailleux mène à la gloire, comment s'étonner que tant d'ânes en aient atteint le sommet ?" p. 97
"Je me flatte d'avoir vécu une expérience rare pour un écrivain - qui atteste aussi une certaine force de caractère, ayons l'humilité de l'admettre: j'ai voyagé dans le Transsibérien sans en rapporter un livre! "
- quand il observe sa fille :
"Pourquoi il n'y a pas de crayon de couleur beige ?" p.125
"- Non, Suzie, tu ne touches pas à ça ! Quand tu auras dix-huit ans, tu feras ce que tu voudras.
- quand il repense la nature :
"Si le boa avait des cheveux - et l'on comprend bien du coup pourquoi la nature a jugé cette option superflue -, il se ferait des nattes." p.121
Son inventivité n'a pas de limite, lui qui décide par exemple de devenir pope. Pour la tenue...
Eric Chevillard est drôle, incisif, jamais complaisant envers lui-même, bref il faut le découvrir !
" C'est Jules Renard, Pascal et La Rochefoucauld réunis, et encore plus que ça. Les petits faits de la vie, de menues observations mis en formules gnomiques et transfigurés par l'invention, l'humour, la fantaisie. Autre chose que la morne liste des courses qui fait l'ordinaire de ce qu'on nomme autofiction, sans doute pour signifier que ça exclut toute inventivité. "
Pierre Jourde, Le Nouvel Observateur
L'autofictif croque un piment, Journal 2011-2012, Eric Chevillard, L'arbre vengeur, 2013, 245 p., 13 euros